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Dépôt et souricière de Paris : la rénovation a enfin débuté

Le Dépôt et de la souricière du Palais de Justice sont en cours de rénovation et le secrétaire d’Etat à la Justice, Jean-Marie Bockel, a présenté à la presse hier, 1er septembre 2009, les premières cellules rénovées. Chaque sénateur avait reçu, voici quelques semaines, le rapport de la conférence du barreau de Paris au conseil de l’Ordre qui présentait une image calamiteuse du dépôt et de la Souricière. Mais il vaut mieux voir les choses que les fantasmer et j’avais pu me rendre compte, avec la Délégation des droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, de l’état des lieux en visitant récemment le Dépôt et la Souricière situés dans les sous-sols, lugubres, du palais de Justice.

Le Dépôt, placé sous le contrôle de la préfecture de police, prend en charge les personnes qui à l’issue de leur garde à vue doivent être déférées devant le juge. Les « déférés » ne devraient pas, aux termes de la loi, séjourner plus de 20 heures au dépôt avant d’être présentés devant un magistrat. Entre 60 et 90 personnes transitent en moyenne par jour dans ce dépôt côté hommes (une dizaine côté femmes), qui sont, à leur arrivée, placées dans une cellule de préfouille. Jusqu’à 40 personnes peuvent attendre pendant plusieurs heures dans une pièce mal aérée d’une dizaine de m2. Elles sont ensuite fouillées au corps, une par une dans une salle où elles déposent leurs affaires personnelles et où on leur rappelle leurs droits : droit à un avocat, droit à un médecin, droit à prévenir un proche. Droit qui peut se révéler théorique selon l’heure d’arrivée au dépôt. Les déférés sont ensuite placés en cellules. Les femmes disposent de cellules le plus souvent individuelles, les lits sont faits et les cellules sont entretenues par une congrégation de religieuses qui apportent réconfort si nécessaire aux femmes.

Un centre de rétention pour hommes est également installé dans le quartier des femmes : de pauvres hères au regard triste attendant d’être expulsés et qui ont vue sur les cellules des femmes.

Les cellules réservées aux hommes comprennent les cellules pour les mineurs qui disposent d’un couloir qui leur est réservé, une cellule VIP qui est utilisée, nous a-t-on dit, par le dernier arrivé s’il n’y a pas de « personnalité », une cellule capitonnée pour les déférés souffrant de troubles psychologiques (s’ils souffrent de claustrophobie, aucune chance !) Selon la délégation d’avocats qui a effectué la même visite en février « les personnes sont ainsi dénudées et enfermées dans une cellule qui n’a pas de chauffage ». Le froid, a-t-il été expliqué aux secrétaires de la conférence des avocats, les calme rapidement. Quant à nous, l’air gêné du gendarme servait lieu d’explication.

Enfin les cellules « normales » de 7 à 8 m2. Certaines, au 1er et 2ème étage, ont été repeintes et sont moins repoussantes que celles du rez-de-chaussée. Trois personnes par cellules, des lits superposés sans autre matelas que ceux utilisés dans les salles de sport, les toilettes à l’entrée des cellules sans vraiment d’intimité possible, puantes au rez-de-chaussée, un peu moins dans les étages. Selon le rapport des avocats il n’y a pas de douche à la disposition des déférés. Cependant nous avons vu au premier étage une douche, toute neuve…

A chaque fois que les déférés changent d’autorité, ils sont de nouveau fouillés à corps. Ainsi les gendarmes, qui sont les seuls à pouvoir accompagner les personnes dans les dédales du Palais, pratiquent-ils la fouille dans le couloir central. Les personnes doivent se déshabiller derrière un paravent bien trop petit pour préserver leur intimité.

La visite du dépôt a été suivie de celle de la Souricièreque nous avons rejointe par les couloirs souterrains du Palais. La souricière, placée sous le contrôle de l’administration pénitentiaire, est une zone d’attente pour les détenus provenant de différentes maisons d’arrêt avant leur comparution devant un juge. Elle est composée de 60 cellules pour les hommes et 16 pour les femmes.

Seuls les détenus « difficiles » sont isolés dans leur cellule. Les autres sont regroupés par deux ou trois, même si certaines cellules restent vides. La violence, les pressions des détenus les uns sur les autres ne sont pas rares. Les cellules sont minuscules, 3m2 toilettes comprises, un banc sur lequel trois personnes ne peuvent s’asseoir. Normalement l’attente ne dure que deux à trois heures mais elle peut aussi se prolonger et durer de 9 à 23 heures. Si un détenu a besoin d’aide médicale, il faut appeler les pompiers car sinon rien n’est prévu. Le nombre de surveillants est également insuffisant.

Hier, reprenant les propos du ministre, la presse a annoncé 25 cellules rénovées sur les 85 de la souricière, et la moitié des cellules du dépôt. Pour les fouilles, un scanner corporel, permettant de mieux respecter l’intimité des détenus, devrait être installé en 2010.

Les sous-sols du Palais de Justice que j’ai visités me sont donc malheureusement apparus conformes à la mauvaise réputation des prisons françaises, et il y a bien urgence à les rénover afin que les droits des personnes soient mieux respectés : force est de constater que le passage au dépôt des personnes arrivant après une garde à vue de 48 à 96 heures, ne leur permet pas de se préparer au mieux à comparaître devant un magistrat. A la souricière, peu de place est laissée à la dignité humaine, quel que soit le délit ou le crime commis, et les mauvaises conditions matérielles sont favorables à l’éclosion et au développement de la violence.

 

 


Publié le 03 septembre 2009