LISTE DES ARTICLES

PREMIERES JOURNEES MONDIALES DE L'AEFE

Français du Monde-ADFE a été très présent aux premières journées mondiales de l'AEFE, organisées à l'occasion de son 20ème anniversaire. Monique Cerisier ben Guiga, Présidente, Michèle Bloch, trésorière et chargée de l'enseignement au bureau national, Christian Boloch, Vice-président, Mona Muraccioli ont participé aux plénières et aux tables rondes tout en contribuant à l'accueil du public avec nos permanentes à notre stand. Nous avons retrouvé beaucoup d'adhérents actuels et d'anciens membres de notre association et pris des contacts avec les associations amies, et les syndicats d'enseignants, tous présents dans les stands voisins.

C'était un anniversaire, ce rite au cours duquel on se congratule sur les bons moments des années écoulées et où l'on refoule les craintes relatives à l'avenir. Le plaisir des retrouvailles aidant, il n'a pas été trop difficile à ce public de responsables d'écoles, d'associations de parents d'élèves, de personnels du siège et d'enseignants du réseau de s'y plier.

Les réalités désagréables, en particulier la pénurie de moyens face aux charges nouvelles et la mauvaise allocation de ces moyens qui résulte de la mesure de prise en charge (PEC), ont toutefois été rappelées avec vigueur, dès l'ouverture, par M. Yves Aubin de la Messuzière, Président de la Mission Laïque, les syndicats d'enseignants - qui ont obtenu d'être reçu par le ministre des Affaires Étrangères - par M. François Denis, président de la FAPEE, par Michèle Bloch et Monique Cerisier ben Guigalors des tables rondes et ateliers.

Bilan de 20 ans de l'AEFE

Le bilan des vingt années d'existence de l'Agence a été dressé par Mme Descôtes, Directrice en exercice, en présence de tous ses prédécesseurs, et par M. Christian Masset, Président du conseil d'administration.

L'action de l'agence a permis de soutenir le développement du réseau : construction de locaux scolaires, recrutement de personnels qualifiés (silence pudique sur la baisse du nombre d'enseignants expatriés, la situation des recrutés locaux et des résidents et leur coût pour les familles) pour faire face à l'accroissement du nombre d'élèves, passé de 118 000 en 1990 à 175 000 en 2010.

A partir de 2000, dans le but de renforcer l'homogénéité du réseau tout en respectant les spécificités des milieux et des écoles, l'agence a développé une fonction de pilotage : 20 inspecteurs de l'Education nationale en résidence encadrent le primaire, 7 inspecteurs du secondaire soutiennent, discipline par discipline, les évolutions pédagogiques nécessaires.

En 2005 l'Agence a reçu la compétence immobilière sur les établissements en gestion directe (sans recevoir les dotations financières qui auraient dû l'accompagner). Elle a piloté 40 projets immobiliers en cinq ans grâce à l'appui d’un service spécialisé.

Depuis plusieurs années l'Agence appuie résolument l'ouverture des écoles aux pays d'accueil, ce qui passe par une adaptation des programmes et le plurilinguisme : Français, langue du pays d'accueil et Anglais dès le primaire et la maternelle si possible (silence sur les difficultés liées au manque de formation linguistique et pédagogique spécialisée de trop nombreux enseignants que relève Mona Muraccioli).

Actuellement l'Agence établit des ponts entre les établissements et l'enseignement supérieur (Mexico et l'université du Maine, par exemple). Elle a soutenu pendant toute l'année 2009-2010 la création de l'association mondiale des anciens élèves du réseau, réalisée le samedi 10 avril et présentée par ses responsables nouvellement élus à toute l'assistance.

L'agence veille à remplir sa double mission auprès des élèves français d'un part et des élèves étrangers de l'autre. L'aide à la scolarité destinée aux Français est passée de 14M d'euros en 1990 pour 14 000 bénéficiaires à 105 M d'euros en 2010 pour 29 000 bénéficiaires ( silence sur la part du lion donnée sans condition aux élèves français des classes de lycée, accompagnée d'un durcissent des conditions d'attribution des bourses sur critères sociaux pour tous les autres).

