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Garde à vue: le gouvernement conforté par la justice, mais contrarié par l’Assemblée

La Cour de cassation a reconnu le pouvoir de contrôle du parquet, tandis que l’Assemblée a adopté un amendement prévoyant un contrôle de la garde à vue par le juge des libertés et de la détention et non par le procureur.

La Cour de cassation a reconnu mercredi pour la première fois que le parquet français n’était pas une autorité judiciaire indépendante selon le droit européen, mais qu’il pouvait néanmoins contrôler la garde à vue et la prolonger au-delà de 24 heures.

Cet arrêt aurait dû enlever, au moins dans l’immédiat, une épine du pied du gouvernement, dont le projet de loi de réforme de la garde à vue, examiné mercredi en commission des Lois de l’Assemblée nationale, laisse un rôle central aux procureurs, magistrats du parquet dépendant hiérarchiquement du ministère de la Justice.

Mais dans le même temps, l’Assemblée adoptait, contre l’avis du gouvernement, un amendement prévoyant un contrôle de la garde à vue par le juge des libertés et de la détention (JLD) et non par le procureur. Et elle amputait par ailleurs le projet d’une disposition très polémique qui créait une «audition libre» d’un suspect non assisté d’un avocat.

Convention européenne des droits de l’homme

La Cour de cassation, plus haute juridiction judiciaire française, avait été saisie d’un pourvoi par un avocat de la Réunion, Philippe Creissen, qui contestait la prolongation de sa garde à vue au-delà de 24 heures par un procureur.

Il estimait qu’il y avait eu violation de l’article 5-3 de la Convention européenne des droits de l’Homme prévoyant que «toute personne arrêtée (…) doit être aussitôt traduite devant un juge ou un autre magistrat habilité par la loi à exercer des fonctions judiciaires».

Il se fondait sur de récents arrêts de la Cour de Strasbourg (CEDH) déniant au parquet le statut d’autorité judiciaire indépendante.

La Cour de cassation a rejeté ce pourvoi. Certes, a-t-elle estimé, c’est «à tort» qu’il a été considéré dans ce cas que le ministère public (le parquet) était «une autorité judiciaire au sens de l’article 5-3 de la Convention européenne des droits de l’Homme, alors qu’il ne présente pas les garanties d’indépendance et d’impartialité requises par ce texte et qu’il est partie poursuivante».

Mais, a-t-elle jugé, la prolongation de la garde à vue de Philippe Creissen «n’encourt pas pour autant la censure, dès lors que le demandeur a été libéré à l’issue d’une privation de liberté d’une durée compatible avec l’exigence de brièveté» imposée par la Convention européenne des droits de l’homme.

Grèves des audiences

Lors de l’audience, vendredi dernier, l’avocat général, requérant le rejet du pourvoi, s’était appuyé sur la jurisprudence de la CEDH selon laquelle la présentation à un juge doit se faire dans un délai maximal de trois ou quatre jours, selon les cas.

Par conséquent, avait-il dit, le régime français de la garde à vue, qui rend obligatoire la présentation à un juge dans les 48 heures, ne viole pas la Convention européenne. Quoi qu’on pense du parquet et du statut de ses magistrats.

La Cour n’a pas fait mention de ces durées, mais sa conclusion est la même. L’avocat devant la Cour de cassation de Philippe Creissen, Me Patrice Spinosi, n’a pas voulu voir une défaite dans la décision de mercredi.

«C’est une grande victoire judiciaire», a-t-il même estimé, la Cour ayant, pour la première fois, fait sienne une distinction chère à la CEDH selon laquelle il existe «des vrais juges, indépendants, qui jugent», et des «magistrats (du parquet) qui poursuivent».

Le 19 octobre, la Cour de cassation avait déclaré la garde à vue non conforme au droit européen sur le terrain de la présence de l’avocat, qu’elle jugeait nécessaire dès le début de la garde à vue y compris pour les infractions les plus graves, sauf raison impérieuse.

De leur côté, les avocats organisaient mercredi rassemblements, grèves des audiences, etc, lors d’une journée d’action contre les «lacunes» du projet.

(Source AFP)

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