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Les crédits de l’audiovisuel extérieur présentés en commission: des moyens toujours contraints pour un outil pourtant précieux

J’ai présenté, la semaine dernière,  mon rapport sur les crédits de l’audiovisuel extérieur de la France devant la commission de la culture du Sénat, qui a donné un avis défavorable à leur adoption.
Je regrette bien sûr ce rejet, tout en remarquant que cet outil au service de la diffusion de nos valeurs à travers le monde est plus que jamais précieux et que, par ailleurs, nous devons nous donner les moyens de protéger nos médias, cibles privilégiées des cyberattaques, telle que celle qui a visé TV5Monde en janvier dernier.

Vous pouvez en lire cette intervention ci-dessous et consulter l’ensemble de la séance ici.

« L’examen des crédits de l’audiovisuel extérieur intervient dans un contexte particulier. Depuis janvier, toutes les chaînes de télévision du monde ont pris la triste habitude de relater les attentats qui frappent notre pays. Ceux-ci résultent de la radicalisation de nombreux jeunes Français, essentiellement au travers de médias étrangers et sur Internet. Jamais une information libre, accessible en plusieurs langues – dont l’arabe – n’a été aussi nécessaire. Nos médias sont aussi devenus des cibles. Ainsi, RFI et Monte-Carlo-Doualiya sont scrutés par les gouvernements de certains pays, qui exercent des pressions sur la programmation, et TV5 Monde a fait l’objet d’une attaque informatique sans précédent le 8 avril dernier, qui a presque détruit ses infrastructures et occasionné des coûts importants.

Pourtant, les moyens dévolus à l’audiovisuel extérieur restent contraints, en particulier du fait de la mauvaise santé financière de France Télévisions et de Radio France, qui bénéficient de l’essentiel des moyens disponibles. Alors qu’il y aurait urgence à développer notre audiovisuel extérieur, le PLF 2016 se contente de préserver les moyens et donc limite les nouveaux projets. Cette situation appelle une réforme, dès que possible, de la contribution à l’audiovisuel public, propre à préserver durablement les moyens de l’audiovisuel, et une accélération des réformes dans les grands groupes publics pour dégager des marges de manœuvre. France Médias Monde a déjà réalisé d’importants efforts lors de la fusion de France 24 et de RFI, tout comme TV5 Monde. Les bons élèves ne doivent pas être condamnés à assumer les errements des plus dissipés !

Chaque semaine, 90 millions d’auditeurs et de téléspectateurs suivent les programmes de France 24, de RFI et de MCD. Ces chaînes occupent des places de premier plan en Afrique et au Proche-Orient. La forte progression des audiences a été obtenue avec des moyens publics globalement identiques depuis 2010. Selon les syndicats, la présidente de France Médias Monde, Mme Saragosse, a su rétablir un dialogue social de qualité et un climat de confiance. Certes, les négociations sur l’accord collectif ont pris du retard, mais elles devraient aboutir d’ici la fin de l’année ou, au plus tard, début 2016.

Le PLF 2016 attribue 244 millions d’euros à France Médias Monde, issus entièrement du produit de la contribution à l’audiovisuel public : c’est 2 millions d’euros de plus qu’en 2015. Compte tenu du pacte de compétitivité et de certaines dispositions fiscales concernant notamment la taxe sur les salaires, le groupe touchera 3,1 millions supplémentaires. Ce surcroît de moyens, bienvenu, reste très limité : le contrat d’objectifs et de moyens pour la période 2013-2015 prévoyait une augmentation de 10,8 millions d’euros. Dans ces conditions, le développement de France Médias Monde est interrompu en Amérique latine et reste très limité en Inde et plus généralement en Asie du Sud-Est. Les syndicats ont une conscience aiguë de la situation et souhaitent que l’État explique clairement ses ambitions pour l’audiovisuel extérieur. De plus, le projet de chaîne d’information en continu, auquel est associé France 24 – sans en être l’initiateur – constitue une source d’inquiétudes.

