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Les vieux démons

mondeLa vie à l’étranger a ceci de bon qu’elle assourdit, malgré les réseaux sociaux et les « web radios », l’agitation médiatique quasi quotidienne autour de l’actualité politique française. Elle donne la distance nécessaire à la mise en perspective, à la réflexion. Cela me fait un bien fou à chaque fois que je pars à votre rencontre aux quatre coins de la planète.

A mon retour de Chine je découvrais, à la lecture de la presse, que si la cinquième République est mourante c’est la faute à Hollande, que si la gauche est au plus bas c’est la faute à Leonarda et que si le Front national est aux portes de l’Elysée c’est parce que « l’UMPS » a tout foiré … Rien que ça !

Je refuse de voir ma réflexion parasitée, envahie par des éditorialistes matinaux qui m’annoncent tous les matins l’apocalypse puisqu’elle seule semble faire audience. Il faut savoir raison garder et, sans la nier, affronter la réalité froidement. De quoi s’agit-il ?

De l’autorité de l’exécutif, plus exactement de celle du Président de la République contredit publiquement – même si parfois c’est par euphémisme, le fond est là – par le Président de l’Assemblée nationale, par le premier secrétaire du Parti socialiste dont il est issu, jusqu’à des parlementaires s’interrogeant tout haut sur le bien fondé des décisions de François Hollande ou sur les orientations de sa politique, jugée trop libérale selon certains.

Schizophrénie ?

C’est comme si « l’affaire Leonarda » avait fait céder une digue et que notre schizophrénie latente, à nous socialistes, resurgissait d’un coup, emportant tout sens critique sur son passage : comment concilier notre gauche généreuse, sentimentale, émotive et compassionnelle jusqu’à évoquer une rafle … avec celle plus rigide, légaliste, plongée dans la réalité du pouvoir, qui se place en garante de la sécurité, en responsable sourcilleuse de l’avenir de nos emplois et de nos retraites. Les journalistes ont alors parlé avec gourmandise de  » couacs « , d’exécutif au bord de la rupture, de crise institutionnelle conscients ou pas d’être à l’origine du « buzz » médiatique qu’ils se complaisent à commenter et à entretenir jour après jour.

Manque de discernement et déclarations déconcertante.

Je me suis déjà exprimée sur les circonstances de l’interpellation de Leonarda, je n’y reviendrai pas d’autant que le rapport de l’IGS évoque un manque de discernement de la police : nous sommes bien d’accord. De ce manquement sont sorties une nouvelle circulaire prohibant ce type d’intervention en milieu scolaire et la volonté du gouvernement de modifier la procédure pour obtenir le droit d’asile. En est sortie aussi une série de déclarations déconcertantes venues de toute part, à commencer, c’est vrai, par celle du Président de la République …

Que ces déclarations soient justifiées ou non – et elles ne le sont pas toutes – une chose est sûre : il est urgent que les socialistes se ressaisissent et que la majorité présidentielle se ressoude au risque de voir la droite revenir rapidement aux affaires, et pour longtemps.

« Gardez-moi de mes amis, quant à mes ennemis, je m’en charge ! »

Il existe un débat permanent entre les élus socialistes, leur Parti et le gouvernement, rien de plus normal : les parlementaires font leur travail en faisant connaître à ces derniers les attentes et les craintes des personnes qu’ils ou elles représentent. Mais, par-delà la nécessaire séparation des pouvoirs, ces échanges ne doivent à aucun moment se transformer en désaccords ou conflits susceptibles d’affaiblir l’exécutif dans sa mission, surtout lorsque ceux-ci sont portés par certains sur la place publique à travers les médias. Le Président et le gouvernement ont suffisamment à faire face aux droites sans que nous – et certains de nos alliés, parfois « pyromanes » – en rajoutions. La gauche ne doit pas avoir peur de s’assumer, telle qu’elle est, au pouvoir : plurielle mais avant tout responsable et soucieuse de l’autorité de l’Etat.

Ne réveillons donc pas nos vieux démons, cela ferait le jeu d’une extrême droite conquérante devant une UMP arrogante bien que sévèrement divisée.

Car le Front national n’est plus en embuscade : il envahit désormais la scène politique, se banalise et tente de paraître comme la seule alternative au soi-disant échec des gouvernements précédents et ceci en dépit d’un programme économique, social et politique totalement incohérent ( remise en cause du droit du sol et de la nationalité, mise en œuvre de la préférence nationale, sortie de l’euro, de l’Union européenne, … ). Tout cela s’accompagne de la résurgence d’autres vieux démons surgis, eux, tout droit d’un passé trouble.

Dérapage à Angers : Christiane Taubira traitée de « guenon » par une gamine de 10 ans

Lu dans le Midi Libre : « Après l’ignoble comparaison avec un singe par une élue FN, les « Y’a bon Banania » dans Paris de manifestants Civitas, les insultes racistes continuent envers Christiane Taubira ». Vendredi 25 octobre à Angers, selon « Angers Mag », « des phrases comme »Taubira, tu sens mauvais » lancée par un manifestant et « C’est pour qui la banane ? C’est pour la guenon ! » lâchée par une enfant d’une dizaine d’année, peau de banane à la main… Selon le quotidien local d’Angers : les gens souriaient autour d’elle et « les CRS qui assuraient le cordon de sécurité n’en sont pas revenus ».

Ces faits insoutenables, le rejet imbécile et tripal de l’autre, révèlent un malaise profond de notre société à mon avis bien plus inquiétant que les chicayas politiques quotidiennes que la presse se plaît à nous décrire en ponctuant ses propos de « petites phrases » arrachées ici où là. Bien sûr les médias ont évoqué ce racisme ordinaire qui s’installe mine de rien dans notre pays, mais ils sont bien vite retournés à ce qui fait l’écume de notre vie politique plutôt que de s’attarder à analyser ce qui risque de devenir un véritable problème de société : notre capacité à vivre ensemble.

Pour ma part je sais où est mon combat : lutter, rassemblés et unis, contre ceux qui attisent la haine et la peur ou contre ceux qui courent après le Front national à la veille des élections en disant à nouveau vouloir réformer le droit du sol et les modes d’acquisition de la nationalité française. Les Français de l’étranger sont particulièrement sensibles sur ces questions et ont démontré, dans le passé, qu’ils n’étaient pas les derniers à se mobiliser, notamment quand l’UMP a voulu remettre en cause la binationalité.

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