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Le mépris

NS« Nous allons aborder l’important débat sur la nouvelle télévision publique, réforme historique a dit le président de la République. Historique, on verra. Hystérique, on a déjà vu. » C’est en ces termes choisis que Jack Ralite, sénateur communiste de la Seine-Saint-Denis, a débuté son intervention alors que la gauche s’apprêtait à quitter l’hémicycle pour signifier à Christine Albanel, ministre de la Culture, son indignation et sa colère.

Nous étions le 7 janvier et l’avant veille, le 5 donc, était mise en application la suppression de la publicité sur les chaînes publiques à partir de 20h35. La représentation nationale était privée de débat contradictoire sur une des principales mesures de la loi sur l’audiovisuel. Si les groupes socialiste et communiste ont boycotté la présentation du projet de loi par Christine Albanel, c’est avant tout, comme l’a dénoncé Jean-Pierre Bel, président du groupe socialiste, parce qu’une telle pratique constitue « une atteinte aux droits fondamentaux du législateur ». Sans compter le mépris dont le pouvoir fait montre à l’égard des parlementaires, y compris des siens : le Sénat ? On s’en passera désormais ! Le silence des sénateurs de la majorité a été, pour la plupart d’entre eux, assourdissant, leur réaction ne dépassant guère « l’indignation timorée ».

Finalement, plus c’est énorme et mieux ça passe. Double langage, dissonance entre le discours et la méthode, Nicolas Sarkozy ne se refuse rien. Cet été il présente sa réforme constitutionnelle comme un renforcement des droits du Parlement, quelques mois après il s’essuie tranquillement les pieds sur le Sénat en demandant – humiliation absolue – à Patrick de Carolis, patron de France Télévisions, de faire voter par son conseil d’administration la mise en œuvre de la suppression de la publicité sur les chaînes publiques dès le 5 janvier, c’est-à-dire avant que le Sénat soit saisi du texte … Ainsi, pour la première fois dans l’histoire de la Ve République, une loi va être appliquée avant même d’avoir été votée par les deux Chambres.

Mépris et humiliation, voilà bien la méthode Sarkozy : si le discours peut sembler parfois en prise avec une certaine réalité ou avec l’actualité (la fameuse politique compassionnelle), la méthode le contredit aussitôt. Sacrée, la pensée présidentielle ne souffre aucun débat et, si elle ne vote pas correctement, la représentation nationale sera contournée.

Soyons vigilants car c’est le fondement même de la démocratie qui est en cause. C’est pour cela que le groupe socialiste du Sénat a déposé plus de 140 amendements de fond concernant la loi sur l’audiovisuel : nous sommes déterminés à combattre ce projet de loi inique, avec l’espoir de faire réagir l’ensemble des sénateurs attachés aux principes républicains, d’introduire en quelque sorte un grain de sable dans les rouages du gouvernement, comme pour les tests ADN.

Et par principe, il faut nous battre contre ce fait du prince, pour ne pas être « les élus hallucinés et orphelins de légitimité » dont parlait Jack Ralite à la fin de son intervention.

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