0

Impossibilité d’adoption plénière pour nombre d’enfants haïtiens arrivés en France depuis le séisme

© UNESCO

J’avais interrogé Christiane Taubira,  ministre de la Justice,  sur les difficultés rencontrées par les parents adoptifs d’enfants haïtiens pour parvenir à l’adoption plénière de leurs enfants. Madame la ministre a indiqué que seule l’adoption simple était possible en droit haïtien et que depuis 2009 Haïti refusait de légaliser le consentement des parents biologiques nécessaire à l’adoption plénière de l’enfant. Néanmoins, une issue favorable est peut-être à envisager car un  projet de loi créant l’adoption plénière est actuellement en discussion au Parlement haïtien.  Lire la réponse du ministre, précédée du texte de ma question ci-dessous :

Mme Claudine Lepage attire l’attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur le désarroi des parents adoptifs d’enfants haïtiens qui, après bien des épreuves endurées pour mener à bien l’adoption puis le retour en France de ces enfants parfois malades ou handicapés, demeurent en butte à la rigueur des procédures qui les empêchent de mener à bien l’adoption plénière de leurs enfants. En premier lieu, la législation haïtienne, depuis l’année 2009, refuse de légaliser les consentements donnés par les parents biologiques en vue de l’adoption plénière au motif que cette dernière n’existe pas dans le droit haïtien. Elle lui demande si des négociations sont en cours entre la France et Haïti pour que ce pays revienne, comme par le passé, sur sa décision, et accepte que le consentement des parents biologiques conduise à l’adoption plénière de l’enfant. Par ailleurs, alors que les parents sont confrontés au légitime souci de voir les droits de leurs enfants adoptifs reconnus à égalité de ceux de leurs enfants légitimes, ils constatent avec un sentiment de grande injustice que tous les tribunaux de grande instance ne se prononcent pas dans le même sens relativement au droit à l’adoption plénière d’un enfant d’origine haïtienne. Les décisions de justice varient en effet, comme il l’a été constaté, selon les tribunaux, qui acceptent ici de convertir une adoption simple en adoption plénière là où, dans une autre juridiction, un tribunal le refuse, créant des différences de traitement insupportables entre des enfants qui ont des dossiers identiques. Elle lui demande si cette différence de jurisprudence ne réside pas d’un manque de clarté de la réglementation qui pourrait être pallié.

Réponse de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice :

En effet, seule l’adoption simple est possible en droit haïtien, l’État français étant tenu par ses engagements internationaux à respecter la loi personnelle de l’enfant. Cependant, un jugement prononçant une telle adoption peut être converti par les juridictions françaises, conformément aux dispositions de l’article 370-5 du code civil, en adoption plénière de droit français, lorsque le consentement des parents de naissance ou du représentant légal a été donné de manière libre et éclairée et en pleine connaissance de cause quant à la rupture complète et irrévocable du lien de filiation préexistant. Toutefois, conformément au droit international public, ce consentement doit être légalisé, Haïti n’étant lié ni par la convention de La Haye relative à l’apostille du 5 octobre 1961, ni par une convention bilatérale avec la France dispensant les actes publics de cette formalité. Or, depuis la fin de l’année 2009, le commissaire du gouvernement haïtien a enjoint les autorités de ne plus recevoir de consentements à l’adoption plénière et le cas échéant, à refuser de légaliser de tels consentements, au motif que cette forme d’adoption est contraire au droit haïtien. À cet égard, par un arrêt du 4 juin 2009, la Cour de cassation a précisé que le non-respect de l’exigence de légalisation suffit à refuser de reconnaître en France tout effet à un acte étranger, étant précisé que cette exigence doit être pareillement observée pour un consentement donné par acte authentique. La Cour de cassation a rappelé cette position dans l’avis qu’elle a rendu le 4 avril 2011 ainsi que dans l’arrêt du 23 avril 2012 concernant l’absence de législation des actes de consentement à l’adoption établis en Haïti. C’est pourquoi, lorsque ces conditions ne sont pas remplies, les juridictions rejettent en principe les demandes de conversion. L’ensemble de ces exigences légales a d’ailleurs été rappelé aux procureurs généraux dans le cadre d’une dépêche du 22 décembre 2010, afin que les procureurs de la République prennent des réquisitions adaptées et, le cas échéant, qu’ils interjettent appel des décisions qui ne seraient pas conformes à ces principes, dans un souci d’uniformisation de la jurisprudence sur l’ensemble du territoire. Les relations de confiance existant entre l’État Haïtien et la France, qui ont permis l’arrivée en urgence d’enfants haïtiens en décembre 2010, puis d’engager une reprise de l’adoption internationale en Haïti de manière sécurisée et encadrée, la ratification par Haïti, le 11 juin 2012, de la Convention de La Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale, ainsi que le projet de loi créant l’adoption plénière actuellement soumis au vote du Parlement haïtien sont autant d’éléments pouvant permettre une évolution de la situation des familles adoptantes. Pour autant, il est important de rappeler que l’adoption simple permet l’intégration de l’enfant dans sa famille. Les parents, pleinement investis de toutes les prérogatives à l’égard de leur enfant, peuvent notamment lui donner leur nom ou souscrire pour son compte une déclaration de nationalité française.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*