Enfin, les crises auxquelles le réseau a été confronté ont été évoquées, en particulier celle d'Haïti surmontée grâce à son action et à la solidarité des écoles qui ont accueilli du jour au lendemain plusieurs centaines d'enfants pendant que les dispositions étaient prises pour reprendre les cours au plus tôt à Port au Prince.

Perspectives d'avenir

Christian Masset a présenté les perspectives d'avenir qu'il a placées sous le signe des mots qui reviennent le plus dans le discours des participants aux conseils d'administration :

  • « service public » qui fonde notre identité, associé aux valeurs de laïcité, d'ouverture, d'engagement citoyen ;
  • « excellence pédagogique » qui fonde le partenariat avec le ministère de l'Education nationale, la Mission Laïque, le CNED, le CIEP et qui repose sur l'excellence des enseignants auxquels un hommage appuyé est adressé ;
  • « monde »: l'AEFE est un réseau mondial ouvert, nos élèves sont des citoyens du monde, les écoles sont un passeport pour le monde ;
  • « attractivité » 15 000 élèves supplémentaires dans les trois dernières années ;
  • « équilibre » entre les deux missions ;
  • « familles » le réseau n'existerait pas sans les parents qui sont à l'origine de nombreux établissements ;
  • « moyens »: même si l'État a toujours soutenu ce réseau, un grand rattrapage est nécessaire sur l'immobilier ;
  • « innovation » ;
  • « réseau », le mot du XXIème siècle, réseau des écoles, des partenariats, des acteurs actuels et des anciens élèves...

Le nouveau départ de 2010 sera formalisé dans trois documents :

  1. Le plan d'orientation stratégique, préparé lors du séminaire de Marcoussis et qui sera présenté au prochain conseil d'administration ;
  2. Le contrat d'objectifs et de moyens qui sera passé avec le ministère des finances ;
  3. Le plan de développement que le ministre des Affaires Étrangères présentera en conseil des ministres en juin prochain.

L'intervention du ministre des Affaires étrangères

 

Le ministre des Affaires étrangères a fait référence aux trois missions de l'AEFE : à la scolarisation des élèves français et étrangers, il a ajouté la coopération éducative.

Le système scolaire français à l'étranger doit rester attractif et aller à la conquête des pays émergents. Il doit valoriser la langue et la culture des pays d'accueil. Le ministre a voulu répondre à l'inquiétude des familles sur l'augmentation des frais de scolarité et a reconnu que la PEC crée de nouvelles contraintes budgétaires et un risque d'éviction des élèves étrangers, dérive à combattre. Il a aussi fait état des difficultés que subissent les enseignants en matière de statuts, de conditions de travail et de rémunération.

Pour l'avenir, Bernard Kouchner affirme qu'il y a un consensus sur la politique scolaire des vingt prochaines années (Cette affirmation a laissé nombre de participants, à commencer par nous, dubitatifs). Il s'interroge sur les moyens que l'État y consacrera et annonce qu'on statuera sur la PEC. Il veut faire établir une cartographie des implantations et fait état du futur plan de développement. Il aborde les thèmes de la qualité de l’enseignement, de la mixité des publics, de l'ouverture culturelle, de la déconcentration et de la gestion paritaire des écoles. Il souhaite plus de coopération entre école française et écoles du pays d'accueil. Il annonce la création du label « France éducation » destiné à des sections bilingues dans des écoles étrangères et l'augmentation du nombre de bourses d'enseignement supérieur pour les élèves issus du réseau.

Les ombres du tableau

  • L'immobilier

Les bonnes et mauvaises nouvelles ont été clairement exposées lors de la table ronde « Rénover et construire les établissements».

Depuis 2005, l'AEFE est responsable de l'entretien et de l'agrandissement de 15 établissements en gestion directe qui sont des propriétés de l'Etat. C'est une lourde tâche, qui n'a été accompagnée d'aucune dotation budgétaire. Un service y est consacré au siège. Il doit faire face à des difficultés telles que la maitrise du foncier, très difficile dans de nombreux pays (Turquie, Chine, Vietnam par exemple), tenir compte de l'environnement juridique et réglementaire local, suivre les travaux de prestataires locaux sur des chantiers très éloignés. Autant dire que le rôle des proviseurs-constructeurs est crucial. La projection de photos de tous les établissements réalisés sur 5 ans suscitait l'admiration : nous nous éloignons des écoles croulantes et des baraquements hors d'âge qui ont accueilli les générations passées. Mais quel effort pour l'Agence et pour les familles en l'absence d'engagement de l'État.

