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Question orale au Sénat sur l’utilisation des manuels d’histoire franco-allemands

Les manuels d’histoire franco-allemands sont menacés par la réforme de l’éducation nationale. Ce projet pédagogique novateur dont l’aboutissement, au moment de la parution du 3ème tome, est toujours à défendre, sans doute faute de promotion adéquate, a fait l’objet de ma question orale posée au ministre de l’Education nationale.

M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage, auteur de la question n° 1316, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative.

Mme Claudine Lepage. Madame la secrétaire d’État, ma question porte sur l’utilisation des manuels d’histoire franco-allemands dans les établissements scolaires.

Je rappelle que cette idée originale et symbolique est née chez des jeunes réunis dans le cadre du congrès des associations franco-allemandes organisé à Berlin en 2003 : créer des manuels d’histoire franco-allemands, dont la réalisation avait obtenu le soutien des autorités politiques des deux pays, conscientes de l’importance de ces ouvrages dans la construction d’une culture historique franco-allemande.

C’est ainsi que les lycéens français et les élèves allemands des trois dernières classes du Gymnasiumont pu, dès l’année scolaire 2006-2007, étudier à partir d’un manuel d’histoire commun, au contenu identique, dans une version française et une version allemande.

Aujourd’hui, l’accomplissement de ce projet, d’une grande portée symbolique et politique, n’a non seulement pas connu tout le succès escompté – sans doute faute de promotion auprès des enseignants –, mais est en outre menacé depuis la réforme des lycées de 2009.

Alors que les deux premiers tomes déjà parus de cet ouvrage étaient conformes aussi bien au programme français qu’à ceux des seize Länder, le nouveau programme d’histoire des classes de seconde, annoncé début 2010 pour application en septembre, diffère assez largement de celui du manuel franco-allemand de seconde actuellement sur le point de sortir d’imprimerie. Il en sera de même avec les nouveaux programmes de première puis de terminale dont les manuels franco-allemands ont été publiés en 2006 et 2008. L’utilisation par les élèves des trois tomes de ce qui devait être un manuel d’histoire est dès lors largement compromise.

Le groupe d’amitié France-Allemagne du Sénat s’en émeut et prend le relais de la résolution adoptée en 2010 par le congrès des associations franco-allemandes qui reconnaissaient dans ces ouvrages « uniques sur les plans didactique, méthodique et pédagogique, très bien conçus et documentés, le fruit de la coopération aboutie entre nos deux pays, symbole d’une vision identique de leur responsabilité historique commune ».

Madame la secrétaire d’État, comment envisagez-vous de remédier à ce qui compromet désormais l’utilisation du manuel d’histoire franco-allemand commun, dans la perspective du respect des accords pris avec les partenaires allemands ?

M. le président La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Mme Jeannette Bougrab, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, chargée de la jeunesse et de la vie associative. Madame la sénatrice, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser Luc Chatel, qui ne peut être présent ce matin.

Comme vous l’avez rappelé, le parlement franco-allemand des jeunes réuni à Berlin le 23 janvier 2003 a proposé l’idée d’un manuel scolaire commun aux deux pays.

Cette idée s’est traduite dans le projet d’un manuel conforme aux programmes des lycées dans les deux pays, avec la plus-value de regards croisés français et allemands. Il s’agit non pas d’une histoire franco-allemande, mais d’un manuel franco-allemand traitant de toute l’histoire européenne et mondiale. Il s’agit également du premier manuel scolaire commun à deux pays. Un comité scientifique et de pilotage avait été chargé d’élaborer un cahier des charges et de piloter la réalisation de l’ouvrage.

Au terme d’un appel à manifestation d’intérêt lancé par le comité de pilotage, le tandem composé des éditions Nathan et Klett a pris en charge la réalisation du projet. Le travail s’est effectué sous la responsabilité des éditeurs et des auteurs.

Le premier volume, destiné aux classes de terminale, a été publié à l’été 2006. Le deuxième volume, destiné aux classes de première, a été publié au printemps 2008. Enfin, la parution du troisième volume, destiné aux classes de seconde, est imminente. L’ouvrage portera sur la période allant de l’Antiquité au début du XIXe siècle. En France, ce troisième volume a été élaboré dans le contexte de la réforme du lycée, une réforme profonde portée par le Président de la République. Dans ce contexte, il a fallu prendre en compte l’élaboration de nouveaux programmes d’histoire en France. Toutefois, ces ajustements et ces réaménagements ont pu être réalisés dans des délais contraints.

L’accord entre les auteurs s’est fait sur la nécessité de rechercher un compromis entre le synopsis original, le nouveau projet de programme français et les programmes des différents Länder allemands. Un travail de comparaison a permis d’aboutir à une table des matières validée par les éditeurs, en étroite concertation avec nos partenaires allemands.

Par nature, comme l’a rappelé récemment Mme Catherine Troendle, présidente du groupe d’amitié France-Allemagne du Sénat, le manuel d’histoire franco-allemand est le résultat d’un équilibre entre les programmes français et allemands. Dès l’origine, sa réalisation s’est faite à travers des difficultés que l’on a su surmonter.

Comme les deux volumes précédents, le troisième volume pourra faire valoir, par comparaison avec les autres manuels disponibles et proposés au choix des enseignants, sa plus-value et son originalité, dans une situation concurrentielle.

En outre, le changement à venir des programmes de première et de terminale va offrir au manuel franco-allemand une« nouvelle vie » et une chance renouvelée de se faire connaître et de faire reconnaître sa valeur ajoutée.

Ainsi, 75 000 exemplaires des deux premiers volumes du manuel franco-allemand ont été vendus de part et d’autre du Rhin avec un fort succès, au-delà du public scolaire. La volonté politique reste intacte, et il faut aujourd’hui se féliciter que l’aventure lancée en 2003 ait été menée à bien !

M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage.

Mme Claudine Lepage. Madame la secrétaire d’État, je me réjouis des démentis que vous venez d’apporter, car le projet des manuels franco-allemands d’histoire est effectivement un projet d’envergure, symbolique non seulement pour l’amitié entre nos deux pays, mais également pour la construction européenne. Il faut donc le mener à bien.

Je mets en avant l’aspect symbolique, mais l’enjeu est certainement d’une portée encore plus grande. En effet, avec ce projet, un processus est en marche : l’idée d’une vision commune de l’histoire, qui peut apporter un regard neuf et contemporain sur l’histoire de la France et de l’Allemagne, mais aussi de l’Europe – vous l’avez souligné –, et ce sans tomber dans le travers de l’histoire officielle !

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