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Pour une francophonie ouverte sur le monde

L’article 2 du projet de loi d’orientation de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, présenté par la ministre Geneviève Fioraso le 20 mars dernier, suscite un vif émoi, que je peux comprendre même si je ne le partage pas.

De quoi s’agit-il exactement ?

Le projet de loi propose, tout comme la proposition de loi relative à l’attractivité universitaire de la France de ma collègue Dominique Gillot, dont j’ai été nommée rapporteure, d’introduire une nouvelle exception au principe qui fait du français la langue de l’enseignement, des examens, des concours et des thèses. Une partie des enseignements effectués dans le cadre d’accords avec des universités étrangères ou de programmes financés par l’Union européenne pourrait ainsi être dispensée en langues étrangères.

Nous savons bien qu’il est question ici d’autoriser un enseignement en anglais essentiellement. Pour autant, faut-il y voir, comme beaucoup se sont empressés de le dénoncer, un renoncement à la défense de la langue française à la faveur d’un hypothétique accroissement de l’attractivité universitaire française ? En toute bonne foi, je ne le pense pas. Au contraire.

D’abord, pour couper court à tout fantasme et à cette « défense de la francophonie par la peur » qui fait flores ces dernières semaines, il importe de répéter que le français demeurera bel et bien la langue de l’enseignement dans notre pays. L’élargissement des dérogations à la loi Toubon sur l’usage du français sera strictement encadré. Mme Fioraso rappelle, à cet égard, que les cursus en langue étrangère dans les universités concerneront « moins de 1% des cours ». L’objectif est simplement de ne pas faire de la maîtrise de la langue française un prérequis à la poursuite d’études en France et, parallèlement, et cette précision est importante, de subordonner l’obtention du diplôme à une évaluation de l’apprentissage du français.

La France perpétue une longue tradition d’accueil et de rayonnement culturel et scientifique. Quelques semaines après l’élection de François Hollande, la circulaire Guéant était abrogée, conformément à l’engagement présidentiel. Ce premier acte, symbolique, doit être un premier pas, pour redonner à notre pays sa troisième place mondiale pour l’accueil des étudiants étrangers.

Nous accueillons, aujourd’hui, 290 000 étudiants étrangers, mais, en 10 ans, la France a été reléguée au 5ème rang mondial des pays d’accueil, tout dernièrement devancée par l’Australie et l’Allemagne.

Près de la moitié des étudiants étrangers sont originaires de pays d’Afrique francophone. Je m’en félicite : ils sont les premiers ambassadeurs de la Francophonie à laquelle nous sommes tant attachés et, ils constituent un levier de notre croissance et de celle de l’Europe. Or les pays asiatiques ont également compris les formidables enjeux présents dans cette régions du monde: il n’est dont assurément pas question pour nous de les négliger.

Mais, nous devons aussi regarder dans d’autres directions, et notamment vers les « BRICS ».

Or, si les Chinois sont bien présents (ils représentent 10% du total des étudiants étrangers en France), les chiffres s’effondrent tant pour l’accueil des étudiants russes (à peine 1,7%), que brésiliens (1,6%) ou indiens (0,7%).

Aussi, à côté de l’amélioration des conditions d’accueil et de séjours des étudiants étrangers, de la sécurisation de leurs premières expériences professionnelles, menées par les deux ministres concernés, M. Valls et Mme Fioraso, il nous appartient également, d’intensifier l’internationalisation et les partenariats de nos universités. C’est à cette condition que la France retrouvera une réelle compétitivité, en attirant les meilleurs étudiants internationaux, mais aussi en diversifiant leur origine géographique. Rappelons que l’Allemagne se place, depuis peu, devant la France pour l’accueil des étudiants non anglophones… Il me semble que cette donnée doit, pour le moins, nous interpeler !

D’aucuns rétorqueront : à quoi bon ? La France demeure une destination privilégiée pour les étudiants étrangers, pourquoi tenter d’en attirer davantage et au-delà de sa «zone d’influence» traditionnelle?

Je leur répondrai que s’il n’y a pas lieu d’être exagérément alarmistes, nous n’avons pas les moyens de manquer le coche : au-delà même de l’attractivité universitaire de la France, l’enjeu est éminemment stratégique pour notre politique d’influence à travers le monde. Ne nous y trompons pas : la possibilité d’un enseignement en anglais ou une autre langue, à côté d’un apprentissage du français, permettra d’élargir encore davantage le socle de la culture francophone, en accueillant et en formant en français des étudiants qui s’orientent jusqu’à présent vers les universités anglo-saxonnes, simplement parce que, comme beaucoup, ils n’ont pas eu l’occasion d’apprendre notre langue au cours de leur cursus secondaire.

Ces étudiants, quel que soit leur parcours ultérieur, diffuseront notre langue et notre culture et seront ainsi des vecteurs du multilinguisme en général et de la francophonie en particulier pour lesquels nous œuvrons depuis si longtemps. En outre, cadres de demain, ils concourront aux échanges commerciaux avec notre pays. Dans ce cadre, leur francophilie, nouvellement enrichie, et leur francophonie, nouvellement acquise, grâce à cette possibilité d’études en France, participeront assurément très avantageusement au développement de notre commerce extérieur et donc à notre croissance et à notre rayonnement.

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