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Débat sur les conditions de la réussite à l’école: le réseau de l’enseignement français à l’étranger concerné lui aussi

La jeunesse et l’éducation sont deux des priorités du Président de la République et le lancement de la grande concertation sur la « Refondation de l’école de la République » illustre cette volonté. Le rapport, remis en fin de semaine, sera suivi d’une loi d’orientation et de programmation présentée par le gouvernement. La commission de la Culture du Sénat a souhaité alimenter la réflexion en cours par un débat dans l’hémicycle, en présence du Ministre Vincent Peillon, sur les conditions de la réussite à l’école, auquel j’ai participé.

A côté de la problématique de la formation des enseignants et de la masterisation, cette réussite éducative pour tous est, en effet  au cœur du sujet. Notre École rencontre des difficultés pour permettre à tous les élèves d’accéder à la qualification la plus élevée possible dans la voie qu’ils ont choisie. En France, ce sont surtout les élèves des milieux sociaux les plus défavorisés qui sont concernés.
Dans le réseau de l’enseignement français à l’étranger, le « décrochage scolaire » est plus insidieux, puisqu’il se transforme en réorientation vers le système éducatif local. Cette situation n’est pas satisfaisante et notre réseau d’établissements scolaires à l’étranger doit aussi permettre au plus grand nombre d’élèves de trouver sa voie au sein de l’Ecole de la République, en favorisant les enseignements différenciés et les filières techniques et professionnelles. Plus généralement, le réseau a aussi, conformément à la volonté affichée par le gouvernement, vocation à s’ouvrir plus largement à toutes les familles, quelles que soient leurs ressources. C’est l’objet de la refondation, en cours d’étude, des critères d’attribution des aides à la scolarité, vers plus d’équité .

Le réseau de l’enseignement français à l’étranger est un réseau d’excellence, les résultats du baccalauréat en témoignent chaque année. Mais pour qu’il ne se conçoive pas uniquement en réseau de privilégiés, il doit permettre à tout élève qui le souhaite, d’y effectuer sa scolarité, quelles que soient sa situation financière et ses capacités ou aspirations.

Lire ci-dessous mon intervention en séance:

Madame la présidente, Monsieur le ministre, chers collègues,

C’est de l’éducation que dépend l’avenir de notre jeunesse et aussi le redressement de la France. Refonder l’Ecole et refonder la République par l’Ecole. C’est en ces termes, Monsieur le ministre, que vous vous adressiez, aux côtés de votre collègue George Pau-Langevin, aux enseignants lors de la rentrée. Il n’en faut certes pas moins, pour éponger la dette éducative que l’on nous a laissée.

Bien sûr, dans ce contexte, l’enseignement français à l’étranger semble bien privilégié.

En effet 95% de bacheliers dans le réseau de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, dont près de 60% avec mention! Pourtant ces chiffres exceptionnels cachent une réalité plus nuancée : l’excellence éducative ne concerne, que les élèves dont les familles ont les moyens financiers ou satisfont aux critères draconiens d’attribution de bourses scolaires, pour inscrire leurs enfants dans des établissements parfois extrêmement onéreux. Le président de la République s’est engagé à ouvrir davantage les portes de ces établissements. La première étape réside dans la suppression de la prise en charge indifférenciée de la scolarité pour les lycéens. Et une révision globale du système de bourse est en cours pour qu’aucun enfant français vivant à l’étranger ne soit privé d’un enseignement français pour des raisons financières.

Nous nous félicitons de cette évolution, destinée à rendre « l’Ecole plus juste » dans le réseau de l’étranger aussi. Mais malgré tout 2/3 des enfants français demeurent exclus du système.

Pour des raisons d’éloignement géographique d’abord : l’AEFE constitue l’un des réseaux les plus denses au monde mais il va de soi que le maillage ne peut être parfait.

Plus inquiétante est la pénurie de places au sein des établissements. L’AEFE est en sous-financement chronique depuis des années, rejetant sur les parents l’essentiel du financement du réseau. C’est pourquoi un relèvement du plafond d’emplois des professeurs titulaires détachés est vainement sollicité depuis longtemps. Le réseau français à l’étranger a, d’ailleurs, malheureusement été tenu à l’écart du plan d’urgence du gouvernement pour la rentrée 2012.

L’exclusion de deux élèves sur trois de l’ enseignement français à l’étranger s’explique aussi par une autre spécificité du réseau : la quasi-absence de parcours différenciés.

La prise en charge du handicap d’abord, qui reste très insuffisante, malgré des efforts. Un état des lieux de la loi de 2005 sur le handicap serait d’ailleurs bienvenu dans le réseau à l’étranger. En effet, l’aide à la prise en charge des AVS demeure très faible et l’information des familles trop parcellaire. La scolarisation des enfants en situation de handicap figure parmi les grands thèmes de la concertation sur la refondation de l’école. A cet égard, il est essentiel que les enfants handicapés ne soient pas exclus de fait des établissements d’enseignement français à l’étranger, d’autant plus qu’aucune alternative n’existe parfois dans le système local.

Mais, au-delà de ce thème spécifique, c’est bien le problème de l’offre éducative qui doit être évoqué: l’enseignement français à l’étranger ne compte pratiquement pas de filières pour les élèves qui ne peuvent ou ne veulent pas suivre la voie générale. Les filières techniques et professionnelles demeurent exceptionnelles. Dans ces conditions, les élèves relevant d’un tel enseignement sont gentiment invités, pour ceux, nombreux qui ne peuvent rentrer en France, à rejoindre le système local. Cela ne pose pas de problème dans les pays aux systèmes éducatifs similaires au nôtre, mais quid des autres pays ? L’assemblée des Français de l’étranger a d’ailleurs, il y a quelques semaines, demandé un état des lieux sur ces filières techniques et sur les besoins en formations professionnelles dans le réseau.

L’échec scolaire se transforme donc en « réorientation dans le système de scolarité du pays ». Le réseau français à l’étranger a des qualités indéniables. Mais les résultats du baccalauréat, supérieurs de plus de 10 points aux résultats en France, sont en réalité assez illusoires. Et il serait, à cet égard, très intéressant de mener des études de cohorte pour analyser véritablement les raisons qui conduisent les élèves à quitter le système français.

Le réseau d’enseignement français à l’étranger constitue certes une filière d’excellence mais veillons à ne pas en faire simplement une pépinière de privilégiés.

 

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