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Retour sur mon déplacement à Tokyo

Arrivée le mercredi 12 juin en fin de journée à Tokyo, je profite de la soirée pour rencontrer Sublime, la présidente de Français du monde-adfe et François Roussel, conseiller consulaire et avoir des précisions sur les derniers préparatifs de l’Université d’été de Français du monde – adfe Asie-Pacifique organisée cette année par la section de Tokyo.

Jeudi 13 juin : Jean-Yves Leconte, mon collègue sénateur avec qui je vais effectuer quelques rencontres arrivant en fin de matinée, je visite les environs immédiats de l’hôtel et, dès son arrivée ,nous nous rendons à la Résidence pour un déjeuner de travail avec M. Laurent Pic, l’ambassadeur de France au Japon, M. Nicolas Bergeret, conseiller politique ainsi que Mme Marie-Hélène Teylouni, consule, qui nous  fournit des informations générales sur la communauté française et les évolutions récentes : davantage de familles franco-japonaises, moins d’expatriés, plus de touristes, certains d’entre eux venant résoudre des problèmes existentiels et apportant un surcroît de travail aux services consulaires.

Le tour d’horizon de l’ambassadeur est toujours un moment privilégié pour apprécier la situation politique, économique du pays à la lumière des événements récents qui sont largement médiatisés.

Nous nous rendons ensuite accompagnés de M. Nicolas Berger à la Diète, le parlement japonais, pour rencontrer Mme Akiko Santo, sénatrice, présidente du groupe d’amitié France-Japon, qui pourrait devenir la prochaine présidente du sénat. Lors de l’entretien j’ai pu évoquer notre vive préoccupation concernant les enfants de couples issus d’unions franco-japonaises, séparés de leur parent français, le papa dans la plupart des cas, après une séparation. Mme Santo ne découvre pas le problème, bien évidemment, mais pour elle cette situation s’explique par les liens plus distants, du fait notamment d’une intense vie professionnelle, qu’entretiennent les papas japonais avec leurs enfants. Mais les choses évoluent aussi au Japon et les papas de la jeune génération participent également à l’éducation de leurs enfants, ce que je pourrai constater le dimanche lors de la kermesse à laquelle j’assisterai. Je lui glisse quand même que les enfants ont un droit à leurs deux parents. La loi évoluera sans doute un jour mais en attendant que de souffrance !

Nous abordons également la question de la parité et de l’égalité femmes-hommes lors de la constitution de listes pour les élections.

Nous nous rendons ensuite à l’Institut français où nous sommes reçus par M. Xavier Guérard directeur de l’Institut français du Japon et M. Emmanuel Martinez, secrétaire général de l’IFJ. Le directeur nous annonce que les travaux de transformation vont commencer, travaux que je croyais terminer, puisqu’ils étaient déjà à l’ordre du jour lors de ma précédente visite en septembre 2017. Il insiste sur la diversification des activités, les cours ne devant pas être les seules ressources. Le restaurant en cours de transformation est un lieu que des entreprises ou des particuliers peuvent privatiser pour organiser des événements. Nous l’avons interrogé sur le conflit qui n’en finit pas entre quelques enseignants et l’Institut pour des questions de changement de contrat, requis semble-t-il par la loi japonaise et de rémunérations. La médiation est toujours en cours. Nous ne rencontrons pas cette fois-ci les enseignants.

Retour à l’ambassade pour rencontrer les conseillers consulaires, Thierry Consigny et François Roussel. Nous faisons le tour des difficultés rencontrées par les Français au Japon.

Ils insistent sur l’évolution sociologique des Français au Japon, davantage de familles franco-japonaises, installées dans la durée. Une forme de précarité s’installe. L’OLES, association de solidarité a traité 117 cas en deux ans et demi d’existence. Les conseillers consulaires mentionnent des problèmes de justice et de droit qui concernent les détenus et bien sûr les enfants franco- japonais. Ils mentionnent également le manque de formation des juges pour ce qui concerne les affaires de harcèlement sexuel et de viol. Tous les 11 du mois des femmes manifestent contre les violences dont elles sont victimes (Flower demo). En France, la justice évolue et commence à prendre en compte la spécificité du Japon et les juges peu à peu en tiennent compte dans les questions de garde des enfants. La nomination d’un magistrat de liaison comme l’avait fait Elisabeth Guigou en Allemagne lorsqu’elle était Garde des Sceaux pour rapprocher les points de vue sur la garde des enfants après un divorce franco-allemand, serait sans doute fructueux.

