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Contribution thématique au Congrès de Poitiers 2015 – La prostitution est une violence. Abolissons-la !

pptJe suis signataire de cette contribution initiée par la députée de l’Essonne, Maud Olivier.
Je vous invite à la signer à votre tour (en écrivant à molivier@assemblee-nationale.fr avant ce 6/02 17h).

« La misère offre, la société accepte. » C’est avec ces mots que Victor Hugo parlait déjà de la prostitution dans les Misérables. Aujourd’hui, nous constatons que la prostitution est toujours le résultat de la misère et un univers de violence. La tolérance à ce qu’on puisse disposer du corps d’êtres humains, femmes, hommes, enfants, n’est pas compatible avec la dignité humaine, et avec l’égalité entre les femmes et les hommes. Nous connaissons les solutions. Elles passent par l’abolition. Le Parti socialiste est humaniste, féministe, il est donc abolitionniste.


1- La prostitution est une violence

85% des personnes prostituées victimes du proxénétisme et de la traite

En France, 20 à 40.000 personnes sont prostituées, dont 4 à 6.000 mineur-e-s. 85% d’entre elles, sous la coupe de réseaux de proxénétisme et de traite des êtres humains. Toutes dans une grande précarité financière, sociale et sanitaire.

La prostitution est le résultat d’une triple domination :

– celle des hommes sur les femmes : si 85% des personnes prostituées sont des femmes, 99% des clients sont des hommes.

– celle des riches sur les pauvres : en payant pour obtenir un acte sexuel, le client impose sa volonté au mépris de l’autre et de son désir.

– celle des pays du Nord sur les pays du Sud ou de l’Est : 90% des personnes prostituées sont étrangères. Elles sont « importées », de gré ou de force, pour satisfaire de dits « besoins sexuels » et des intérêts financiers gigantesques.

L’une des criminalités les plus rémunératrices

Le proxénétisme et la traite des êtres humains comptent parmi les trois criminalités les plus rémunératrices au monde, avec les ventes d’armes et de drogue. Une personne prostituée rapporte en moyenne 150.000€ par an au proxénète. Considérer que la demande d’actes sexuels rémunérés n’est pas l’une des causes de ce marché de femmes, d’hommes et d’enfants, c’est se voiler la face. Ne pas responsabiliser ceux qui financent indirectement cette criminalité, c’est laisser notre société dans un archaïsme hérité d’une tolérance aux agressions sexuelles (droit de cuissage, viol dont viol conjugal, harcèlement sexuel).

La prostitution, une violence en soi

Nous avons inscrit dans notre code pénal l’interdiction de violer, de frapper, de harceler. La lutte contre les violences faites aux femmes fait, au moins en principe, consensus. Alors comment ignorer la première des violences : celle de mettre à sa disposition sexuelle femmes, hommes et enfants contre de l’argent ? Tant que les hommes pourront acheter, louer ou vendre le corps d’autrui, l’égalité ne sera pas possible. En plaçant le corps humain dans le champs du marché, la prostitution porte atteinte au principe fondamental de respect de la dignité de la personne et de son intégrité physique et psychique.

La prostitution est une violence en soi. Les rapports sexuels non désirés ont un impact sur la santé physique et psychique des personnes prostituées. La prostitution est également un univers dominé par la violence : celle des clients, celle des réseaux mafieux qui la contrôlent.

2- Bilan en Europe

Les politiques abolitionnistes ont fait leurs preuves en Suède et de plus en plus de pays ont choisi cette voie (le Canada, la Norvège et l’Islande ont adopté cette législation ; l’Irlande, l’Angleterre et la Finlande s’ont engagé dans cette voie). Le 26 février 2014, le Parlement européen a adopté un rapport exhortant les Etats européens à suivre ce modèle pour combattre la prostitution.

Dans le modèle abolitionniste, la prostitution est considérée comme une violence infligée aux femmes et seule sa disparition est de nature à garantir l’égalité entre les sexes. Si le proxénétisme, quelle qu’en soit la forme, est bien évidemment interdit, la vente et la proposition de services sexuels ne sont pas illégales, les personnes prostituées étant considérées comme des personnes à protéger et non pas comme des auteures d’infractions.

Selon l’évaluation du ministère de la justice suédois, le nombre de personnes prostituées serait passé de 2 500 en 1999 à 1 500 en 2002. La prostitution de rue aurait même été divisée par deux en dix ans. La proposition d’actes sexuels sur Internet a augmenté, mais dans une proportion moindre que dans les pays voisins n’ayant pas choisi cette voie.

Au contraire, les pays qui ont choisi d’organiser, de réglementer la prostitution, reviennent en arrière. En Allemagne, on compte 400.000 personnes prostituées. 10 à 20 fois plus qu’en France. Avec des pratiques qui ont complètement dépassé les autorités qui ont légalisé le proxénétisme il y a 16 ans. En effet, le trafic des êtres humains ne disparaît pas dans les pays réglementaristes. Pire, les réseaux cherchent à y rendre leur activité la plus concurrentielle possible et exploitent à cette fin un nombre croissant de personnes jeunes, voire mineures.

3- La France, un pays abolitionniste…en théorie.

