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Réponse à ma question sur la privatisation de l’aide publique au développement

En juillet 2019, j’ai interrogé le Ministre de l’Europe et des Affaires Étrangères sur les risques de privatisation de l’aide publique au développement. En effet, le rapport n° 1057 sur l’aide publique au développement préconise de placer le secteur privé au cœur de cette politique. Or, il n’est pas souhaitable que certains domaines et notamment ceux qui relèvent du vital, soient dirigés par une logique privatiste.

J’ai donc demandé à Monsieur Le Drian si des mesures étaient envisagées pour éviter les dérives liées à la privatisation de l’aide publique au développement.

Il m’a confirmé que la question de la privatisation des services publics était un point d’attention majeur pour la politique française de développement sans pour autant apporter une quelconque garantie concernant les secteurs vitaux pour les populations.La mise en œuvre de l’aide publique au développement ne peut être à l’origine d’effet néfaste, il est donc nécessaire de prévenir la dégradation des conditions de vie des populations. Cela permettrait à la France de s’engager clairement à garantir la réalité de l’aide au développement.

Voici le texte de la réponse :

L’essor du secteur privé est essentiel au développement économique et social des pays en développement. À ce titre, il figure parmi les priorités de la politique française de développement telles que définies par le comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID). D’un point de vue opérationnel, cette priorité s’est traduite par un renforcement de la lisibilité de notre dispositif avec le transfert des activités Secteur privé de l’Agence Française de Développement (AFD) à sa filiale Proparco et par la possibilité donnée à cette dernière de solliciter des subventions publiques pour catalyser des investissements privés. La question de la privatisation des services publics est un point d’attention majeur pour la politique française de développement qui met en œuvre des actions concrètes pour y répondre. La politique de soutien au secteur privé est avant tout orientée vers le développement des très petites, petites et moyennes entreprises locales (TPE et PME), de l’entreprenariat, et des entreprises sociales et solidaires dans les pays du Sud. C’est par exemple le cas de l’initiative Choose Africa annoncée par le Président de la République dans son discours de Ouagadougou, qui vise à mobiliser 2,5 milliards d’euros pour soutenir le développement de 10 000 PME africaines d’ici à 2022. Sur ces segments, le risque de privatisation des services publics est réduit, voire inexistant. De nombreux éléments encadrent cette politique de soutien au secteur privé. Ces projets doivent respecter les principes de l’efficacité de l’aide endossés par la France et appliqués par l’AFD. Ils répondent ainsi à des besoins spécifiques (difficulté d’accès au crédit, déficit d’investissement) et ciblent des objectifs développementaux identifiés (création d’emplois durables, accès à des biens et des services essentiels, etc.). Le groupe AFD intègre également des critères de qualité exigeants impliquant notamment l’évaluation et l’atténuation des impacts environnementaux et sociaux et le respect du principe d’appropriation par les bénéficiaires. Enfin, les financements de soutiens au secteur privé sont conditionnés au respect du principe d’additionnalité visant à n’intervenir qu’en cas de failles de marché avérées et d’absence d’alternatives de financement pour les acteurs privés. L’utilisation de ressources budgétaires au bénéfice du secteur privé reste par ailleurs fortement encadrée afin d’atteindre des objectifs de développement durable selon une doctrine établie. Cette doctrine, qui reprend les meilleurs standards fixés par l’OCDE, définit un périmètre d’action précis d’utilisation de ces ressources (programme de renforcement des capacités, incitations financières, mécanisme de partage des risques) et impose des principes de proportionnalité, de subsidiarité et d’additionnalité. Ces ressources doivent ainsi permettre un impact de développement qui n’aurait pas été atteint sans leur mobilisation. Elles sont également soumises à la démonstration qu’elles n’engendrent pas d’éviction d’un service public légitime ni une délégitimation de l’État en s’articulant notamment avec les programmes de soutien aux politiques publiques mises en place par les bailleurs internationaux. En ce sens, la politique française de développement n’œuvre pas au « désengagement des États au profit d’investisseurs privés ». Au contraire, l’appui aux gouvernements reste une composante majeure de cette politique. La part des financements souverains, y compris dans le financement des services publics de base (éducation, eau, énergie, etc.) reste prépondérante (65 % de l’activité 2018 dans les États étrangers a été réalisée au profit du segment souverain). Parmi les financements non-souverains, la part du soutien aux collectivités territoriales et aux entreprises publiques est elle-même supérieure au soutien aux entreprises privées (hors appui aux institutions financières, les entreprises privées représentent moins de 18 % de l’activité non-souveraine de l’AFD en 2019). Ces financements en appui aux gouvernements visent notamment à renforcer les capacités de l’encadrement national dirigé par le secteur public avec des programmes de soutien aux politiques publiques, au dialogue et aux partenariats public-privé, d’amélioration de l’information, des services publics, du climat des affaires ou bien encore du cadre réglementaire. Enfin, l’exemple des privatisations dans le secteur de l’eau rappelle que l’appui aux gouvernements peut effectivement contenir des réformes sensibles qu’il convient d’encadrer avec la plus grande rigueur. À ce titre, la politique française de développement et sa mise en œuvre par l’AFD peut accompagner la libéralisation d’un secteur afin d’en améliorer la qualité, la couverture ou bien encore la pérennité économique. Cet accompagnement s’inscrit toujours au sein de programmes plus larges de développement économique et social, dont la libéralisation n’est qu’un aspect parmi d’autres, et qui accordent une importance particulière aux aspects sociaux (ex. tarification sociale afin de prévenir le renchérissement des services, accompagnement ou compensation des populations les plus pauvres, etc.) et environnementaux.

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