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RFI : antenne inique

Radio. Plan social, fusion avec France 24 et grille unique : des émissions de journalistes syndiqués sont supprimées.

Par ISABELLE HANNE

C’était promis-juré : la fusion des rédactions de RFI et France 24 n’allait pas appauvrir la radio mondiale. Au contraire : elle allait «additionner les forces»,«créer des synergies». Pourtant, selon nos informations, la nouvelle direction des rédactions fusionnées, aux manettes depuis début mars, est en train de mettre au point une réforme radicale : une grille unique, lancée dès le mois de juin. Jusqu’ici, RFI cumulait deux grilles : l’antenne «Afrique», diffusée sur la continent africain, cœur de l’audience de la radio, et l’antenne «Monde», pour le reste de la planète. Certaines émissions étaient diffusées sur les deux, d’autres sur une seule antenne, selon intérêt thématique et géographique.

«Copié-collé». A l’origine de cette grille unique, le plan de départs volontaires, en cours, induit par la fusion. Au moins 80 personnes, dont beaucoup de journalistes, quitteraient RFI, pour un total de 126 départs sur tout l’Audiovisuel extérieur de la France (AEF), qui coiffe RFI, France 24 et une partie de TV5. Ajoutés aux 206 départs de la radio lors d’un précédent plan, en 2009, c’est sûr, il ne reste plus grand monde pour nourrir ces deux antennes…

Alors forcément, il a fallu choisir, et cette future grille unique «est grosso modo un copié-collé de l’antenne Afrique», dit un salarié, qui rappelle que la nouvelle codirectrice des rédactions fusionnées, Anne-Marie Capomaccio, dirigeait jusqu’ici l’antenne Afrique de RFI. «RFI va devenir France Bleu Afrique, murmure-t-on dans les couloirs de la radio. Une sorte de décrochage de France 24 en audio vers l’Afrique.» Alors forcément aussi, avec tout ce temps de programmes en moins, il y a des sacrifiés. Des chroniques ou des émissions qui sautent, ici ou là. Mais bizarrement, plusieurs de ces victimes ont un point commun : être des élues du Syndicat national des journalistes (SNJ). «Le SNJ, c’est une pierre angulaire de l’intersyndicale qui a été à la pointe de la contestation sur la fusion, précise Nina Desesquelle, journaliste à la rédaction russe de RFI et déléguée SNJ. La direction cherche à affaiblir l’intersyndicale, en maltraitant des journalistes très estimés.»

Première victime, l’anchorman du matin sur l’antenne Afrique, Sébastien Jédor, à qui on a préféré son homologue de l’antenne Monde. Jédor est élu SNJ du comité d’entreprise. Quant à Daniel Desesquelle, élu SNJ au conseil d’administration (et conjoint de Nina Desesquelle), il s’est vu notifier la semaine dernière l’arrêt pur et simple de son hebdomadaire, Carrefour de l’Europe. On lui aurait reproché «une émission pas assez africaine, trop européenne…»

«Elitiste». Pascal Paradou, qui animait depuis novembre 1999 l’émission Culture Vive, se voit, lui, dépossédé de cette quotidienne culturelle, confiée à quelqu’un d’autre. «On m’a reproché d’être trop parisianiste, trop élitiste, ce que je conteste évidemment : j’ai invité Annie Cordy comme Ariane Mnouchkine, témoigne le journaliste. Mais on ne me laisse même pas une chance de modifier l’émission !» Paradou est élu du personnel. SNJ bien sûr. Aux trois, qui sont salariés (et non producteurs sur un siège éjectable, comme à Radio France), on n’a proposé que des «rétrogradations», précise Nina Desesquelle. Pour elle, c’est clair : «La direction veut en finir avec l’auditoire non-Africain.»Direction qui n’a, quant à elle, pas souhaité faire de commentaires.

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