La proposition de loi visant à agir contre les violences au sein de la famille a été examinée au Sénat le 6 novembre dernier. Ce texte représentait une belle opportunité pour aborder les violences conjugales.
J’ai déposé 10 amendements sur ce texte dont la moitié concernait le logement. Je pense en effet que le logement est pour les victimes de violences un point essentiel de leur protection. C’est pourquoi j’ai souhaité que celles qui sont locataires puissent bénéficier d’un préavis réduit à un mois (au lieu de trois) afin qu’elles puissent quitter au plus vite le logement commun. J’ai également proposé qu’elles puissent se défaire des clauses de solidarité qui les contraignent parfois à payer un loyer ou un crédit alors même qu’elles ont quitté leur logement et que leur agresseur y est resté. C’est en effet une problématique qui est souvent abordée avec les associations de terrain : les auteurs de violences conjugales, souhaitant conserver leur emprise sur leurs victimes, organisent leur insolvabilité et contraignent la personne qui est co-titutlaire du bail ou du crédit à payer ce qui les met généralement dans des situations financières très difficiles. Enfin, j’ai souhaité ouvrir le dispositif d’hébergement d’urgence aux femmes non mariées et à celles qui ont entamé une procédure pénale puisque ce dispositif était jusqu’ici réservé aux victimes qui entamaient une procédure de divorce ou une demande d’ordonnance de protection.
Certains de mes amendements avaient pour objectif de faciliter le parcours judiciaire des victimes de violences conjugales. Le moment du dépôt de plainte étant capital pour moi, j’ai proposé que les victimes puissent être accompagnées par une association de défense de droits des femmes mais j’ai aussi tenu à ce que leurs démarches en vue de déposer plainte ne puissent être transformées en simple inscription au registre des mains courantes. Je suis ravie que cette mesure ait été adoptée lors de l’examen de la proposition de loi car une plainte et une main courante n’ont pas du tout les mêmes effets : la main courante ne déclenche pas en soi une action de l’autorité publique or il est des plus important d’apporter une réponse ferme de la société lorsque ces situations sont révélées. Je suis donc ravie que cet amendement ait été adopté.
Les trois autres amendements portaient sur des sujets variés : le premier visait à ce que les notaires et organismes d’assurance-vie suspendent les démarches liées à la succession lorsqu’un conjoint était soupçonné dans le cadre du décès d’une personne, généralement dans le cadre d’un féminicide. Le deuxième reprenait une recommandation de la délégation aux droits des femmes du Sénat et prévoyait la remise d’un rapport sur la possible intervention du Procureur de la République dans les affaires familiales en cas de violences conjugales (surtout pour éviter que les victimes divorcent par consentement mutuel sans jamais avoir recours à un juge – puisque désormais est ouverte la possibilité de divorcer par consentement mutuel devant un notaire). Enfin, le troisième élargissait la possibilité de délivrance d’un titre de séjour aux victimes de violences conjugales qui avait été ouverte par la loi asile et immigration (mais conditionnée à la délivrance d’une ordonnance de protection) et ouvrait cette possibilité à toute femme étrangère victime de violences.
Je regrette vraiment le déroulé de l’examen de ce texte qui n’a pas permis un réel débat. Le gouvernement, représenté par Madame Belloubet, n’avait qu’un discours : vos propositions sont intéressantes mais nous allons attendre les annonces issues des travaux du Grenelle des violences dans le cadre desquels des groupes de travail « sérieux » ont été mis en place. Je vais donc être particulièrement attentive aux annonces qui devraient être faites le 25 novembre prochain, date de la journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes. Attendre encore pour mettre en place des améliorations dans les vies des victimes ne dérange pas la Garde des Sceaux, Ministre de la Justice. Ce sujet ne représente donc pas vraiment une urgence pour ce Gouvernement malgré « la grande cause du quinquennat”, malgré ce qui avait pu être dit à l’Assemblée Nationale, derrière le discours, les actes n’ont pas suivi.
Alors même que la proposition de loi émanait d’un député LR, la droite a également joué le jeu du gouvernement en donnant un avis défavorable à tous les amendements et en demandant des scrutins publics à chaque fois. L’intérêt ? Faire voter les absents car les présents auraient été majoritairement en faveur de nos mesures. Ces dispositions auraient fait avancer la cause des victimes de violences conjugales mais qu’importe puisque cela ne venait pas de leur « camp ».