1

Que penser d’un divorce sans juge ?

L’une des propositions du rapport « Le juge du 21ème siècle » remis à la Garde des Sceaux en décembre préconise, pour les divorces par consentement mutuel, de substituer au passage devant le juge l’homologation par un greffier.

Le divorce par consentement mutuel représente 54 % des 128 371 divorces prononcés en France en 2012. Aujourd’hui, même en cas d’accord des deux époux, les procédures sont souvent longues, ce qui est source de conflit, alors même que le temps passé devant le juge est très court, en moyenne de 18 minutes pour les affaires familiales. La longueur des procédures tient essentiellement aux délais de traitement des affaires. La principale motivation de cette proposition d’une simple homologation par le greffier est de raccourcir ces délais en simplifiant la procédure.

L’une des premières questions évoquées est de savoir si simplifier le divorce ne conduit pas à fragiliser l’institution qu’est le mariage. Bien évidemment, je considère que tout comme le fait de complexifier les procédures ne limite pas les divorces, les simplifier n’y incite pas.

Plus problématique est la question du rapport de force entre les deux époux divorçant par consentement mutuel. Certes, le « greffier juridictionnel » dont le rapport remis à la ministre envisage la création serait spécialisé dans ces affaires et contrôlerait que le choix du divorce par consentement mutuel est justifié et l’accord sur les modalités du divorce équilibré. La question du rapport de force semble donc être prise en compte. Mais la proposition pose en fait plusieurs problèmes. Si le greffier doit remplir la même mission d’étude du dossier et de contrôle de l’accord que le juge, il ne s’agit que d’un transfert de charge. Le greffe étant tout autant surchargé que la magistrature, les procédures n’en seront pas moins longues. Ensuite, si l’on charge le greffier de contrôler les conventions qui lui sont soumises et de les homologuer ou non, on lui demande de trancher, et il y a alors confusion entre la fonction de greffier et celle de juge, ce qui pose en outre des problèmes d’ordre juridique, le greffier jugeant alors sans pour autant avoir le statut de juge. Enfin, si les audiences sont certes courtes car les affaires sont nombreuses, le passage devant le juge, serait-il limité à une dizaine de minutes, n’en demeure pas moins essentiel, car c’est lui qui est le mieux à même d’assurer la protection des parties et de contrôler l’équilibre de la convention.

Il me paraît par contre judicieux de développer le recours à la médiation familiale, comme le recommande le rapport. Il souligne qu’un accord fruit de ce mode négocié de règlement des conflits est plus durable qu’une décision actée par le juge reposant sur un consentement « parfois donné pour obtenir une décision rapide au moindre coût », et dès lors susceptible de donner lieu à une instance modificative pour renégocier l’accord.

Quoi qu’il en soit, l’homologation par le greffier à laquelle je suis a priori plutôt réticente n’est qu’une proposition du rapport, lequel n’est destiné qu’à ouvrir le débat. Il a été présenté lors d’un colloque sur la justice au 21ème siècle qui s’est tenu à l’UNESCO le week-end dernier, et les propositions doivent à présent faire l’objet d’une réflexion dans le cadre d’une concertation menée par la Ministre de la Justice.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*