Le nombre de touristes est en augmentation constante, 200 000 l’année dernière, notamment à Kyoto et selon les conseillers consulaires cela pose un problème qu’il n’y ait plus de consulat de plein exercice. De plus, les tournées consulaires ne sont pas assez fréquentes. Ils déplorent également la fin de l’activité notariale dans les consulats.

Ils évoquent également devant nous la situation des deux lycées français du Japon, celui de Tokyo qui accueille 1376 élèves et celui de Kyoto aux effectifs plus réduits et où l’enseignement se fera désormais en présentiel jusqu’en 3ème au lieu de la 5ème. A Tokyo un élève sur 5 est boursier, à Kyoto, 9 élèves sur 10. Beaucoup de parents renoncent à mettre leurs enfants à l’école française.

Dernier point abordé, la CFE : les nouveaux tarifs sont peu satisfaisants pour les retraités mais le tarif jeunes a attiré de nouveaux adhérents. Les conseillers consulaires déplorent que l’envoi de la carte vitale ne puissent se faire à l’étranger et proposent qu’elle soit envoyée dans les consulats.

Vendredi 14 juin : M. Nicolas Berger et, Jean-Yves Leconte et moi-même nous rendons au lycée français international de Tokyo où le proviseur, M. Philippe Exelmans,   Mme Patricia Reynaud proviseur adjoint, et M. Gilles Sansébastien directeur du primaire nous accueillent.

Le lycée accueille 1376 élèves (80% Français et Franco-japonais, 10% Japonais et 10% étrangers tiers) et en attend 1450 à la rentrée alors qu’il est conçu pour en accueillir 1250 : les locaux sont trop exigus. Cette pression démographique s’explique par l’augmentation de familles franco-japonaises, comme nous l’ont signalé à la fois les conseillers consulaires et les services consulaires.  Un projet immobilier est en discussion dans une école japonaise voisine. Une « commission immobilier » vient d’être créée pour suivre le projet. La rénovation du nouvel établissement coûterait l’équivalent de 6 millions d’euros que le lycée devra financer sur ses fonds propres. Il ne lui est pas possible d’emprunter, il est endetté jusqu’en 2032.

Les frais de scolarité tournent en moyenne autour de 8000 euros par enfant français auxquels s’ajoutent les frais de première inscription d’un montant équivalent à un salaire japonais moyen.

Le lycée de Tokyo n’est pas un établissement en gestion directe. C’est une fondation gérée par 12 administrateurs ; le directeur de l’AEFE est le président du Conseil d’établissement. Il touche une subvention de l’État japonais parce qu’il accueille des élèves étrangers que le Japon devrait sinon scolariser. Le lycée compte 6 expatriés, 4 dans l’administration et deux enseignants-formateurs. Si l’on ajoute résidents et TNR (titulaires non-résidents) l’établissement compte 80% d’enseignants titulaires. En fait on compte 1/3 de résidents pour 2/3 de recrutés locaux.

Pour ce qui concerne le nouveau bac, l’établissement est dans l’attente de précisions. Le lycée de Tokyo relève de l’académie de Montpellier. Le lycée propose 8 spécialités. La spécialité cinéma audiovisuel a été refusée mais le lycée propose cette matière en option.

Les enfants font du japonais à partir de la petite section et de l’anglais à partir de la moyenne section. Les enseignants sont des locuteurs natifs diplômés. L’établissement prépare à l’option internationale du bac américain ou japonais.

Un représentant des parents d’élèves nous rejoint pour nous présenter leur point de vue. Lui aussi nous rappelle la présence de deux types de familles aux désirs et aux moyens bien différents. Les frais de scolarité des familles expatriées est payée par les entreprises, elles sont donc moins regardantes sur les coûts de la garderie, du bus scolaire, des voyages scolaires, de l’école de musique et autres activités périscolaires. Ces familles sont également plus intéressées par l’enseignement prioritaire de l’anglais. Les familles franco-japonaises ont des revenus plus modestes, paient elles-mêmes les écolages, 20% d’entre elles sont boursières et inscrire leurs enfants au lycée français international représente un sacrifice même si elles y sont très attachées.

Nous rencontrons ensuite les enseignants représentant dans les instances et délégués syndicaux à huis clos. Leurs inquiétudes portent sur la question des détachements et au-delà l’avenir de l’enseignement français à l’étranger et leur avenir propre. Leur inquiétude est également plus locale. Ils sont inquiets, démotivés et fatigués. La situation locale pourrait sans doute s’améliorer par de l’écoute et une meilleure communication.

