A l’occasion de la Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, j’ai donné une interview au collectif « Français au Cambodge, Plus Forts Ensemble !» afin d’évoquer les actions de la France pour combattre ce fléau, qui concerne également les femmes françaises de l’étranger.
Claudine Lepage, vous êtes Sénatrice des Français établis hors de France et membre de la délégation sénatoriale aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. En quoi se résume votre travail au sein de cette délégation ?
Je suis membre de la délégation depuis 2011 et vice-présidente depuis 2017. Nous avons étudié au cours des années la place des femmes dans la société et nous faisons des recommandations pour améliorer leur situation avec un objectif d’égalité entre les femmes et les hommes. Nous avons travaillé sur le rôle des femmes dans les milieux culturels, sur la situation des femmes dans les espaces privatifs de liberté, sur les femmes militaires, sur les femmes agricultrices etc. Nous avons également beaucoup travaillé sur la violence dont les femmes sont victimes, toutes les violences y compris sur le viol comme arme de guerre. Chargée de suivre la politique du Gouvernement au regard de ses conséquences sur les droits des femmes et sur l’égalité des chances entre les femmes et les hommes, la Délégation assure également le suivi de l’application des lois en ces domaines.
À l’initiative des commissions, la délégation peut être saisie d’un projet ou d’une proposition de loi. Elle produit alors un rapport d’informations contenant des recommandations. Les membres de la délégation organisent également leur travail de suivi d’application des lois. Ainsi, par exemple, j’ai veillé au suivi de la loi de lutte contre le système prostitutionnel de 2016. La délégation a organisé dans ce cadre une table ronde en 2018 et a contribué au débat ouvert par la question prioritaire de constitutionnalité qui mettait en cause la pénalisation du client en 2019. Dans le cadre des axes de travail déterminés par l’ensemble des membres de la commission, je suis mobilisée afin d’attirer l’attention de mes collègues sur les problématiques spécifiques des femmes établies hors de France. Je défends également une position quant à l’aide publique au développement qui ne peut se concevoir qu’avec un regard sur les conséquences en matière d’égalité entre les femmes et les hommes.
Un rapport récent de cette délégation a été diffusé, il concerne les violences faites aux femmes et aux enfants à l’occasion de la crise du COVID19 et notamment des différentes périodes de confinement, qu’est ce que dit ce rapport ? Quelles en sont les principales recommandations ?
Le rapport adopté à l’unanimité le 7 juillet 2020, dresse un bilan des mesures d’urgence mises en place pendant le confinement.
Il insiste sur la poursuite de l’amélioration du traitement des violences intrafamiliales par les acteurs de la chaîne pénale, après les imperfections mises en évidence par le rapport de l’Inspection générale de la justice sur les « homicides conjugaux » rendu public en octobre 2019. J’ai insisté pour que ce rapport étudie particulièrement la lutte contre les violences faites aux femmes Françaises résidant à l’étranger.
Il contient huit constats et douze recommandations pour améliorer le traitement des violences tout au long de la chaîne pénale. Parmi les constats opérés, on peut citer une évolution à encourager : le signalement par les proches, ou encore l’analyse indispensable des statistiques établies pendant le confinement afin de comprendre au mieux les ressorts de cette période complexe.
La spécificité des violences à l’encontre des Françaises établis hors de France a été prise en compte et il a été constaté que la mobilisation des pouvoirs publics quant à leur accompagnement devait être renforcée.
Quant aux douze recommandations, elles sont axées autour de quatre points :
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le renforcement de la cohérence des réponses pénales,
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une meilleure organisation de la chaine pénale,
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un renforcement de la protection des victimes
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mais aussi une amélioration de la prise en charge des auteurs de violences conjugales.
Les difficultés rencontrées par les Français établis hors de France qui sont victimes de violences conjugales sont souvent démultipliés notamment du fait de l’isolement induit par une expatriation. Il conviendrait donc de doter le Ministère de l’Europe et des Affaires Étrangères de moyens nécessaires afin d’assurer l’accueil mais l’hébergement de ces victimes.
