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Ces sénateurs PS opposés à la déchéance de nationalité (Public Sénat)

Le groupe PS du Sénat compte aussi ses opposants à la déchéance de nationalité. La résistance s’élargit au-delà des frondeurs. Les opposants représenteraient environ un tiers du groupe. Ils comptent bien se faire entendre lors du débat par un amendement de suppression.

La révision constitutionnelle arrive au Sénat. Si le groupe PS s’est profondément divisé à l’Assemblée nationale sur la question de la déchéance de nationalité pour les terroristes, au Sénat, on compte aussi un certain nombre de socialistes pour qui la mesure ne passe pas.

« Nous sommes environ une quarantaine de sénateurs socialistes (sur 109, ndlr) à ne pas être d’accord avec l’inscription de la déchéance de nationalité dans la Constitution » affirme la sénatrice PS Marie-Noëlle Lienemann, membre de l’aile gauche (voir en second dans la vidéo). Soit environ 35% des sénateurs PS. Un calcul qui correspond à l’estimation formulée en janvier par le président du groupe, Didier Guillaume. « Une très large majorité du groupe votera le texte sur les binationaux. De l’ordre de 70% » affirmait le sénateur de la Drôme (voir notre article).

L’opposition touche cette fois un cercle plus  large que les habituels frondeurs, peu nombreux au Sénat. C’est le cas de Claudine Lepage, sénatrice PS représentant les Français établis hors de France. « Je suis opposée à l’article 2 (sur la déchéance, ndlr), tant dans sa version originelle portée par l’exécutif que celle sortie de l’Assemblée. Je n’ai pas l’intention de voter cet article » explique-t-elle à publicsenat.fr. « Je ne fais pas partie des frondeurs, je soutiens le gouvernement. Mais c’est une question de conviction. Et vu l’électorat que je représente, j’ai 40% de binationaux. Ils se sentent frappés par le symbole et stigmatisés » ajoute-t-elle.

« On n’a pas à me faire voter ce que je ne veux pas voter »

Le groupe devrait arrêter une position la semaine prochaine, à la veille du débat en séance qui commence le 16. Mardi, en réunion, les socialistes ont cependant déjà décidé de s’opposer au texte tel qu’il sera modifié par la majorité sénatoriale de droite (voir notre article sur le sujet). Mais après 13 heures, quand plusieurs sénateurs étaient déjà partis, il aurait été demandé aux sénateurs de ne pas déposer d’amendements à titre individuel. « Je n’apprécie pas du tout la manière dont ça s’est passé. Vouloir nous forcer à nous lier les mains sur un sujet aussi grave, je trouve ça pas bien. On n’a pas à me faire voter ce que je ne veux pas voter » affirme Claudine Lepage, qui « pense que les sénateurs ne se sentent pas liés par ce qui a été dit » en fin de réunion.

Un amendement de suppression de l’article 2 devrait être malgré tout déposé. « Je le signerai, avec Jean-Yves Leconte, Richard Young, Bariza Khiari » affirme Claudine Lepage. « Je vais m’exprimer pour la suppression de l’article 2. Et je voterai, comme l’ensemble des socialistes, contre les modifications apportées par la majorité sénatoriale » ajoute de son côté Marie-Noëlle Lienemann.

L’ancienne ministre Hélène Conway-Mouret, autre représentante des Français installés hors de France, s’oppose aussi au principe. Tout comme Catherine Tasca, ancienne ministre de la Culture. Elle fait partie de ceux qui expriment de sérieuses interrogations. « Nous pouvons travailler sur la législation existante sur la déchéance, la compléter, sans pour autant aller à la constitutionnalisation, qui me heurte » explique la sénatrice PS des Yvelines (voir au début de la vidéo). Jean-Yves Leconte, lui aussi sénateur des Français de l’étranger, a pu dire tout le mal qu’il pense de la déchéance devant Manuel Valls, lors de l’audition lundi du premier ministre par la commission des lois. « Comment peut-on coopérer (avec d’autres pays dans la lutte contre le terrorisme) si finalement le reste du monde est la poubelle de la France ? » a demandé le sénateur PS. Les binationaux déchus seraient en effet renvoyés dans leur second pays.

« Les miasmes coloniaux sont toujours à l’œuvre »

Dès le mois de janvier, la sénatrice de Paris Bariza Khiari avait eu des mots très durs sur le sujet. « Comment des socialistes arrivent à défendre aussi farouchement une erreur plutôt que défendre des valeurs ? » demandait la sénatrice, qui a la double nationalité franco-algérienne. « Je suis complètement opposée à la déchéance. Je pense qu’il y a dans cette affaire une espèce d’impensée coloniale et que les miasmes coloniaux sont toujours à l’œuvre. Parce qu’on sait sur qui va tomber cette déchéance de nationalité. Et ça renvoie un message délétère à une partie de la population » ajoutait la sénatrice PS.

L’opposition interne au groupe PS pose moins de problèmes qu’à l’Assemblée. Le Sénat est à droite est devrait voter un texte modifié par la majorité composée des Républicains et de l’UDI. Ces sénateurs socialistes anti déchéance espèrent cependant peser et même faire changer d’avis l’exécutif. « Ceux qui sont hostiles à ce texte le diront et voteront en ce sens pour bien faire entendre au gouvernement qu’il n’aura pas leur vote au moment du Congrès. C’est important que ce message soit adressé pour que le gouvernement ne persiste pas dans cette voie » soutient Gaétan Gorce (voir à la fin de la vidéo). Que le sénateur de la Nièvre se rassure : les modifications défendues par la majorité sénatoriale rendra impossible tout accord avec les députés PS sur la déchéance. Or pour une révision constitutionnelle, les deux assemblées doivent voter le texte dans les mêmes termes. Conséquence : ce sera la fin de cette mesure symbolique qui aura (trop) occupé le débat public pendant des semaines.

François Vignal
Le 10.03.2016 à 10:18

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