Le témoignage de Madame le proviseur du Lycée d'Ankara était sans ambiguïté : les projets et l'entrée dans les nouveaux locaux ne peuvent déclencher un élan de renouveau pédagogique que si les enseignants, les parents, les élèves y ont été impliqués en amont. Mais il n'y a pas d'illusion à se faire : il n'y a pas de projet de construction sans effort financier des familles. Elles doivent être informées de l'augmentation des frais de scolarité qui en résulte, connaître, dès l'inscription d'un enfant la part de charge supplémentaire ainsi générée sur la durée de sa scolarisation.

La très mauvaise nouvelle concerne les conséquences, pour les établissements en gestion directe, de la réforme de la gestion des domaines de l'Etat décidée par le gouvernement. D'ici la fin de 2010, l'entretien de 91 sites scolaires, soit plus de 400 000 m2, propriétés de l'État, va être transféré à l'Agence sous forme de conventions. C'est un héritage empoisonné : il faudra remettre en état des bâtiments dégradés faute d'entretien ...et payer des loyers ! La mobilisation générale s'imposera pour que l'Agence obtienne la contrepartie de ces nouvelles charges financières dès le budget 2011. Mais tout va aller très vite : actuellement on procède à l'état des lieux ; les choix stratégiques et la rédaction du schéma pluriannuel de stratégie immobilière devront être réalisés à la fin de cette année scolaire.

  • La situation des enseignants

Les syndicats d'enseignants étaient présents dans les stands et ils ont obtenu d'être reçus par le ministre. Nous partageons leurs inquiétudes et leur révolte face à la stagnation des indemnités spéciales de vie locale, souvent sans rapport avec le coût de la vie (Kinshasa, Montevideo par exemple). Le fait qu’ils soient privés de bourses scolaires pour leurs enfants par le nouveau système de calcul mis en place est inacceptable et nous soutenons leur action.

Le vent chaud de l'avenir

Il a soufflé avec la venue des anciens élèves du réseau enfin constitués en association mondiale. Leur force pèsera très lourd pour le soutien aux écoles existantes et les créations futures. Leur poids politique complètera utilement celui des parents d'élèves, des enseignants, des associations de Français à l'étranger, des élus à AFE et des parlementaires : l'avenir de la France se joue dans le monde et pas sur les bords de la Seine. Avec eux, décidés à défendre un enseignement français à l'étranger laïc, républicain, l'assistance a senti que le passage de relai avait lieu et que l'histoire du réseau de l'AEFE continuerait à s'écrire au XXIème siècle.

Une célébration digne des Français de l'étranger

Comment rendre compte de toutes les interventions : celle d'Edgard Morin qui rappelait que la force du système éducatif français, résidait dans l'alliance des humanités et de la culture scientifique, que la littérature est une école de vie humaine, que la « culture de la problématisation » initiées par Montaigne perpétuée par Montesquieu, Voltaire était notre richesse. Celle de Marie-Christine Saragosse, Directrice de TV5 Monde, qui a défini les écoles françaises à l'étranger comme des « lieux de fabrication de l'universel » au même titre que la chaîne de télévision qu'elle dirige. Il faut des « îlots de résistance » à la marchandisation, des lieux où se pratique, selon les mots de Senghor « le donner et le recevoir ».

Il y a un temps pour la revendication, un temps pour la célébration. Toutes les sociétés humaines ont besoin de cette alternance. Les difficultés passées et à venir de tous les acteurs de la communauté éducative française à l'étranger étaient présentes à Paris les 10 et 11 avril, même si leur expression a été rare. Mais nous avons ressenti une joie profonde à célébrer en commun 20 ans de progrès et l'approfondissent des valeurs de service public et de laïcité au nom desquelles nous avions défendu, contre une droite à l'époque hostile, la création de cette agence.



Publié le 19 avril 2010