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Prorogation du mandat des membres de l’Assemblée des Français de l’Etranger

AFE Septembre 2010 (Photo F. de la Mure / MAEE)

Le Sénat vient d’adopter définitivement la proposition de loi visant à proroger d’une année le mandat des conseillers à l’AFE, dans le souci d’éviter la tenue de cinq scrutins consécutifs, de surcroît, organisés selon des
modalités différentes, au printemps 2012. Ainsi, le renouvellement de la série B (circonscription d’Europe et d’ Asie) des conseillers à l’AFE aura-t-elle lieu en 2013 et le scrutin prévu en 2015 pour les circonscriptions d’Afrique et d’Amérique est-il repoussé à 2016.

Au cours de mon intervention, que vous pouvez lire ci-dessous, j’ai en outre insisté sur la nécessité de travailler à une réforme de l’AFE qui a vocation à devenir une assemblée délibérante aux compétences exclusives.

Mme Claudine Lepage. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette deuxième lecture de la proposition de loi visant à proroger le mandat des conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger, l’AFE, ne doit pas poser plus de difficultés que le premier passage de ce texte devant notre assemblée.

Nos collègues députés ont, en effet, simplement – et très justement – complété le dispositif, en tirant les conséquences de la prorogation du mandat des membres élus de l’AFE sur le mandat des personnalités qualifiées nommées par le ministre des affaires étrangères « pour six ans et renouvelées par moitié tous les trois ans, lors de chaque renouvellement » de l’assemblée.

Cette proposition de notre collègue Robert del Picchia a donc simplement pour objectif de faire en sorte que l’ensemble des scrutins qui doivent se tenir à l’étranger, dans les trois ans qui viennent, se déroulent dans les meilleures conditions.

Le mandat des conseillers élus à l’Assemblée des Français de l’étranger, en Europe, en Asie et Levant, expire en juin 2012. Or, je ne vous l’apprends pas, cette date coïncide avec deux autres échéances essentielles de la vie politique française que sont l’élection présidentielle et les élections législatives.

De surcroît, les élections législatives auront une saveur toute particulière à l’étranger, puisque, pour la première fois, les 2,3 millions de Français qui y sont établis se verront reconnaître une citoyenneté plus complète, avec la possibilité d’élire onze députés, depuis leur pays de résidence. Mais gare à la déception au goût particulièrement amer, si ces premières élections législatives devaient être un échec, faute d’avoir été organisées de manière irréprochable !

Or, nous partons déjà avec un gros handicap, inhérent aux moyens financiers notoirement insuffisants de notre réseau consulaire. La mise en place de la révision générale des politiques publiques, la RGPP, n’a fait qu’exacerber le problème, en concourant davantage encore à une véritable « casse » du service public consulaire.

Ainsi, comme cela a déjà été souligné, il est parfaitement illusoire, dans ces conditions, d’espérer le déroulement de trois élections, soit cinq tours de scrutin, en deux mois, dans des conditions ne serait-ce que convenables. D’autant plus que la configuration même des circonscriptions électorales à l’étranger, pour la plupart proprement gigantesques, complique encore la tâche quant à l’acheminement du matériel électoral.

S’ajoute également le problème de l’abstention électorale, traditionnellement importante à l’étranger. Rappelons que, pour un Français établis hors de France, accomplir son devoir électoral pourra signifier effectuer des milliers de kilomètres à cinq reprises, entre mai et juin 2012. Or il est impensable que le taux de participation soit inférieur à 50 %, d’autant plus que nous avons bien à l’esprit que la création des députés des Français de l’étranger s’est faite à nombre constant : d’aucuns ne manqueront pas de nous le rappeler…

Ce constat établi, la nécessité d’une modification du calendrier électoral s’impose à tous. Reste que plusieurs solutions sont envisageables. Je serai très brève, car les trois possibilités ont déjà été largement évoquées devant cette assemblée. La plus raisonnable semble bien être celle qui nous est proposée aujourd’hui, à savoir la prorogation d’une année du mandat des conseillers à l’Assemblée des Français de l’étranger.

En effet, le couplage des élections à l’Assemblée des Français de l’étranger avec les élections législatives, proposition de notre collègue Cointat, ne résout pas le problème de l’organisation matérielle des élections et n’est malheureusement pas un gage de plus grande participation aux élections des conseillers à l’AFE.

L’ultime proposition alternative consiste à repousser l’élection de deux années afin de faire coïncider les élections à l’AFE avec les élections des conseillers territoriaux de mars 2014. Elle semble d’emblée très pertinente au regard de notre souhait de création d’une « collectivité d’outre-frontière », mais le Conseil constitutionnel ne validerait peut-être pas une prorogation de mandat longue de deux années. En outre, cette concomitance de date ne serait que momentanée, puisque les mandats des deux assemblées sont de durée différente.

Cette solution permet cependant de mettre en lumière le déficit de représentation locale dont pâtit encore la communauté des Français établis hors de France, alors que, numériquement, elle équivaut, rappelons-le, à la population du dix-huitième département français. Certes, la prochaine représentation des Français établis hors de France à l’Assemblée nationale constitue une avancée précieuse, mais nous devons encore leur permettre de mieux faire entendre leur voix, notamment en développant la démocratie de proximité.

Les conseillers des Français de l’étranger effectuent un travail exceptionnel, mais leur parole n’est pas toujours écoutée comme elle devrait l’être et on « oublie » même parfois de les consulter – comme en témoigne, encore récemment, le projet de création de la nouvelle taxe sur les résidences secondaires –, alors qu’ils ont indéniablement la meilleure expertise concernant les sujets de préoccupation et les besoins de nos compatriotes expatriés.

L’Assemblée des Français de l’étranger doit devenir un organe délibérant, véritable collectivité publique des Français de l’étranger, qui s’administre librement, dispose de son budget et de compétences exclusives, notamment dans les domaines de l’éducation ou de l’action sociale. La réflexion sur cette réforme essentielle doit se poursuivre.

En tout état de cause, l’AFE a approuvé à la quasi-unanimité le report d’une année de son renouvellement et, pour notre part, nous voterons la proposition de loi de M. del Picchia. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et sur plusieurs travées de l’UMP. – M. Yves Détraigne applaudit également.)

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