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La rénovation du service civique votée en première lecture au Sénat

Une proposition de loi du sénateur Yvon Collin (groupe RDSE) sur la mise en place d’un nouveau service civique, soutenue par le haut Commissaire à la Jeunesse, Martin Hirsch, a été adoptée dans la nuit du 27 au 28 octobre par le Sénat.

Au moment de la réforme du service militaire en 1997, son remplacement par un service civil obligatoire avait été écarté. Or, s’il n’est pas question de revenir sur la suspension de ce service devenu obsolète et par trop inégalitaire, nous avons très vite constaté le vide engendré tant en termes de cohésion que de mixité sociale et culturelle. Mais, la mise en place, après la crise des banlieues de l’automne 2005, d’un service civil volontaire mal préparée et, de toute façon, n’apportant qu’une réponse partielle aux problèmes de nos banlieues, s’est révélée un échec.

Le nouveau dispositif, que le groupe socialiste a largement amendé, doit pouvoir répondre non seulement au réel désir d’engagement de la jeunesse au service de la société et de l’intérêt général, mais également aussi à l’absolue nécessité de favoriser un brassage social. Plusieurs des amendements que nous avons déposés visaient d’ailleurs à éviter l'écueil d'un service civique à deux vitesses, «sous-expérience professionnelle» pour certains et «super-bénévolat» pour d’autres. Dans cette optique, le service obligatoire, se révèle, selon moi, le meilleur moyen de pallier au mieux toute inégalité.

La possibilité réelle (c'est-à-dire avant tout la possibilité financière) d’effectuer un service civique à l’étranger a également constitué un des points de mon intervention et j'ai aussi évoqué la création d’un véritable service civique européen.

Notre amendement visant à réduire à une année de résidence en France le temps nécessaire aux étrangers non européens pour pouvoir bénéficier du service civique a été adopté.Cette disposition est très positive, tant cette activité peut leur permettre de se familiariser avec diverses pratiques de la société française, avec nos valeurs, et les préparer ainsi, dans des conditions sérieuses, à un avenir professionnel.

Si le texte est voté par l’Assemblée nationale, ce service civique volontaire, ouvert à tous à partir de 16 ans, d’une durée de 6 à 24 mois pourrait, selon le haut Commissaire à la Jeunesse, être effectif au premier semestre 2010 avec l’objectif de concerner, à terme, 10% d’une classe d’âge.

Vous pouvez lire ci-dessous mon intervention en discussion générale et mes défenses d'amendements ici.

M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage.

Mme Claudine Lepage. Monsieur le président, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, le service civique, tout le monde en parle depuis des années. Il y a même, depuis la crise des banlieues de l'automne 2005, consensus sur son principe même. Pourtant, où en est-on treize ans après la fin du service militaire ? Pas bien loin en vérité !

II n'y a pas lieu de remettre en question la loi du 28 octobre 1997, qui a suspendu l'appel sous les drapeaux des jeunes Français. Le service militaire était assurément devenu obsolète, inégalitaire et vécu comme une insupportable contrainte. Néanmoins, constatons le vide engendré en termes de lien social, de sentiment d'appartenance à la communauté nationale ainsi que de brassage social et culturel. Et ce n'est pas la simple affirmation, dans la loi, du principe du volontariat en tant que composante du service national universel qui pouvait, déjà à l'époque, combler cette lacune !

Dans ces conditions, dès mars 2000, est votée la loi relative aux volontariats civils. En mars 2006, c'est la loi pour l'égalité des chances qui donne un statut officiel au service volontaire civil et qui rassemble les différents dispositifs existants en matière de volontariat associatif. L'objectif affiché était de parvenir à 50 000 jeunes volontaires. Pourtant, après trois années, le service civil volontaire peine toujours à démarrer. À ce jour, moins de 4 000 jeunes ont effectivement été recrutés dans le cadre de ce dispositif.

Pourquoi un tel échec, alors que, selon un récent sondage, 90 % des jeunes volontaires sont satisfaits de leur service civique et le recommanderaient à leurs proches ? En fait, cet échec repose essentiellement sur des raisons budgétaires.

Au printemps de 2008, manquaient 7 millions d'euros pour boucler le budget. Devant ce constat, l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances avait donc dû demander aux structures d'accueil de « cesser les recrutements de volontaires associatifs ».

Dès lors, comment s'étonner de l'immense insuffisance en termes de communication ? L'essentiel du « recrutement » a lieu en effet par le bouche à oreille. Aucune campagne de communication n'a été financée pour promouvoir ce service. Or cette belle idée ne peut vivre que si l'État manifeste clairement sa volonté de soutenir ce service civique et donc s'engage financièrement. Monsieur le haut-commissaire, votre détermination nous rassure !

