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Débat préalable au Conseil européen – mon intervention sur l’exception culturelle

Je suis intervenue, mercredi, dans le débat préalable au Conseil européen des 27 et 28 juin. J’y ai évoqué l’exception culturelle que la France est parvenue à sauver de l’accord de libre-échange entre l’Europe et les Etats-Unis, avant d’interroger le ministre sur la défense, plus générale, de notre modèle, notamment social et environnemental, européen.

Vous pouvez lire mon intervention ci-dessous, suivie de la réponse du ministre délégué aux Affaires européennes:

Mme Claudine Lepage. « Une victoire pour la France ! », s’est exclamée sur son compte Twitter la ministre de la culture, Aurélie Filipetti.

En effet, notre pays, par la voix de sa ministre du commerce extérieur, Nicole Bricq, a remporté, après treize heures de négociation, son bras de fer européen sur l’exception culturelle : les vingt-sept ministres du commerce européens ont exclu le cinéma, la télévision, l’internet et des contenus numériques du mandat de la négociation commerciale avec les États-Unis.

Je salue, à cet égard, la détermination du Gouvernement, soutenu par nombre d’artistes, puisqu’il n’a pas hésité à brandir la menace d’un véto de la France.

Non, nous ne sommes pas les seuls en Europe, quoi qu’en dise M. Barroso, à combattre le « tout marchand » et la mondialisation à outrance. Aujourd’hui encore, ce sont quatorze pays européens, mais aussi la très large majorité des députés européens, qui se battent pour la défense de la diversité culturelle.

La France a donc tout simplement convaincu une majorité de ses partenaires. Ces derniers auraient-ils tous une vision « réactionnaire » ? Bien sûr que non ! En revanche, les propos consternants du président de la Commission, en dénigrant cet accord, témoignent, d’une part, de son profond mépris pour les pays qui lui ont confié son mandat et leur population et, d’autre part, s’il en était besoin, de son ultralibéralisme.

Le commissaire au commerce, M. Karel De Gucht, est sur la même ligne. Il s’est même vanté que l’audiovisuel pourrait être ajouté « plus tard » dans le mandat de négociation, et qu’il discuterait donc bien de cette question avec les États-Unis.

Je félicite encore le Gouvernement pour sa détermination, et je ne doute pas que la France maintiendra sa position sur cette question qui, comme le rappelait le Premier ministre, est « notre identité, notre combat ».

Toutefois, sans vouloir bouder notre plaisir, nous savons tous que ce futur accord de libre-échange peut aussi laisser craindre une harmonisation par le bas de la réglementation, notamment sociale ou environnementale. Monsieur le ministre, la France saura-t-elle et pourra-t-elle défendre avec la même détermination notre modèle européen, face à un modèle américain que nous savons, ô combien, moins protecteur ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thierry Repentin, ministre délégué. La France s’est toujours exprimée en faveur du principe d’un accord de libre-échange entre les États-Unis et l’Europe, sur la base de la réciprocité, pour autant que les gains pour l’Europe et la France soient réels. Nous attendons, globalement, des bénéfices nets de ce long processus de négociation, qui prendra sans doute deux ou trois ans.

Vendredi dernier, vous l’avez dit, la Commission est enfin parvenue à un accord portant sur le mandat de négociation.

Cet accord exclut de manière explicite les services audiovisuels. Seule cette exclusion, réclamée sans cesse par la France au cours des derniers mois, peut assurer une préservation efficace de notre exception culturelle.

Nous avons tenu bon ! Ce faisant, nous avons répondu à l’appel du Sénat, qui avait voté une résolution sur ce point, à laquelle Simon Sutour a fait référence. Je dois aussi préciser que la France a bénéficié d’un très fort soutien du Parlement européen.

Si l’on en croit les propos qui lui sont prêtés, le président de la Commission européenne aurait qualifié de « réactionnaires » les partisans d’une exclusion des services audiovisuels. Laissez-moi rire !

Préserver la richesse culturelle de notre continent dans un monde divers, ce n’est pas réactionnaire, c’est au contraire aller dans le sens du progrès et de l’ouverture. L’ultralibéralisme et la recherche d’une ouverture aveugle aboutissent au recul de la culture : voilà qui est réellement réactionnaire.

S’agissant d’autres choix de société, tels que la sécurité alimentaire, nous avons aussi remporté une victoire. Nous veillerons à empêcher des reculs dans ces domaines à l’avenir.

J’ajoute que cet accord devra être signé et ratifié par tous les États membres. Dans ces conditions, nous ne doutons pas que la Commission aura à cœur, lors de la négociation, de respecter notre demande, exprimée avec netteté et détermination.

En tout état de cause, même si la Commission est notre négociateur, avec le mandat que nous lui avons confié, nous surveillerons l’avancement des travaux au sein du Comité de politique commerciale. Nous y reviendrons in fine dans deux ou trois ans, une fois les négociations achevées, lors de la ratification – État par État, mais aussi par le Parlement européen – de cet accord.

Nous aurons donc dans l’avenir les moyens de vérifier que nos demandes seront respectées au pied de la lettre, que cela plaise ou non à certaines personnes qui se sont exprimées dans la presse.

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