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Mariage pour tous et couples de nationalité différente

 « Deux personnes de même sexe peuvent contracter mariage lorsque, pour au moins l’une d’elles, soit sa loi personnelle, soit la loi de l’État sur le territoire duquel elle a son domicile ou sa résidence le permet ». Cet article 202-1, alinéa 2 du Code Civil est issu de la loi ouvrant le mariage aux personnes de même sexe (loi n°2013-404) est entré en vigueur le 17 mai 2013.

Cependant, la circulaire du 29 mai 2013 émanant du Ministère de la Justice énonce qu’il existe onze conventions bilatérales prévoyant l’application de la loi personnelle (voir ici mon article sur la  circulaire en question). Cela empêche donc un mariage entre personnes du même sexe en France, si la loi nationale du conjoint étranger l’interdit. Selon le principe de la hiérarchie des normes, le droit international prévaut sur le droit interne. Dès lors, la loi de 2013 s’applique en respectant les conventions bilatérales signées par la France.

J’ai à ce titre posé une question écrite (n°07665) à la Garde des Sceaux en juillet 2013 (ma question écrite ici). Celle-ci avait pour objectif de savoir s’il était possible de « soulever une exception à l’application de ces conventions [bilatérales] et, plus globalement, il peut être envisagé de dénoncer ces conventions ». La réponse du Ministère de la justice consistait à attendre les décisions de justice ultérieures, notamment celle de la Cour de Cassation.

Or, dans son arrêt du 28 janvier 2015, la Cour de Cassation a pu juger valable un mariage entre un Français et un Marocain, malgré la convention bilatérale signée entre la France et le Maroc. Elle énonce que la loi ouvrant le mariage aux personnes de même sexe est une composante de l’ordre public international français. Cela a pour conséquence de rendre caduques les dispositions de la circulaire de 2013. La Chancellerie devrait donc, aujourd’hui, tirer les conséquences de ladite décision.

Aussi ai-je, à nouveau, interrogé le gouvernement pour connaître sa position sur ce sujet, au regard de cette décision de la Cour de Cassation:

Mariage de personnes de même sexe et loi personnelle

Question n° 22193 adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice
Texte de la question : Mme Claudine Lepage appelle l’attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur les difficultés encore rencontrées par les couples bi-nationaux de même sexe dont l’un des membres est ressortissant de l’un des onze pays avec lesquels la France a signé une convention bilatérale prévoyant l’application de la loi personnelle aux conditions de fond du mariage.
Elle avait déjà saisi la ministre de cette question en 2013, suite à la publication de la circulaire du 29 mai 2013 qui recense les pays avec lesquels la France a conclu des conventions bilatérales imposant à leurs ressortissants l’application de leur loi nationale aux conditions de fond du mariage. Il lui avait alors été répondu (Journal officiel « questions » du Sénat du 17 juillet 2014, p. 1720) qu’une décision serait prise quand l’arrêt de la Cour de cassation attendu aurait été rendu. En effet, il pouvait être considéré que les nouvelles dispositions introduites par la loi n°2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe s’intègrent à un nouvel ordre public international, qui permet d’écarter la loi désignée comme applicable par la convention bilatérale.
Or la première chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt du 28 janvier 2015, a clairement indiqué qu’est « manifestement incompatible avec l’ordre public » une loi (ici, la loi marocaine pertinente) « qui s’oppose au mariage de personnes de même sexe dès lors que, pour au moins l’une d’elles, soit la loi personnelle, soit la loi de l’État sur le territoire duquel elle a son domicile ou sa résidence le permet ».
Elle demande quand les conséquences de cette décision de la Cour de cassation seront tirées, et donc quand seront confirmés les droits des personnes de même sexe, ressortissantes de pays avec lesquels la France a conclu une convention bilatérale sur le sujet, et notamment leur droit à se marier en France si la loi personnelle de l’un au moins des membres du couple ou la loi de son État de résidence le permet.

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