0

Quelles perspectives pour l’Ukraine suite à l’élection présidentielle ?

Petro Porochenko, 48 ans, a été élu président de l'Ukraine dès le premier tour, dimanche 25 mai. Alors que les Français élisaient leurs députés européens et, pour ceux résidant à l’étranger, leurs conseillers consulaires, les Ukrainiens votaient, eux aussi. L’objectif de ce scrutin : mettre fin à la crise politique qui agite le pays depuis six mois, une crise qui a porté les tensions entre la Russie et les pays occidentaux à leur plus haut niveau depuis la fin de la guerre froide.

Après l’annexion de la Crimée, les mouvements séparatistes à l’est s’intensifient, tandis que la Russie déploie des troupes de plus en plus nombreuses le long de la frontière orientale ukrainienne. Le 11 mai, un référendum est organisé par les séparatistes dans les régions de Donetsk et Lougansk. Selon les résultats « officiels », une large majorité des habitants de ces régions souhaitent qu’elles deviennent indépendantes. Mais le scrutin est entaché de nombreuses irrégularités.

L’élection, dimanche, dès le premier tour, de Petro Porochenko, marque une réelle avancée. Le simple fait que l’élection ait pu avoir lieu est à saluer. De plus, élu dès le premier tour avec 54 % des voix, le nouveau Président ukrainien dispose d’une importante légitimité. Le pouvoir central fort qui manquait à l’Ukraine, dirigée par un gouvernement provisoire depuis le départ du président Viktor Ianoukovitch en février, va pouvoir se mettre en place.

De plus, la réaction apparemment conciliante de la Russie pourrait donner à penser qu’une détente est envisageable. Le poids du pays est bien entendu prépondérant dans le devenir de la crise ukrainienne, car c’est lui qui arme les séparatistes. Or, la Russie a immédiatement reconnu la légitimité du nouveau Président, et s’est dite prête à un « dialogue pragmatique ». Elle n’a pas reconnu les républiques autoproclamées de Donetsk et Lougansk, et a ordonné le retrait des 40 000 soldats stationnés le long de la frontière russo-ukrainienne, ceci afin de prouver qu’elle n’est pas impliquée dans la guerre civile.

De fait, la Russie souffre des sanctions européennes mises en place suite à l’annexion de la Crimée. Elle a passé des contrats avec la Chine, mais ne peut substituer ces liens économiques à ceux qu’elle entretient avec l’Europe. Ce serait courir le risque de devenir dépendant de son puissant voisin de l’est. La Russie, si elle veut préserver son indépendance, doit conserver ses liens avec l’Occident. Elle a donc intérêt à se montrer conciliante et à trouver un compromis avec l’Ukraine.

L’avenir demeure toutefois incertain. Les combats se poursuivent dans l’est du pays, car la Russie continue pour l’heure à soutenir officieusement les rebelles, en envoyant des hommes et des armes. En outre, si le seul partenariat avec la Chine serait effectivement dangereux pour l’indépendance du pays, l’Europe n’est peut-être pas la seule alternative. Vladimir Poutine travaille en effet sa politique eurasiatique, comme l’illustre la signature, fin mai, d’un accord sur la création d’une « Union économique eurasiatique » avec la Biélorussie et le Kazakhstan.

C’est dans ce contexte d’incertitude que doit être interprétée la visite de Vladimir Poutine en France à l’occasion des cérémonies de commémoration du débarquement de Normandie – cérémonies auxquelles est également convié le nouveau président ukrainien. Cette visite, ainsi que les entretiens prévus avec François Hollande, Angela Merkel et Barack Obama, montrent que Vladimir Poutine n’est pas sorti du jeu diplomatique, ceci malgré la résolution adoptée par le G7 hier soir, dans laquelle les dirigeants affirment être « prêts à intensifier les sanctions ciblées » contre la Russie. Si le dirigeant russe affiche une détente de façade, il conserve une forte mainmise sur le pays, afin de pouvoir imposer ses vues : il souhaite une fédéralisation de l’Ukraine, qui permettrait à la Russie d’accroître son influence sur les régions orientales russophones. Face à ces ambitions, il est essentiel qu’Européens et Américains parviennent à s’entendre pour peser dans le règlement de la crise ukrainienne.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*