La France se considère comme un pays abolitionniste, depuis la fin de la seconde guerre mondiale. L’abolitionnisme vise à mettre un terme à tout ce qui encourage la prostitution en vue de lutter contre cette exploitation sexuelle et de protéger ses victimes.

Nos politiques publiques en matière de prostitution, découlent de cette position, esquissée en 1946 et officiellement adoptée en 1960 par la ratification de la convention internationale des Nations unies (pour la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui du 2 décembre 1949), qui affirme : « La prostitution et le mal qui l’accompagne, à savoir la traite des êtres humains en vue de la prostitution, sont incompatibles avec la dignité et la valeur de la personne humaine et mettent en danger le bien-être de l’individu, de la famille et de la communauté. »

La prostitution est une activité que notre pays qualifie donc de violence. Dans la réalité, c’est effectivement majoritairement de l’exploitation sexuelle, des violences psychiques, physiques, une stigmatisation de la société, des risques addictologiques, un risque de mort précoce…

Cette position a été réaffirmée en 2011 par l’adoption à l’unanimité des groupes de l’Assemblée nationale d’une résolution réaffirmant la position abolitionniste de la France. Cette résolution marquait également les manques de nos politiques publiques en la matière : la prévention, l’éducation, le volet d’accompagnement social des victimes et la responsabilisation des clients.

La France ne se donne en effet pas les moyens de ses ambitions : lutter contre le proxénétisme et permettre à celles et ceux qui veulent sortir de la prostitution de le faire. Les personnes prostituées sont toujours pénalisées, sous le coup d’un délit de racolage (passible de 3750 euros d’amende et deux mois de prison). Et il n’existe pas, en dehors de programmes associatifs, de dispositifs d’insertion des personnes prostituées.

4- Abolissons la prostitution !

Comme la Suède, le Canada, l’Islande, la Norvège, donnons-nous les moyens de construire la société de demain avec, au cœur de celle-ci, la liberté et l’égalité. Cela passe par quatre piliers indissociables :

• Renforçons la lutte contre le proxénétisme et la traite, en France et en Europe : luttons plus efficacement contre les réseaux mondialisés de traite des êtres humains

• Dépénalisons les personnes prostituées et accompagnons celles qui le souhaitent à sortir de la prostitution : renforçons les droits des victimes

• Agissons auprès de l’ensemble de la société et de nos jeunes pour expliquer ce qu’est la prostitution, le respect de l’autre et de son désir

• Responsabilisons les clients en interdisant l’achat d’actes sexuels : faisons prendre conscience aux clients qu’ils sont les complices d’un véritable esclavage et des réseaux mafieux

Quels sont les enjeux :

Gêner les réseaux de proxénétisme et de traite

Force est de constater que la lutte contre le proxénétisme ne passe pas que par notre arsenal législatif et les moyens qui lui sont alloués. Les enquêtes sont longues, les réseaux souvent récupérés par d’autres têtes lorsque l’une tombe. Mais les réseaux proxénètes évitent les pays aux législations défavorables à leur « commerce ». Il faut les gêner au quotidien dans leur activité. Et l’interdiction de l’achat d’acte sexuel est un bon outil.

Donner des perspectives crédibles d’insertion aux personnes prostituées

Le volet social a manqué depuis trop longtemps à nos politiques publiques concernant la prostitution. Et réduire la demande de prostitution va mécaniquement réduire les ressources des personnes prostituées. Nous devons les accompagner dans cette évolution. Plus de 90% des personnes prostituées souhaitent sortir de la prostitution si elles le peuvent.

Réduire la prostitution en décourageant la demande

Réduire le nombre de personnes qui se voient contraintes à se prostituer, soit par pression d’un réseau, soit par nécessité pour survivre, est un objectif humaniste, féministe, social.

Faire évoluer notre société vers toujours moins de violences faites aux femmes

La valeur normative de la loi fera évoluer les représentations et les comportements.

L’interdiction de l’achat d’un acte sexuel permet de mettre en cohérence notre droit avec la conception française de la prostitution. Depuis 2002, le recours à la prostitution de mineur-e ou de personne vulnérable est déjà un délit. Sanctionner l’acte de recours à la prostitution, c’est se placer dans la continuité des législations ayant criminalisé le viol et fait du harcèlement sexuel une infraction correctionnelle : l’objectif est toujours de soustraire la sexualité à la violence et à la domination masculine.

L’interdiction de l’achat d’un acte sexuel est à ce jour la mesure la plus efficace pour réduire la prostitution et dissuader les réseaux de traite et de proxénétisme de s’implanter sur les territoires. Elle permet également de faire évoluer les représentations et les comportements.

L’interdiction de l’achat d’un acte sexuel est enfin la solution la plus protectrice pour les personnes qui resteront dans la prostitution : en inversant le rapport de force à l’œuvre avec les clients, l’interdiction de l’achat permettra aux personnes prostituées de dénoncer les violences ou risques sanitaires qu’ils peuvent leur imposer.

Le Parti socialiste est abolitionniste. Parce que c’est un combat féministe, éthique et humaniste. Pas moralisateur.

Faisons progresser notre pays, et au-delà l’Union européenne, vers plus d’égalité : abolissons la prostitution !

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