Les conditions de fond du mariage sont régies par la loi personnelle de chacun des époux. Cela revenait pour certains couples binationaux, qui comportaient un ressortissant d’un pays ayant ratifié un accord bilatéral avec la France, à ne pas pouvoir se marier car la loi personnelle de ce dernier les en empêchait. Une personne résidant en France, en couple avec une personne dont la loi personnelle permettait de se marier entre personne de même sexe ne pouvait donc se marier avec leur concubin.e. La Cour de Cassation a décidé en 2015 que dans ces couples binationaux, la loi personnelle les empêchant de se marier devait être écartée. J’ai donc appelé la Ministre de la justice à tirer toutes les conséquences de cette décision dans la question que je lui ai posée.
Je me réjouis de la réponse apportée qui mentionne une dépêche envoyée le 5 août 2016 par Madame Christiane Taubira, alors Garde des sceaux, invitant les parquets à ne plus s’opposer à ces mariages dès lors que les conditions de l’article 202-1 du code civil français étaient réunies.
Voici le texte de ma question :
Mme Claudine Lepage appelle l’attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur les difficultés encore rencontrées par les couples bi-nationaux de même sexe dont l’un des membres est ressortissant de l’un des onze pays avec lesquels la France a signé une convention bilatérale prévoyant l’application de la loi personnelle aux conditions de fond du mariage. Elle avait déjà saisi la ministre de cette question en 2013, suite à la publication de la circulaire du 29 mai 2013 qui recense des pays avec lesquels la France a conclu des conventions bilatérales imposant à leurs ressortissants l’application de leur loi nationale aux conditions de fond du mariage. Il lui avait alors été répondu (Journal officiel « questions » du Sénat du 17 juillet 2014, p. 1720) qu’une décision serait prise quand l’arrêt de la Cour de cassation attendu aurait été rendu. En effet, il pouvait être considéré que les nouvelles dispositions introduites par la loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe s’intègrent à un nouvel ordre public international, qui permet d’écarter la loi désignée comme applicable par la convention bilatérale. Or la première chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt du 28 janvier 2015, a clairement indiqué qu’est « manifestement incompatible avec l’ordre public » une loi (ici, la loi marocaine pertinente) « qui s’oppose au mariage de personnes de même sexe dès lors que, pour au moins l’une d’elles, soit la loi personnelle, soit la loi de l’État sur le territoire duquel elle a son domicile ou sa résidence le permet ». Par ailleurs, en septembre 2013, la ministre de l’époque indiquait demander à son cabinet de « mobiliser notre représentation permanente à Bruxelles et de retravailler la circulaire du 29 mai ainsi que la dépêche explicative du 1er août avec le ministère des affaires étrangères » pour renégocier éventuellement les conventions bilatérales (Journal officiel « questions » du Sénat du 11 septembre 2013, p.7878). Elle renouvelle sa demande à ce que les conséquences de la décision de la Cour de cassation soient tirées et donc, que soient confirmés les droits des personnes de même sexe, ressortissantes de pays avec lesquels la France a conclu une convention bilatérale sur le sujet, et notamment leur droit à se marier en France si la loi personnelle de l’un au moins des membres du couple ou la loi de son État de résidence le permet.
Et la réponse apportée par la Ministre de la Justice :
L’article 202-1 du code civil, issu de la loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, dispose que les conditions de fond du mariage sont régies, pour chacun des époux, par sa loi personnelle mais que deux personnes de même sexe ne peuvent contracter mariage que lorsque, pour au moins l’une d’elles, soit sa loi personnelle, soit la loi de l’État de résidence, l’autorise. La Cour de cassation a toutefois dû préciser la portée de cette règle dans l’hypothèse où l’un des membres du couple ressortit d’un pays étranger, lié à la France par une convention bilatérale dont les dispositions renvoient, en matière de mariage, à la seule loi personnelle de l’époux prohibant le mariage entre personnes de même sexe. Dans un arrêt du 28 janvier 2015, elle a ainsi écarté la loi marocaine, désignée comme applicable par la convention franco-marocaine, dont l’article 4 précise que la loi de l’un des deux États parties peut être écartée par les juridictions de l’autre, si elle est manifestement incompatible avec l’ordre public. Tel est le le cas dès lors que, pour au moins l’un des époux, la loi française permet le mariage entre personnes de même sexe. Afin que toutes les conséquences soient tirées de cette décision, une dépêche du garde des sceaux a été diffusée aux parquets généraux le 5 août 2016, invitant les parquets à ne plus s’opposer à ce type de mariage dès lors que les conditions de l’article 202-1 du code civil sont réunies, y compris lorsque l’un des époux est originaire de l’un des pays avec lesquels la France a passé des conventions bilatérales (Algérie, Cambodge, Kosovo, Laos, Macédoine, Maroc, Monténégro, Pologne, Serbie, Slovénie, Tunisie).