Mes collègues et moi-même concluons sur la nécessité de l’élaboration d’une loi-cadre pour traiter l’ensemble des adaptations rendues nécessaires par l’accumulation de textes législatifs disparates durant ces dernières années. Une politique de bouts de chandelles entraine rarement un dispositif cohérent.
Pourriez-vous définir les violences conjugales au regard du droit français ?
Il y a violence conjugale quand la victime et l’auteur sont ou ont été dans une relation sentimentale quel que soit leur statut : mariés, concubins ou pacsés. Les violences peuvent être de différents type (qui s’entremêlent bien souvent) : psychologiques, physiques, sexuelles ou économiques.
Différentes mesures de protection des victimes de violences conjugales peuvent être mises en place. Les peines encourues vont du simple rappel à la loi (en cas de violences légères et isolées) jusqu’à 20 ans de prison en cas de viol au sein d’un couple.
Lorsque l’on est une femme française victime de violences conjugales dans son pays de résidence, quels sont les possibilités de trouver un soutien ?
Les postes diplomatiques peuvent soutenir les personnes victimes de violences conjugales dans leurs démarches, notamment pour connaitre leurs droits, savoir si elles peuvent prétendre à des aides.
Le tissu associatif peut également apporter des réponses quant aux réflexes à adopter telle que la constitution de preuves (en faisant constater les violences par un médecin par exemple).
Est-ce que le droit français peut s’appliquer lorsque l’on est victime de violences conjugales en étant française à l’étranger ?
Si le droit local reconnait les violences conjugales, il est souvent plus simple (et plus rapide) de déposer plainte dans son pays de résidence.
Notre code pénal prévoit toutefois l’application de la loi française à tout crime ou délit commis par ou à l’encontre d’un Français. Dès lors que les violences ont entrainé au moins une incapacité temporaire totale de travail, les poursuites sont donc possibles. Il faudra dans ce cas porter plainte en France. Comment l’administration consulaire et diplomatique est-elle sensibilisée à ces questions ? Existe-t-il un dispositif de formation des agents dans nos consulats ?
La question de la formation des personnels du Ministère des Affaires Étrangères n’est pas nouvelle. En 2016, un séminaires sur les violences conjugales avait été organisés par le Ministère des Affaires Étrangères. D’autres formations à des violences plus spécifiques tels que les mariages forcés (2015) ou encore la lutte contre le système prostitutionnel (2016) se sont également tenus.
Force est de constater qu’en 2020, un des axes de progression identifié par la délégation aux droits des femmes du Sénat dans le cadre du rapport précité concerne justement la formation des personnels diplomatiques et consulaires aux violences intrafamiliales.
En effet, dans le cadre de ce rapport, nous avons auditionné Sylvain Riquier et Nathalie Kennedy de la direction des Français de l’Étranger du Ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Les cas de violences intra familiales sont encore plus difficiles à traiter à l’étranger particulièrement lorsqu’il s’agit d’ une famille double nationale. Bien souvent ces cas ne peuvent se régler par le consulat que dans la plus parfaite discrétion.
Propos recueillis par Florian Bohême pour le collectif « Français au Cambodge, Plus Forts Ensemble !» : www.francaisaucambodge.org
Pour aller plus loin :
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Le site internet Femme Expat a traité ce sujet « De la vulnérabilité des femmes expatriées (3) : les violences conjugales subies à l’étranger » cliquez-ici
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La chaîne francophone TV5 Monde a fait un dossier spécial en juin 2020 sur son site « Terriennes » cliquez-ici
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Traits d’Union Mag (basé à Hong Kong) a interviewé la Députée Amélia Lakrafi il y a quelques mois sur le même sujet cliquez-ici
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La plateforme en ligne France Victimes accessibles aux français.e.s à l’étranger cliquez-ici