La semaine dernière, le think-tank Terra Nova a publié une note sur la lutte contre les inégalités, encourageant à intervenir dès la petite enfance.
La note débute par le constat frappant qu’ « à quatre ans, un enfant pauvre a entendu 30 millions de mots de moins qu’un enfant issu d’un milieu favorisé ». Ces inégalités qui se forment très tôt se répercutent ensuite sur l’ensemble de la scolarité, et plus tard au moment de l’insertion professionnelle. Elles se résorbent difficilement et c’est pourquoi il importe de lutter contre ce déterminisme social dès le plus jeune âge. Optimiste, la note de Terra Nova insiste sur le fait que des solutions « concrètes et éprouvées » existent, et que c’est aux élus locaux, aux professionnels et aux responsables nationaux de la petite enfance de les mettre en œuvre.
La pénurie de place en crèches est un problème persistant qu’il faut résoudre. Cependant, la note insiste sur le fait que si « les crèches sont un besoin important pour toutes les familles, pour les enfants pauvres elles peuvent changer le cours d’une vie ». Or, les enfants issus de milieux défavorisés sont sous représentés en crèche : la France compte 20 % d’enfants issus de familles pauvres, les crèches françaises, seulement 8 %.
Pour pallier cette situation, il faut bien sûr créer des places en crèche et garantir une meilleure répartition sur le territoire. Mais le changement doit être également qualitatif. Il faut concevoir les crèches comme des lieux d’éducation et de stimulation du développement intellectuel des enfants. Le rapport donne l’exemple d’expérimentations réussie menée en France ou à l’étranger, soulignant qu’« il n’y a certes pas de solution unique, mais il y a des expériences qui ont fait leurs preuves et qui méritent d’être généralisées ». Ainsi le programme « Parler Bambin », qui a bénéficié à plus de 15 000 enfants, instaure trois fois par jour une session individualisée et structurée de 15 minutes au cours de laquelle l’enfant peut développer son expression orale. Permettant ainsi aux enfants qui ne les auraient peut-être pas reçues chez eux de bénéficier de 45 minutes de concentration journalière, le programme a été évalué et son efficacité est avérée.
S’inspirant de ces expériences et d’un état des lieux de la politique de la petite enfance en France, le rapport formule 10 recommandations clés à l’intention des communes et intercommunalités, des conseils généraux, de l’Etat et de la Caisse nationale des allocations familiales. Il suggère de créer de nouvelles places en crèches, en priorité dans les quartiers les moins aisés, de donner la priorité à familles défavorisées dans l’accès à une place en crèche et de s’inspirer des expérimentations des crèches « de haute qualité éducative ». Il importe également de développer la compétence « petite enfance » des intercommunalités. Les financements départementaux et étatiques pourraient être conditionnés à des critères d’accueil des enfants défavorisés. L’Etat devrait assigner explicitement à la politique familiale un objectif d’égalité des chances, et encourager le développement de la recherche et de l’expérimentation sur la petite enfance.
A l’approche des municipales, il est important que ces recommandations soient prises en compte. Investissons dans la petite enfance, car il est plus efficace de lutter contre les inégalités au moment où elles se développent plutôt que de tenter de combattre, plus tard, leurs effets en termes de décrochage, d’échec scolaire, de difficultés dans l’insertion professionnelle.