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Le non-cumul des mandats : une nécessité pour la démocratie

Les projets de loi sur le non-cumul des mandats sont étudiés depuis hier par le Sénat. L’Assemblée nationale a adopté les deux textes en juillet dernier, projet de loi organique prévoyant l’interdiction du cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur et projet de loi ordinaire prévoyant d’interdire le cumul de ces fonctions exécutives locales avec un mandat au Parlement européen.

Une première limitation au cumul des mandats a été mise en place en 1985 (gouvernement Fabius), suivie d’une seconde en 2000 (gouvernement Jospin), mais ces lois ne sont pas suffisantes et le cumul des mandats est une pratique aujourd’hui trop répandue dans les hémicycles : 361 députés et 226 sénateurs exercent une fonction de président ou vice-président de conseil régional/général, de maire ou d’adjoint au maire, de président d’intercommunalité.

Et la France fait figure d’exception par rapport à ses voisins:  selon un rapport sénatorial de février 2012, la proportion d’élus en situation de cumul ne dépasse pas 20% dans la plupart des pays européens, en France, 84% des députés et 72% des sénateurs exerçaient au moins un autre mandat électif…

A chaque fois, ce sont les mêmes motivations qui guident l’absence de cumul (qu’il soit imposé ou aussi souvent choisi): respecter l’égalité des citoyens dans l’accès aux charges publiques, prévenir les pressions sur les électeurs, garantir la sincérité des élections et assurer tant la bonne administration des collectivités publiques que l’impartialité des titulaires de mandats.

En effet, la notoriété d’un parlementaire constitue une entorse à une juste compétition entre candidats à l’exercice d’un mandat local, c’est pourquoi l’argument de « la liberté de nos concitoyens » de voter pour le candidat de leur choix ne tient pas : les candidats qui se présentent à eux ne sont pas sur un pied d’égalité. Au-delà, les conditions de travail ne sont bien évidemment pas similaires entre un parlementaire n’ayant en moyenne que deux ou trois collaborateurs, et un parlementaire à la tête d’un exécutif local avec toute une équipe pour l’épauler. Le cumul peut, de surcroit, conduire parfois à des conflits d’intérêts. Mais le problème essentiel du cumul est le manque de temps consacré au travail parlementaire, avec un impact évident sur la qualité de celui-ci. Dire que ceux qui souhaitent le non-cumul n’ont qu’à se l’appliquer sans l’imposer aux autres est hypocrite : où est la justification au fait que les parlementaires ne soient pas investis à niveau égal dans leur mandat ?

Par ailleurs, l’argument principal pour le cumul des mandats est la proximité territoriale. Les sénateurs, représentants des territoires, auraient besoin de cumuler avec une fonction exécutive locale pour pouvoir représenter correctement ces territoires. Est-ce à dire que les sénateurs non cumulards sont coupés de leurs électeurs ? Telle n’est pas mon expérience de « simple » sénatrice. Rappelons, car on l’ « oublie » souvent, que le projet de loi n’empêche pas les parlementaires de détenir un mandat d’élu local (membre de conseil régional ou général, conseiller de Paris, conseiller municipal). Qui plus est, les sénateurs disposent d’une permanence parlementaire dans leur circonscription, et n’ont pas besoin d’être maire pour y rencontrer leurs concitoyens!

Enfin, je ne résiste pas à la tentation de préciser que le Sénat a voté, très heureusement, et  sans sourciller l’amendement interdisant le cumul entre les fonctions de conseiller consulaire (qui représentent les Français de l’étranger) et de parlementaire… encore une fois, les Français établis hors de France ne mériteraient-ils donc pas le même traitement que leurs concitoyens demeurant en France?

Le non-cumul ne menace pas la spécificité du Sénat en tant que chambre des territoires : il garantit au contraire son efficacité et par là même son utilité, justifiant ainsi le bicamérisme qu’on lui reproche de mettre en danger.

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