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La privatisation d’aéroports de Paris est un non-sens

J’ai signé cette tribune, avec de nombreux élus socialistes et apparentés, pour réaffirmer notre vive opposition à la privatisation de la société des aéroports de Paris (ADP).

Nous appelons le gouvernement à renoncer à cette privatisation qui est un non-sens économique autant qu’une erreur stratégique.

Chers collègues, dans quelques jours, l’Assemblée nationale aura à examiner la loi Pacte ; nous, députés, sénateurs socialistes et apparentés, élus régionaux, départementaux, maires et conseillers municipaux, vous demandons solennellement de renoncer à privatiser les Aéroports de Paris (ADP).

ADP est en plein développement, premier exploitant mondial d’aéroports, l’entreprise accueillera près de 120 millions de visiteurs à l’horizon 2022 en France, le cours de son action a crû de 160 % en cinq ans, son taux de 7 % de profit lui permet de générer pour l’Etat 175 millions d’euros (M€) de dividendes, en constante progression.

Des dividendes qui pourraient être consacrés au financement de l’innovation, mais qui iront dans les poches d’investisseurs privés. Le montage financier que le gouvernement envisage, lui-même, confine à l’absurde : l’Etat indemnisera les actionnaires minoritaires en début de concession pour plusieurs centaines de millions d’euros et devra racheter les actifs d’ADP en fin de concession pour plusieurs milliards !

Tout indique, malgré les dénégations des ministres, que la concession envisagée pour soixante-dix ans sera en vérité perpétuelle, sous peine d’une opération financière catastrophique pour les contribuables français.

ADP, pourtant, n’est pas une entreprise comme les autres. C’est un service public d’intérêt national, un monopole naturel, une frontière extérieure stratégique, un outil de souveraineté, un fleuron du patrimoine national, un leader mondial. ADP est aménageur, exploitant et développeur ; cette société dispose de 6 680 ha de terrains, sans équivalent en Europe.

C’est une entreprise placée au cœur des intérêts stratégiques de la France, au centre des projets d’aménagement de la région francilienne et des départements concernés (pour Charles-de-Gaulle : Val-d’Oise, Seine-Saint-Denis et Seine-et-Marne ; pour Orly : Val-de-Marne et Essonne), la ligne 17 du métro du Grand Paris, Cœur-d’Orly et ses 15 ha de quartier d’affaires avec sa plate-forme multimodale.

C’est aussi le premier pôle d’emploi francilien. Demain, la régulation a minima du service public aéroportuaire ne permettra plus à l’Etat de jouer son rôle et de peser sur la stratégie de l’entreprise, qui pourrait bien, dès lors, se tourner vers des investissements plus rémunérateurs dans le commerce ou dans l’immobilier, réduire son implication dans les projets d’intérêt général et se tourner vers l’international…

Et que dire du risque d’atteindre les intérêts stratégiques d’Air France dont Roissy est le hub européen ? Ou encore de la pérennité des dessertes depuis Paris des aéroports de province ? À Londres, privatisé, l’aéroport d’Heathrow a sacrifié les liaisons locales…

Ces arguments sont d’autant mieux connus que nous sommes instruits, d’une part, de la privatisation des autoroutes et de ses conséquences pour notre pays : des milliards perdus pour les contribuables français, augmentations tarifaires, sous-investissement ; et, d’autre part, de la privatisation de l’aéroport de Toulouse-Blagnac, véritable catastrophe de l’avis même de la Cour des comptes. Les enjeux sont considérables.

À ceux de sécurité et de souveraineté s’ajoutent des enjeux régionaux tels que la maîtrise du foncier, l’emploi ou l’environnement. Voilà pourquoi il n’est quasiment pas de grands aéroports internationaux qui ne soient propriétés d’une collectivité publique et que même les Etats-Unis se sont toujours refusés à franchir le cap.

Voilà pourquoi, chers collègues, l’Assemblée nationale ne saurait engager l’intérêt supérieur de la nation dans ce projet aventureux. Voilà pourquoi il faut renoncer à la privatisation des Aéroports de Paris. Si vous deviez encore hésiter, demandons au gouvernement de soumettre alors la question au grand débat national.

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