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Enfants sans identité: des progrés encore trop insuffisants

Lors de la 42ème Assemblée plénière de l’Assemblée Parlementaire de la Francophonie (APF) qui s’est tenue à Antananarivo (Madagascar) les 11 et 12 juillet 2016, j’ai présenté devant la commission des Affaires parlementaires dont je suis vice-présidente, le rapport de suivi sur la résolution adoptée, à la suite du rapport de la députée Laurence Dumont,  en juillet 2015 à Berne, concernant les enfants sans identité (que vous pouvez retrouver ici ).

Lire ci-dessous mon intervention:

Photo_article rapport APF

Session de l’APF à Tananarive

Réunion de la commission des Affaires parlementaires – 10 juillet 2016
Enfants sans identité

Monsieur le Président de l’APF, Monsieur le Secrétaire général parlementaire, Monsieur le Président de la commission, Cher Père Pedro,

Mes chers collègues,

A la suite de la résolution votée l’an dernier par notre assemblée, il m’a été demandé de présenter un rapport de suivi sur les enfants sans identité. En quelque sorte un état des lieux un an après…

Il est évident qu’un problème aussi vaste ne peut avoir eu d’amélioration spectaculaire en seulement 12 mois. Je rappelle que l’UNICEF évalue le chiffre d’enfants non enregistrés à 230 millions, mais il ne s’agit que d’une évaluation. L’ampleur de ce problème est peut-être plus importante que nous le pensons.

Si je devais résumer en une phrase mon intervention, je dirais que la situation s’améliore, mais lentement, grâce à la prise de conscience de plusieurs États.

L’amélioration de la situation est due à la multiplication des audiences foraines, qui permettent d’enregistrer des enfants déclarés à la naissance, et parfois même des adultes, ainsi qu’à plusieurs innovations technologiques. Les Etats qui ont intensifié leurs actions sont le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, Madagascar, le Sénégal et le Tchad. Je cite ces cinq pays parce que nous avons eu des exemples précis lors des auditions que j’ai conduites à Paris, mais cela n’exclut pas que d’autres États aient agi. J’encourage mes collègues ici présents à compléter mon intervention par leurs témoignages.

Quelles sont les méthodes et moyens qui ont permis d’enregistrer des progrès ? Trois se dégagent principalement.

En premier lieu, l’action auprès des familles, notamment des femmes. Un enfant non enregistré n’est en effet pas un enfant inconnu. Il est connu de sa famille et de ses voisins. Il porte un nom, il est dépositaire dès sa naissance de l’histoire des siens… Il faut donc faire comprendre aux familles l’importance d’un enregistrement légal de leur enfant au niveau de l’Etat. La Roumanie, qui abrite d’importantes communautés Roms et Madagascar ont conduit plusieurs actions de sensibilisation.

En deuxième lieu, réduire les frais assumés par les familles lors des déclarations. Pour des populations rurales, se déplacer a un coût, et il faut prendre en compte la perte due à une journée sans travail lorsque l’on se déplace pour déclarer un enfant. Voilà pourquoi il est indispensable de multiplier les audiences foraines pour éviter à des populations fragiles économiquement de se déplacer. Par ailleurs, il faut que l’acte d’état civil soit gratuit. Plusieurs sections, le Tchad, le Burundi, Madagascar, nous ont assuré que la déclaration s’effectuait gratuitement.

En troisième lieu, un ensemble de solutions techniques : le symposium pour le développement de la statistique en Afrique, qui s’est tenu le 24 novembre 2015, a permis la publication d’un guide méthodologique, qui vient en complément de celui établi par l’OIF. L’utilisation du téléphone mobile avec des applications spécifiques rencontre un réel succès dans les pays où l’opérateur téléphonique Orange est présent.

J’en viens aux obstacles qui persistent et aux moyens qui permettraient d’y faire face.

Premier point : la volonté des Etats, car tenir un état civil est un acte de souveraineté. Il faut que les Etats soient convaincus que leur richesse est avant tout humaine et qu’il est de leur devoir de donner un présent et un avenir à chacun de leurs enfants.

Deuxième point, la conservation des données. Certains Etats n’ont pas l’infrastructure administrative suffisante pour stocker et centraliser les données d’état civil. Il me semble que c’est un domaine où l’OIF pourrait coordonner une coopération entre Etats francophones. La coopération décentralisée entre villes et régions pourrait également constituer une piste, car enregistrer un enfant est une démarche qui s’effectue à l’échelon local.

Le troisième point concerne les applications sur téléphone mobile. La technique est prometteuse, comme l’ont prouvé les quelques opérations conduites avec Orange avec succès dans plusieurs villages au Sénégal. Mais outre la formation des administrations, Orange n’est présente que dans certains pays, d’où la question de la diffusion de sa technologie. Mais, comme il faut le souligner, il s’agit d’une entreprise et non d’une ONG, se pose la question de sa rémunération si elle partage sa technologie avec d’autres opérateurs. Nous n’avons pas de solution pour l’instant. Il s’agit en effet d’une négociation de nature commerciale…

En conclusion, j’insisterai sur un point. Il est nécessaire de faire travailler en réseau toutes les personnes physiques et morales qui travaillent sur l’enregistrement universel des naissances. Puisque les réseaux sociaux permettent de faire connaître les initiatives qui fleurissent partout, je me demande si l’OIF et l’APF ne pourraient pas de concert créer une plate-forme où se retrouveraient les institutions internationales, les Etats, les ONG, les entreprises et les particuliers qui travaillent sur cette question.

Elle ne devrait pas être difficile à mettre en place et n’empêche nullement les acteurs de terrain de continuer leur travail. Encore une fois, nous enregistrons des progrès, mais il nous faut accélérer le mouvement.

Je vous remercie pour votre attention.

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