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Mon intervention lors du Colloque « Femmes résistantes » organisé au Sénat

Mardi dernier, à l’occasion de la première Journée nationale de la Résistance, la Délégation aux droits des femmes a organisé un colloque pour évoquer le rôle spécifique des femmes dans la résistance.

Le colloque s’est organisé autour de trois tables rondes successives. La première, intitulée Place et rôle des femmes dans la résistance, a porté sur trois thèmes : « la Résistance a-t-elle un genre ? » (Claire ANDRIEU, professeure des universités à Sciences po), « Un cas particulier : les manifestations de ménagères organisées par le PCF » (Danielle Tartakowsky, présidente de l’Université de Vincennes – Saint Denis), et « La Résistance féminine dans le Nord : exemplarité, singularité » (Catherine Lacour-Astol, docteure en histoire).

La seconde table ronde, à laquelle j’ai pris part, portait sur les biographies et les témoignages. Nous avons notamment pu entendre les témoignages de Madame Colette Périès-Martinez, ancien agent de liaison de l’Armée secrète de Haute-Savoie puis du Maquis des Glières, et de Madame Colette Lacroix, ancienne du mouvement Forces unies de la jeunesse, du Réseau Pimento et des Maquis de l’Ain. Plusieurs biographies de résistantes ont été présentées par des sénateurs. J’ai choisi de parler de Sophie Scholl, jeune résistante allemande exécutée à l’âge de vingt-deux ans. Voici le texte de mon intervention intitulée « Sophie Scholl : une résistante allemande » :

« Elle avait 22 ans. Elle était étudiante en biologie et philosophie. Elle a été arrêtée le 18 février 1943 pour avoir dispersé des tracts dans les couloirs de l’université. Son procès a eu lieu quatre jours plus tard, et elle a été guillotinée quelques heures après. Elle était allemande. Elle s’appelait Sophie Scholl.

Sophie a douze ans lorsqu’Hitler prend le pouvoir en Allemagne, le 30 janvier 1933. Malgré une éducation chrétienne imprégnée d’humanisme, elle entre, comme ses frères et sa sœur, dans les organisations de jeunesse hitlériennes. Mais, rapidement désabusés par le manque de sens, à leurs yeux, du rituel propre à ces organisations, les enfants Scholl s’en éloignent. Dès 1936, les deux frères de Sophie s’engagent dans une organisation de jeunesse parallèle, créée en 1929 et interdite dès l’arrivée d’Hitler au pouvoir car elle promeut la culture et l’ouverture sur le monde. Il s’agit d’une organisation masculine, mais Sophie est influencée par l’expérience que vivent ses frères en son sein.

Au printemps 1937, du fait de cette appartenance illégale, Sophie et ses frères et sœur sont arrêtés par la Gestapo pour être interrogés. Sophie, qui n’a que 16 ans, est relâchée dans la journée. Mais l’emprisonnement de deux ses frères et de sa sœur la marque et l’empreint de fierté, sans qu’elle soit toutefois, comme ces derniers, d’ores et déjà en rupture totale avec le national-socialisme.

La lecture d’ouvrages interdits par le régime a une importance particulière dans le chemin qui conduit Sophie à la résistance. Elle permet à la jeune fille de se forger un esprit critique, ce que cherchait précisément à empêcher le régime en interdisant les livres contraires à « l’esprit allemand ». Les évènements qui conduisent à la Seconde Guerre Mondiale, de l’Anschluss à l’invasion de la Pologne, renforceront cette prise de conscience. Surtout, ce premier acte de résistance est l’occasion pour elle de partager avec d’autres son rejet du régime, puisqu’elle se procure les livres prohibés au sein d’un groupe d’amis, qui prend rapidement une place significative dans sa vie.

Sophie obtient son baccalauréat en mars 1940, mais doit, avant de commencer ses études, effectuer deux ans de travaux obligatoires dans une garderie. Ce n’est donc qu’au mois de mai 1942 qu’elle débute ses études à Munich. Elle y retrouve son frère Hans, alors que celui-ci commence à organiser, avec trois autres étudiants, des actions de résistance passive pour mobiliser contre le régime, en diffusant des tracts dans l’université.

Le moment précis auquel Sophie fut intégrée au groupe de la Rose Blanche, mouvement de résistance estudiantin créé autour du Professeur Kurt Huber, n’est pas connu avec certitude. S’il est probable que la jeune fille en ait été, dans un premier temps, tenue à l’écart par son frère voulant la protéger, elle a rapidement pris part aux actions.

Au cours de l’été 1942, le groupe se sépare : Sophie doit travailler dans une usine de munitions tandis que les jeunes garçons sont appelés sur le front russe. La jeune fille assiste par ailleurs au procès de son père, jugé pour avoir parlé imprudemment de ses convictions politiques au travail.

Ces expériences renforcent les étudiants dans leurs convictions, qui reprennent leurs actions lorsqu’ils reviennent à l’université à l’automne. Le rôle de Sophie au sein du groupe s’accroît. Dès le début de l’année 1943, l’effet des tracts commence à se faire sentir parmi les étudiants de l’université de Munich, qui se rebellent davantage.

En février, c’est la défaite de Stalingrad. Le danger s’accroît, mais le groupe veut communiquer cette nouvelle, qui ravive l’espoir de la chute d’Hitler. La Rose Blanche édite alors un tract à ce sujet. Ce sera le dernier. En effet, alors qu’Hans et Sophie le dispersent dans les couloirs de l’université de Munich, le jeudi 18 février 1943, le concierge les surprend et les dénonce à la Gestapo.

Sophie et Hans nient, mais la fouille de leurs chambres d’étudiant est accablante. Le procès a lieu quatre jours plus tard, devant le tribunal populaire, en présence des parents Scholl. Il dure cinq heures. Sophie, son frère Hans et l’un de leurs camarades, Christophe Probst, sont condamnés à être exécutés. Ils sont guillotinés le jour même, en fin d’après-midi.

Sophie Scholl ne fut pas la seule femme résistante en Allemagne.  Cependant, elle est un symbole important de la résistance en Allemagne, comme en témoignent les nombreux ouvrages, documentaires et films qui ont été consacrés au mouvement de la Rose Blanche.

La troisième et dernière table ronde a permis d’évoquer le thème de la vie après la résistance et l’engagement politique avec notamment la présentation, par des sénateurs et sénatrices de la délégation aux droits des femmes, de l’action au Sénat de sénatrices issues de la Résistance.

Vous trouverez le détail des tables rondes ici et le colloque en vidéos ici.

 

 

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