Le ministre des Affaires étrangères et du développement international, qui exerce une cotutelle sur France Médias Monde, a réaffirmé récemment la nécessité de donner une nouvelle impulsion à son développement. Nous aurons prochainement l’occasion de nous prononcer sur cette ambition puisque le projet de contrat d’objectifs et de moyens pour la période 2016-2020 devrait nous être soumis pour avis au premier trimestre de 2016. La direction de France Médias Monde a identifié trois scénarios d’évolution des moyens. Le premier, avec une hausse des ressources de 0,7 % par an, soit moins que l’évolution de 0,8 % prévue en 2016, préserverait l’outil existant en limitant son développement. Le deuxième prévoit une hausse des moyens de 1,5 % par an pour poursuivre les actions engagées, notamment pour augmenter la notoriété des chaînes. Seul le troisième, qui envisage une hausse des ressources publiques de 2,1%, permettrait à notre pays de renforcer son influence et d’engager la déclinaison de France 24 en espagnol en Amérique latine. C’est celui que vous avez soutenu auprès de la ministre, Madame la présidente, et qui a notre préférence.

Les conséquences de la cyberattaque du 8 avril dernier obèrent fortement les comptes de TV5 Monde puisque, selon son directeur général, M. Yves Bigot, le surcoût en 2015 devrait s’élever à 4,8 millions d’euros du fait du matériel à remplacer et des protections nouvelles à installer. Le gouvernement a autorisé la chaîne à réallouer 1,2 million d’euros, initialement prévus pour les programmes, à cette dépense, et la fédération Wallonie-Bruxelles a accordé 1 million d’euros au titre de 2015-2016. Mais il manque encore 1,8 million d’euros de la part des autres partenaires. Une réunion des bailleurs, prévue en fin de semaine, devrait compléter le tour de table.

Le PLF 2016 accorde 76,8 millions d’euros à TV5 Monde, soit une hausse de 0,7 million d’euros. L’entreprise bénéficiera, en outre, d’une économie de taxe sur les salaires de 1,7 million d’euros à compter de 2016, liée à son financement par la contribution à l’audiovisuel public. Au lieu d’être affecté au développement des programmes et des nouveaux projets, ce surcroît de ressources sera intégralement consacré au financement des dépenses de sécurité, pour un coût estimé à 2,2 millions d’euros. Six ingénieurs ont été recrutés par TV5 Monde pour renforcer ses moyens de défense et un contrat avec la filiale d’Airbus spécialisée dans la défense électronique prévoit l’augmentation du niveau des protections et la formation du personnel.

La protection de nos médias est une priorité et je ne suis pas sûre que les autres sociétés aient pris la mesure du risque qu’elles encourent, même si le gouvernement est mobilisé sur ce sujet qui a été évoqué lors de la première réunion du nouveau Comité stratégique de l’audiovisuel public. Je rends hommage au personnel de TV5 Monde, qui a su répondre avec compétence et rapidité à la cyberattaque du 8 avril et qui ne compte pas ses heures depuis pour rétablir l’ensemble des systèmes, ce qui n’est pas encore complètement achevé. Hélas, le niveau des moyens a obligé la direction à affaiblir l’offre de programmes du bouquet aux États-Unis pour financer le projet de chaîne jeunesse en Afrique. N’aurait-il pas été possible d’aider un peu la chaîne pour lui éviter de tels arbitrages ?

M. Rémy Pflimlin a conservé la présidence du conseil d’administration de TV5 Monde jusqu’à la prochaine assemblée générale, qui aura lieu au printemps 2016. Or cette présidence doit normalement échoir au président en titre de France Télévisions. Si l’implication de l’ancien président de France Télévisions dans le développement de TV5 Monde explique cette décision, il ne faut pas que l’absence de la présidente de France Télévisions des organes de direction de la chaîne francophone affaiblisse la qualité de ses échanges avec son premier actionnaire, qui constitue une des conditions de son développement. France Télévisions met chaque année 22 000 heures de programmes à la disposition de TV5 Monde.

Bref, les moyens de l’audiovisuel extérieur restent un peu limités mais grâce aux équipes des deux sociétés nous avons un outil précieux pour notre influence dans le monde. Le PLF 2016 consolide cette situation. Je vous proposerai donc de donner un avis favorable aux crédits de l’audiovisuel extérieur, en espérant qu’un geste supplémentaire sera fait dans le cadre du prochain COM de France Médias Monde. »

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