Rappelons quand même que plusieurs dizaines de textes ont eu pour objet la création d'un service civil et qu'ils sont restés lettre morte. Il est à noter que les deux candidats au deuxième tour de l'élection présidentielle de 2007 s'étaient aussi prononcés en faveur de ce service.

Il est donc grand temps d'agir. Agissons donc, mais agissons bien !

L'exposé des motifs de la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui précise que le dispositif proposé, « basé sur le volontariat », constituerait une période transitoire, préalable à la création d'un service civique obligatoire. À titre personnel, je veux le croire, en effet.

Bien sûr, l'engagement volontaire est une belle idée. En tant qu'adulte responsable, membre d'une collectivité nationale, on ne peut que la saluer. Toutefois, cessons de rêver : elle est très difficile à porter au sein de notre société de plus en plus individualiste. Que de temps encore nécessaire pour faire entrer dans les mentalités que ces expériences de volontariat ne sont en aucun cas du temps perdu, mais un enrichissement certain pour le parcours de chacun.

M. Yvon Collin. Très bien !

Mme Claudine Lepage. N'oublions pas que l'un des objectifs affichés de la proposition de loi est la mixité sociale et culturelle. Je considère que cette réforme sera en partie manquée si nous ne parvenons pas à atteindre cet objectif.

Dans ces conditions, le dispositif ne doit pas être envisagé comme une voie de secours pour les jeunes en situation d'échec scolaire. Comment alors empêcher le glissement vers l'idée que le service civique n'est qu'une expérience de « sous-emploi » pour certains, alors que, pour d'autres, ceux qui ont le privilège de faire des études et, en plus, de pouvoir les interrompre, ce service sera perçu comme un « bénévolat ++ » ?

Le service civique doit aussi favoriser et même, il faut bien le dire, souvent initier un véritable brassage social. Il doit être celui qui donne l'occasion « d'aller voir ailleurs » et « avec d'autres ». Les inégalités comme la distance entre les jeunes issus de milieux sociaux économiques différents ne cessent de croître, alors que le lien social passe aussi par le fait de se confronter aux différences. C'était justement l'une des vertus du service militaire que de permettre à chacun de voir et d'appréhender « l'autre » différemment, c'est-à-dire non plus « socialement », comme la société actuelle l'impose trop souvent, mais simplement « humainement ».

Chacun conviendra avec moi que cette mission sera d'autant plus facile à remplir que ce service aura un caractère obligatoire. En tout état de cause, lors d'une seconde étape, il me semble donc indispensable de prévoir une période de formation collective avec les jeunes qui sont sur des lieux de missions différents. On peut aussi réfléchir à la possibilité, déjà proposée, de subordonner l'agrément à l'accueil par les organismes d'au moins trois jeunes au parcours scolaire différent.

Cette nécessité de mobilité géographique, parce qu'elle peut engendrer une série de remises en question salutaires, serait positive dans la construction de notre jeunesse.

Dans cette optique, je souhaite aussi évoquer ici le service civique à l'étranger. En qualité de sénatrice des Français de l'étranger et à l'instar de notre collègue Monique Cerisier-ben Guiga, qui l'avait bien marqué lors de l'examen du projet de loi relatif au contrat de volontariat de solidarité internationale, je suis extrêmement sensible à l'enrichissement que ne manquera pas d'apporter un séjour à l'étranger. La proposition de loi prévoit cette possibilité.

Cependant, la simple « possibilité » de percevoir une indemnité supplémentaire est insuffisante. Les frais engendrés ont toutes les chances d'être plus élevés à l'étranger. On en revient alors à l'idéal de mixité sociale, qui s'éloigne encore davantage. L'affectation à l'étranger, s'il n'est pas plus encouragé, ne bénéficiera qu'à « ceux qui savent », c'est-à-dire aux jeunes qui déjà ont la possibilité de partir loin de leur famille, que ce soit dans le cadre d'un séjour linguistique, du programme Erasmus ou du volontariat international en entreprise, le VIE.

Pourquoi d'ailleurs ne pas promouvoir un dispositif européen de service civique permettant aux jeunes de toute l'Europe d'effectuer leur service dans un autre pays ? Ce serait l'assurance d'un brassage, tant social que culturel. Un tel dispositif favoriserait en outre le développement d'une véritable citoyenneté européenne.

La création d'un service civique est très positive. Il serait vraiment dommage de manquer l'occasion qui nous est offerte aujourd'hui. Nous n'avons pas droit à l'erreur. Alors, mettons tout en œuvre afin que ce texte tienne ses promesses et que le service civique soit réellement une occasion unique pour les jeunes de consacrer un moment de leur vie à la société et d'être utiles à cette société qui les stigmatise si souvent !
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste – MM. Christian Poncelet et Jean-Paul Alduy applaudissent également.)

 


Publié le 29 octobre 2009