Nous nous rendons dans l’après-midi à l’ambassade de France pour une réunion avec le bureau de la section des conseillers du Commerce extérieur : une gamme représentative des différents secteurs d’activité : banque, industrie, distribution dans le secteur du luxe, mobilier urbain, énergie et cabinet d’avocats.

Le vieillissement de la population est un problème de fond et en l’absence de politique d’immigration, l’économie ne peut être que fragilisée. La croissance est faible mais il n’y a pas de chômage, au contraire on constate une tension sur le marché de la main d’œuvre. Beaucoup de Japonais pensent que la robotique pourrait compenser la pénurie de main d’œuvre. Le Japon a énormément investi dans les infrastructures au cours des dernières années.

L’endettement du Japon est de 250% du PIB. Les retraites sont peu élevées, les coûts de la santé sont élevées. L’épargne privée est importante mais les habitudes de consommation évoluent, les jeunes consomment davantage et les Japonais investissent dans l’immobilier. Le taux d’impôts pour les successions est de 75%.

L’administration japonaise est résistante aux nouveautés et il est plus facile de s’allier à un partenaire japonais pour s’implanter au Japon.

Un point est fait sur le nucléaire : les centrales, contrairement aux annonces, ne redémarrent pas et Tepco développe les énergies renouvelables. Pour rappel, Tepco (Tokyo Electric Power Company) est l’entreprise nationalisée qui gérait la centrale de Fukushima et qui a été reconnue coupable de négligence lors de la catastrophe de 2011. Un effort est fait en direction des énergies renouvelables.

En réponse à notre question, les péripéties entre Renault et Nissan n’auraient aucun impact sur le climat des affaires.

La présence économique française au Japon est ancienne grâce notamment à des partenariats. La Chambre de Commerce franco-japonaise fête très prochainement ses 100 ans.

Pour nous, la journée se termine par une réception de la communauté française à l’ambassade où nous rejoint Hélène Conway-Mouret. Un vif plaisir de revoir les amis de Français du monde-adfe de Tokyo, de rencontrer d’autres compatriotes.

Samedi 15 juin : la nouvelle édition de l’université d’été de Français du monde-adfe est organisée cette année par la section de Tokyo. Sont représentées les sections de Tokyo et de Kyoto, bien sûr, du Vanuatu, de Thaïlande, du Cambodge, de Shanghai et de Pékin, de Corée.

La matinée du samedi est consacrée à la société civile japonaise : Nanako Inaba, professeur de sociologie de l’université Sophia nous présente des associations japonaises qui luttent contre la pauvreté. Ensuite Cécile Asanuma Bricenous présente son livre « un siècle de banlieue japonaise, au paroxysme de la société de consommation »(2019) autrement dit que nous disent les banlieues sur la société japonaise . Nous terminons par une séquence sure #me too au Japon avec Anne Gonon, professeure à l’université de Doshiba à Kyoto et Jean-Christophe Hélary, co-traducteur du livre d’Ito Shiori « La boîte noire » paru en 2019 sur le viol, le silence, le manque de réactions adéquates de la police, des services médicaux et la résilience.

L’après-midi a été consacré à un échange d’expérience des conseillers consulaires Georges Cumbo du Vanuatu et les conseillers consulaires du Japon qui ont fait le choix d’une rotation annuelle et chacune des sections représentées a exposé ses activités. J’ai, pour ma part, présenté les activités du siège de Français du monde-adfe. Nous avons ensuite accueilli Yves Alemany, président de l’OLES qui nous a présenté ainsi que François Roussel, vice-président, ce regroupement d’associations qui ont accepté de travailler ensemble  pour le plus grand bénéfice de nos compatriotes en difficulté.

Nous avons terminé la journée dans une brasserie japonaise (izakaya), un bon moment de convivialité.

Dimanche 16 juin :  les trois sénateurs présents font un bref compte rendu de leurs activités parlementaires. Un débat plus large s’engage sur le contexte politique.

Florian Bohême, membre du CA de Français du monde-adfe présente les résultats du baromètre des Français de l’étranger, large enquête que notre association a lancé avec la Junior entreprise de Paris-Dauphine.

Après le déjeuner pris dans le quartier, je me rends avec ceux qui le souhaitent au stand de la bouquinerie solidaire de Fdm-Tokyo organisé dans le cadre d’une fête du livre pour les enfants. Une belle initiative qui permet d’aider des associations qui s’occupent de personnes précaires.

Et puis, c’est le départ pour l’aéroport. Merci aux organisateurs de ce programme varié et riche, à toute l’équipe de Tokyo !

 

 

 

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