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Auditions d’Édouard Durand et d’Ernestine Ronai

Dans le cadre de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, j’ai pu entendre ce matin Monsieur Édouard Durand, vice-président chargé des fonctions de juge des enfants au Tribunal de grande instance de Bobigny, et de Madame Ernestine Ronai, responsable de l’Observatoire des violences envers les femmes de Seine-Saint-Denis, co-présidents de la commission « Violences de genre » du Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes.

Les échanges ont été très riches et ont permis d’aborder diverses questions tout d’abord Monsieur Durand nous a fait part de son expérience de magistrat tout en rappelant le cadre juridique du droit de la famille dans lequel un équilibre doit être constamment trouvé l’immixtion dans la sphère familiale ne doit pas être excessive mais il ne faut pas laisser un libre champ aux agresseurs.

Il nous a également présenté son point de vue quant à la résidence alternée. Elle a été consacrée par la loi du 4 mars 2002 et est ensuite devenue prioritaire si l’un des deux parents la demande. Monsieur Durand a d’ailleurs noté que cette mesure avait pu être adoptée en une nuit (le 18 septembre 2013) par un amendement à la loi sur l’égalité entre les femmes et les hommes tandis que les mesures de protection des victimes de violences conjugales prennent bien souvent des années.

En premier lieu, la résidence alternée est souvent présentée comme un remède contre l’éloignement des pères avec leurs enfants. Alors que le droit même ne laissait aucune place à la femme dans la famille jusque dans les années 1970, Monsieur Durand s’est étonné de la force du discours présentant les hommes comme complètement désarmés lors des décisions qui concernent leurs enfants. Par ailleurs, de nombreuses études démontrent les méfaits de ce modèle sur les enfants ; ces derniers ont besoin de repères, de sécurité et leur imposer un emploi du temps changeant mais surchargé avec bien souvent des temps de transport très longs ne peut être une solution adaptée à l’intérêt supérieur de l’enfant. Il nous a donc indiqué que ce serait, selon lui le statut de parent qui serait privilégié si la résidence alternée devenait le principe et non la protection de l’enfant.

Madame Ronai nous a également éclairé sur un débat très intéressant à savoir la correctionnalisation des crimes sexuels. Les crimes sexuels doivent être jugés en Cour d’Assisse à laquelle un jury populaire participe alors qu’en correctionnel, seuls des magistrats siègent. On considère souvent que les magistrats sont plus à même de juger de tels faits car moins enclins à se laisser influencer par la défense. La correctionnalisation passe par une requalification des faits : un viol est alors qualifié d’agression sexuelle, ce qui entraine souvent la juste réaction de l’opinion publique.

Madame Ronai nous a indiqué que les statistiques des peines prononcées montraient un taux de condamnation élevé dans les deux cas et surtout nous a pointé la vertu pédagogique d’un procès devant la Cour d’Assises : la procédure étant une procédure orale, tous les faits, les expertises et les éléments du dossier sont prononcés lors du procès. Les auteurs comme les victimes peuvent alors prendre toute conscience de l’ampleur des faits qui ont pu être  commis et  appréhender les différents éléments du dossier. Un procès en correctionnel étant une procédure écrite n’a pas cette dimension pédagogique.

Je remercie vivement Monsieur Durand et Madame Ronai pour cette audition, riche en échanges et en informations qui conduisent à reconsidérer des positions qui semblaient acquises et qui permettent de continuer la réflexion sur ces sujets.

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