Mardi 17 décembre, un rapport sur les discriminations au travail a été rendu à la ministre de la Justice Christiane Taubira, au ministre du travail Michel Sapin et à la ministre des droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem. Les trois ministres avaient demandé à Madame Laurence Pecaut-Rivolier, conseiller près la Cour de cassation d’examiner les améliorations qu’il était possible d’apporter pour mieux détecter et traiter les discriminations collectives au travail.
Ce rapport, fruit de nombreuses auditions, constate en premier lieu la « réalité toujours prégnante » de ces discriminations, qui touchent principalement les femmes, les seniors, les salariés syndiqués et les salariés étrangers. Il dresse en outre le constat de l’augmentation de ces discriminations en période de crise.
Les propositions qu’il formule portent sur trois axes. Il suggère d’abord de favoriser l’accès aux éléments de preuve en cas de suspicion de discrimination. En effet, les documents utiles à la comparaison des situations sont parfois difficiles à obtenir pour les salariés. Il propose ensuite la création d’actions collectives, qui seraient menées par les syndicats devant les Tribunaux de Grande Instance. La vocation de ces actions serait non pas d’obtenir une indemnisation, sur le modèle anglo-saxon, mais d’obliger l’employeur à mettre un terme à la discrimination. La réparation du préjudice pourrait ensuite être obtenue par des actions individuelles devant les Prud’hommes. Le rapport conseille enfin de permettre aux acteurs impliqués dans la lutte contre les discriminations de transmettre les dossiers sur de possibles discriminations au procureur de la République, qui pourra déclencher l’action collective.
Selon le baromètre annuel du Défenseur des droits / IFOP publié en janvier, 30 % des salariés affirment avoir été victimes de discrimination au travail, ou avoir un proche qui en a été victime.
Une concertation sur ces propositions doit à présent être conduite. Elle pourra donner lieu à des amendements au projet de loi sur l’égalité entre les femmes et les hommes, adopté par le Sénat et transmis à l’Assemblée nationale en septembre. La date de l’examen du texte par l’Assemblée n’est pas encore fixée.
Le rapport a été présenté, le jour même, aux partenaires sociaux dans le cadre du Conseil Supérieur de l’Egalité Professionnelle. La secrétaire générale du Conseil, Brigitte Grésy, a également présenté les conclusions d’une seconde étude, portant plus spécifiquement sur le sexisme en entreprise. Cette étude est basée sur la consultation de 15 000 salariés de neuf grandes entreprises françaises. Ses conclusions interpellent sur une réalité préoccupante. Quatre femmes sur cinq considèrent que les femmes sont confrontées au sexisme dans le monde du travail, contre 56 % des hommes. 90 % des femmes estiment qu’il est plus facile de faire carrière pour un homme. La moitié des femmes ont déjà été interpellées d’un «ma poule, ma cocotte, miss…», et 8 femmes (et hommes) sur 10 ont déjà entendu des « blagues sur les femmes » au sein de l’entreprise. 54 % des femmes salariées estiment que leur sexe a été un frein professionnel. Enfin, une femme sur trois entend des remarques remettant en causes ses prétentions salariales, contre moins d’un homme sur vingt.
Ce constat appelle à des réponses fortes. Le Ministère des Droits des femmes agit d’ores et déjà dans le domaine, via notamment la signature de conventions avec de grandes entreprises sur le respect de l’égalité entre les femmes et les hommes, ou encore la mise en place à l’école primaire de modules « ABCD de l’égalité », qui offrent aux enseignants des outils pour aborder le thème de l’égalité filles-garçons par des séquences pédagogiques, afin de lutter tôt contre les idées reçues.
Il importe de lutter contre toutes les discriminations collectives que subissent les individus dans le monde du travail, et notamment contre le sexisme, fruit de la reproduction de stéréotypes encore trop présents dans la société. Ces rapports de qualité sont essentiels à la mise en lumière du phénomène, mais ils doivent, pour y mettre un terme, être suivis de la mise en place de mesures fortes.