LISTE DES ARTICLES

Bourses scolaires: inquiétude des agents de l'Etat en poste à l'étranger

J'ai alerté le ministre des Affaires étrangères et européennes sur la forte inquiétude ressentie par nombre de personnels de l’Agence pour l’Enseignement Français à l’étranger, en poste à l’étranger et, plus généralement par l’ensemble des agents de l’Etat, scolarisant leur enfant dans l’un des établissements d’Enseignement français à l’étranger.  La réponse qu'il m'a adressée ne va, malheureusement, pas atténuer l'inquiétude de ces personnels:

Madame la Sénatrice,

Les termes de votre lettre en date du 8 avril 2010, relative aux nouvelles modalités de prise en compte des majorations familiales ou de l’avantage familial des personnels de l’Etat ou de ses établissements publics dans le calcul des droits à bourses scolaires au bénéfice des enfants français résidant à l’étranger, ont retenu toute mon attention.

Pendant de très nombreuses années, ces personnels ont été exclus du système des bourses scolaires dans la mesure où, soit ils percevaient des majorations familiales, soit ils bénéficiaient d’une exonération totale ou partielle des frais de scolarité. Ainsi, l’instruction générale 1996 sur les bourses scolaires fixait au point 2.3.9 : « Dans le cas des familles béneficiant, soit d ‘une exonération accordée par l‘établissement, soit d‘une indemnité payée par l‘employeur (qu‘il s‘agisse de l‘Etat ou d’une société privée), le montant de la bourse allouée ne peut être supérieur à celui des frais de scolarité restant à la charge de la famille. Seul le montant de part qui reste à la charge de la famille doit être pris en compte dans les calculs ».

Dans ce cadre, si les personnels concernés pouvaient déposer un dossier de demande de bourse, ils ne pouvaient réglementairement prétendre, dans la quasi-totalité des cas, à l’octroi d’une aide. 

Au fil du temps, le différentiel entre les prestations perçues et les frais de scolarité appelés par les établissements s’est considérablement accru, en particulier dans les pays où les droits d’écolage étaient les plus élevés, alors que, parallèlement, les exonérations sur frais de scolarité, jusque là consenties aux personnels résidents de l’AEFE, étaient progressivement supprimées.

Dans ce contexte, il a été décidé d’ouvrir progressivement l’accès de ces personnels au système des bourses scolaires, en considérant, à titre dérogatoire, les majorations familiales ou l’avantage familial perçus comme un simple élément de rémunération, et non plus comme une aide directe à la scolarité.

Cette disposition qui permettait de répondre au cas par cas aux situations financières difficiles rencontrées, en particulier par des résidents de l’AEFE ou par des expatriés de catégorie C, constituait pour ces derniers un avantage certain dont ne bénéficiaient pas les autres catégories de personnels (recrutés locaux, employés des entreprises privées, en particulier) pour lesquelles les exonérations ou les aides accordées par les employeurs continuaient à être déduites directement du montant des frais de scolarité dans le calcul des droits à bourses scolaires.

Il est apparu aujourd’hui opportun de reconsidérer ces mesures dérogatoires pour plusieurs raisons

- les majorations familiales ou l’avantage familial sont désormais fixés par référence aux frais de scolarité, qu’ils couvrent très largement dans une majorité de cas;
- la situation financière réelle de ces catégories de personnels est particulièrement difficile à apprécier par les postes consulaires (changement de statut en cours d’année, omission de déclaration des éléments de rémunératioù non imposables...);
- la revalorisation des barèmes et l’augmentation des frais de scolarité ont conduit à accorder une aide à ces personnels qui n’a cessé de croître, alors que leur régime de rémunération était par ailleurs amélioré, ce qui a conduit dans un certain nombre de cas à l’attribution d’une aide couvrant la totalité des frais de scolarité
- les majorations familiales et l’avantage familial sont considérés comme une aide à la scolarité en matière de prise en charge et seul un éventuel différentiel peut être couvert;
- une minorité de personnels expatriés ou résidents, très concentrée géographiquement, présente une demande de bourses scolaires (moins de 200 en 2009/2010).

Sur cette base, dans un souci de rigueur, d’équité et de cohérence, le retour au statu quo ante est apparu pertinent.

Cette nouvelle disposition réglementaire est évidemment moins favorable pour les personnels concernés. Toutefois, les attributions qui en résultent peuvent être considérées en conformité avec la situation financière actuelle des familles, le système des bourses n’ayant pas vocation à gommer les différences de statut entre les personnels ou à couvrir une seconde fois les frais de scolarité, mais à apporter simplement une aide complémentaire aux personnels concernés en matière de frais parascolaires.

En tout état de cause, lors de la présentation de cette modification réglementaire devant la commission nationale des bourses scolaires en décembre 2009, il avait été rappelé que les commissions locales conserveraient leur pouvoir d’appréciation au cas par cas des situations particulières qu’ elles auraient à connaître.

Mises en oeuvre à compter de la campagne 2010/2011 des pays du rythme nord, les nouvelles dispositions réglementaires ont été appliquées par les postes consulaires dans le cadre de l’instruction des demandes de bourses qui viennent d’être présentées devant les premières commissions locales des pays du rythme nord. Il est donc encore trop tôt pour en dresser un bilan précis. Ce sera chose faite lors de la prochaine commission nationale, qui se réunira les 16 et 17 juin prochains.

Sur la base du constat qui sera alors dressé, la question du maintien ou non de cette disposition pourra alors être utilement posée et la situation des personnels concernés éventuellement révisée en seconde commission locale.

Je vous prie d’agréer, Madame la Sénatrice, l’expression de mes hommages respectueux.

Bernard KOUCHNER


Contenu de ma lettre au Ministre:

L’Instruction générale sur les bourses scolaires au bénéfice des enfants français résidant à l’étranger a modifié le calcul des bourses pour ces agents. En effet, à partir de cette année scolaire 2010-2011, les avantages ou majorations familiales perçus par les expatriés de l’Etat ou de ses établissements publics ainsi que les personnels résidents de l’AEFE sont pris en compte, pour le calcul des bourses, sous la forme d’une aide à la scolarité et non plus comme un élément de revenu.

Ce changement de qualification a de graves implications pour ces personnels qui sont, pour beaucoup d’entre eux, de fait exclus des bourses ou qui, au mieux, voient leurs droits baisser fortement.

L’incompréhension est d’autant plus vive, que, comme M. Kouchner l'a rappelé dans sa réponse de juillet dernier à ma question écrite n°08386, l’article 8 du décret du 28 mars 1967 précise bien que « l’agent qui a au moins un enfant à charge peut prétendre aux majorations familiales qui lui sont attribuées au lieu et place des avantages familiaux accordés aux personnels en service en métropole ». Or en France, l’enseignement est gratuit. Et, par ailleurs, les majorations familiales sont, de toute façon, servies sans condition de scolarisation.

Le sentiment d’injustice est encore exacerbé par la mise en place de la prise en charge de la scolarité des lycéens, accordée sans condition de ressource mais dont sont également exclus ces personnels.

Cette subite révision des conditions d’attribution des bourses pour une catégorie de Français est extrêmement domageable et il est à craindre que de nombreuses familles soient contraintes, financièrement, de retirer leurs enfants du système d’enseignement français.

J'ai demandé au ministre d’étudier les mesures qui pourraient palier le sentiment d'injustice légitime de cette catégorie de parents d'élèves et les conséquences très domageables induites.


Publié le 16 avril 2010
Mis à jour le 10 mai 2010