LISTE DES ARTICLES

ECONOMIE - Vive la crise!

Denis Clerc, fondateur d’Alternatives économiques, dénonce ces jours-ci ce qu’il appelle « le scandale des heures supplémentaires ». « Malgré la crise, le recours aux heures supplémentaires défiscalisées a encore progressé au dernier trimestre 2008. D'évidence, il ne s'agit pas de faire face à un surplus d'activité, mais de remplacer les salariés qui ne sont plus là » écrit-il. C’est-à-dire que, pour lui, les entreprises préfèrent accentuer la charge de travail des salariés présents plutôt qu’embaucher, alors qu’en un an, 115 000 personnes ont perdu leur emploi.

La flexibilité du travail, tant réclamée par le MEDEF dont le lobbying auprès du gouvernement a fini par payer avec la réforme en ce sens de la législation du travail, a montré sa limite : utilisée non plus comme un outil d’ajustement de la production à la demande, mais bel et bien comme un mode de gestion de la main d’œuvre, les entrepreneurs ont vite compris l’avantage qu’ils pouvaient en tirer en la combinant à la défiscalisation des heures supplémentaires. Résultat : sur le dernier trimestre 2008, les 40 millions d’heures supplémentaires en plus correspondaient à environ 90 000 postes à temps plein sur le trimestre.

Voilà donc à quoi a servi le dispositif législatif et fiscal mis en place à la suite du fameux « travailler plus pour gagner plus ». Mauvais calcul que celui qui consiste à détruire des emplois – et donc du pouvoir d’achat - au moment même où les entreprises attendent le retour de la demande, calcul suicidaire en période de crise quand la croissance disparaît et que la récession s’installe.

Mais n’ayons pas peur, le président veille. Nicolas Sarkozy nous dit en effet, le 18 février, que nous sommes « au milieu de la crise ». Carrément. Surprenante déclaration pour quelqu’un qui donne plus l’impression de naviguer à vue (deux coups de barre à droite, un coup de barre à gauche au gré du vent libéral ou des turbulences entre République et Nation), que de prendre la hauteur nécessaire à la juste appréciation de la situation. Il faut d’ailleurs lui reconnaître cette constance depuis le début de son mandat : celle de donner à tout moment son avis sur tout et d’en changer à tout propos.

Et puis contre la crise, pas de panique, il a son plan : des milliards d’argent public pour aider les entreprises à investir. Privilégier l’investissement à la relance de la consommation, voilà le remède ! Keynes – pourtant élu homme de l’année par Le Figaro, journal aux ordres s’il en est – n’a qu’à bien se tenir dans sa tombe. Seulement notre économiste élyséen oublie qu’en temps de crise les entrepreneurs anticipent le ralentissement de la demande et reportent leur décision d’investir. Tout repose alors sur la confiance.

Mais qui a encore confiance en Nicolas Sarkozy et son gouvernement ? Ils dégringolent tout deux dans les sondages récoltant maintenant le mépris qu’ils ont montré pour ceux dont ils devraient être les représentants.

Derniers en date les chercheurs dont les travaux ont été mis à l’index – et avec quelle élégance ! – le 22 janvier par le chef de l’Etat qui, entre deux contre-vérités, a oublié de dire que, depuis 1993, quand la droite est aux affaires le financement de la recherche diminue et que quand la gauche est au pouvoir il augmente (source OCDE). Quand on sait en plus le rôle déterminant de la recherche et développement, plus précisément de l’innovation, dans la compétitivité des entreprises on ne peut s’empêcher de dénoncer le comportement incohérent d’un Etat qui prétend aider les entreprises à investir sans leur donner les moyens d’innover …

Alors vive la crise ? Oui pour ceux qui ont réalisé des profits records en 2008, oui pour les 565 966 foyers qui ont payé cette même année l'impôt de solidarité sur la fortune (une hausse de 7,2 % par rapport à 2007), oui pour les acheteurs de la collection d’art de Pierre Bergé et d’Yves Saint Laurent qui auront dépensé plusieurs centaines de millions d’euros, vente qui constitue un record mondial dont la presse française se gargarise, oui pour Jacques Séguéla, ex-mitterrandolâtre et désormais thuriféraire autorisé de la Sarkozie, qui nous explique que « si à 50 ans, on n’a pas une Rolex, on a quand même raté sa vie» …

Pendant ce temps, le cri du peuple de la Guadeloupe, qui réclame 200 euros de plus par mois simplement pour vivre et, par-delà, cherche à ne plus être l’oublié de la République, est enfin arrivé aux oreilles du président. Et Nicolas Sarkozy craint désormais la contagion, y compris en métropole.

Mais pas de panique, il a un plan!

Claudine Lepage


Publié le 27 février 2009