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Disparition de Pierre Mauroy

L'ancien Premier ministre Pierre Mauroy le 6 mai 2011 à Lille.Pierre Mauroy vient de nous quitter.

Je me rappelle très bien l’émotion ressentie sur les bancs de la gauche lorsque, au cours du long débat sur les retraites, il  intervint devant le Sénat au sujet de l’article 5, article qui sonnait le glas de la retraite à 60 ans.

La retraite à 60 ans a été « la loi la plus importante de la Vème république »  disait-il ce soir-là. « La retraite à 60 ans nous l’avons ardemment voulue, et désirée. C’est une ligne de vie, de revendications, d’espoir. C’est pourquoi, nous voulons la conserver. Vous n’avez pas le droit d’abolir l’histoire »  lançait-il à Eric Woerth.

Un grand moment qui restera imprimée dans ma mémoire.

Vous trouverez ci-dessous une dépêche retraçant le parcours de cet homme hors du commun :

PARIS,  7 juin 2013 (AFP) – Premier ministre de l’union de la gauche au début du premier septennat Mitterrand, maire de Lille pendant près de trente ans, Pierre Mauroy, décédé à l’âge de 84 ans, a incarné jusqu’au bout un socialisme proche du peuple et ouvert sur l’Europe.

Appelé à Matignon après l’élection de François Mitterrand en mai 1981, il met en oeuvre, à la tête d’un gouvernement comprenant pour la première fois depuis la Libération des ministres communistes, le « changer la vie » prôné par le Parti socialiste: réformes sociales, décentralisation, nationalisations, abolition de la peine de mort.
Devant la menace de faillite économique – déficits publics et poursuite de l’inflation -, il assume le tournant de la rigueur en 1982-83, auquel se résout à regret Mitterrand. « Mauroy a été magnifique », se souvient Jacques Attali qui faisait partie, comme lui, des dirigeants socialistes hostiles au repli de la France à l’abri de l’Europe et de l’Occident monétaristes de Reagan et Thatcher.
Pierre Mauroy « a été décisif dans le fait de convaincre (François) Mitterrand qu’il ne fallait pas sortir du système monétaire européen et casser l’Europe pour faire le socialisme dans un seul pays. Mitterrand y avait un peu pensé », souligne de son côté Michel Rocard, qui assura plusieurs portefeuilles dans les deux premiers gouvernements Mauroy.
En juillet 1984, épuisé, Pierre Mauroy quitte Matignon après le retrait de la loi Savary sur l’éducation combattue par les partisans de « l’Ecole libre ».

Né le 5 juillet 1928 à Cartignies (Nord), fils d’instituteur et petit-fils de bûcheron, Mauroy est nourri au lait du socialisme, bercé par le souvenir de Jules Guesde et de Jean Jaurès.
A 16 ans, il adhère aux Jeunesses socialistes dont il devient secrétaire général en 1955. Il fonde alors la fédération nationale des foyers Léo-Lagrange où son sens des contacts humains le fait remarquer.
En 1965, il soutient activement François Mitterrand, candidat unique de la gauche contre le général de Gaulle à la présidentielle.
En 1971, au congrès d’Epinay, Mauroy apporte les voix du Nord à Mitterrand qui prend la tête du nouveau Parti socialiste. En 1974, le nouveau député-maire de Lille – il a été élu l’année précédente – dirige la campagne présidentielle de Mitterrand.

Mais après la victoire de Valéry Giscard d’Estaing, Mauroy se rapproche de Michel Rocard, plus moderne et plus européen, qui l’entraîne dans sa défaite face à Mitterrand, au volcanique congrès socialiste de Metz, en 1979.
La disgrâce est éphémère puisque Mitterrand lui tend la main et le nomme Premier ministre après en avoir fait le porte-parole de sa campagne.

Après Matignon, Mauroy se replie sur son beffroi de Lille. Mais en mai 1988, il profite du bras de fer entre Laurent Fabius et Lionel Jospin pour se faire élire à la tête du PS, qui connaît des heures noires avec les déchirements du congrès de Rennes en 1990. Deux ans plus tard, il quitte la rue de Solférino, rejoint le Sénat et devient le premier Français à présider l’Internationale socialiste.

Cet homme, bon vivant, au physique imposant et à la voix grave, s’installe alors dans le rôle de sage de la gauche, pro-européen farouche – « je suis un socialiste hanséatique », disait-il – qu’il s’agisse de la création de l’euro et du Traité constitutionnel et rêvant d’une social-démocratie de la Baltique à la Méditerranée. Durant la campagne présidentielle de 2002, il sera un des rares à tirer -en vain- la sonnette d’alarme auprès de Lionel Jospin, en l’exhortant à ne pas « oublier les ouvriers ».

En 2001, il cède la mairie de Lille à Martine Aubry, dont il avait fait sa dauphine au grand dam de plusieurs ténors socialistes locaux qui convoitaient l’Hôtel de ville. Entre elle et lui, le « chti » et fier de l’être, les relations seront parfois tendues.

Dans ses « Mémoires » parus en 2003, il assure que son désaccord avec Mitterrand porta, vingt-cinq ans plus tôt, sur sa décision de faire rembourser l’IVG, contre l’avis du chef de l’Etat, soucieux de ménager l’électorat catholique en pleine guerre scolaire. Sans rancune, puisque Mitterrand l’avait poussé, sans succès, à se présenter à sa succession en 1995.
Les deux hommes étaient cependant proches puisque Pierre Mauroy confiait en octobre dernier que François Mitterrand l’avait informé « aussitôt », dès 1980, du cancer de la prostate dont il souffrait, alors que l’information n’avait été rendue publique qu’en 1992.

Pierre Mauroy était lui-même diminué par la maladie depuis plusieurs années.

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