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Prostitution: un rapport adopté et un parfum d’inachevé

1506355_3_9f19_une-prostituee-attend-les-clients-le-19Ce mardi après-midi, après un débat de plus de 3 heures et demi, la commission spéciale composée de 37 membres issus des sept commissions permanentes, chargée d’examiner la proposition de loi n° 207 (2013-2014), adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture, renforçant la lutte contre le système prostitutionnel a adopté le rapport de Michelle Meunier.

J’ai voté contre ce rapport, comme 5 de mes collègues, 5 autres s’étant abstenus, et 17 ayant voté pour. En effet,  j’estime que l’adoption d’un amendement supprimant l’article qui crée une infraction de recours à la prostitution (contravention de 5ème classe), assortie d’une peine complémentaire de sensibilisation à la lutte contre l’achat d’actes sexuels, enlève toute cohérence à la proposition de loi.

Le texte adopté par l’Assemblée nationale s’inscrit dans un ensemble cohérent, constitué de quatre piliers:

–  Le renforcement des moyens de lutte contre le proxénétisme et la traite des êtres humains aux fins d’exploitation sexuelle.
–  La suppression du délit de racolage passif et la proposition aux personnes prostituées d’ un parcours de sortie de la prostitution, leur ouvrant notamment droit à une autorisation provisoire de séjour de 6 mois permettant de travailler si elles sont étrangères (comme aujourd’hui 90% des prostituées en France), à  la perception de l’allocation temporaire d’attente et le bénéfice d’une remise partielle ou totale d’impôts directs.
– L’éducation à la sexualité et  la prévention de la prostitution auprès des jeunes.
– La responsabilisation des clients par le paiement d’une contravention et un stage de sensibilisation à la lutte contre l’achat d’actes sexuels.

Il me semble que cette dernière disposition, supprimée par la commission,  constituait un outil efficace à plusieurs égards. D’abord, elle permettait de mettre en cohérence notre droit avec notre conception de la prostitution. En effet, la France a ratifié les traités internationaux reconnaissant que la prostitution est une violence et qu’elle est incompatible avec la dignité humaine et la France a aussi transposé il y a juste un an, la directive européenne qui préconise le  découragement de la demande par la création d’une infraction pénale.

Par ailleurs, cette pénalisation des clients constituait, assurément un moyen indispensable de lutte contre les réseaux de proxénétisme. Comment imaginer, en effet, démanteler de façon efficace ces réseaux, c’est à dire sans que d’autres ne se reconstituent encore et encore,  si on n’agit pas sur la demande de ce commerce mafieux? Les réseaux de traite ne recherchent pas le crime pour le crime, mais bien le crime pour l’argent. Il s’agit donc de s’en prendre à leurs bénéfices!

En outre, la responsabilisation des clients permet un réel changement des représentations et des comportements en leur permettant une prise de conscience: l’achat d’actes sexuels n’est pas un acte anodin,  mais participe à l’exploitation et à la traite d’êtres humains et enrichit des réseaux mafieux.

Je salue le travail de notre rapporteure Michelle Meunier qui a permis l’amélioration de plusieurs dispositions du texte dans ces trois premiers piliers et je ne doute pas que, soutenue par le gouvernement, notre Haute assemblée saura rétablir la cohérence de l’ensemble du dispositif avec la ré-introduction du quatrième pilier que constitue la responsabilisation du client. Pour se faire, il importe aujourd’hui qu’intervienne une inscription rapide de cette proposition de loi à l’ordre du jour du Sénat.

 

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