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Réforme de l’Action culturelle extérieure: nous avons évité le pire

lsLe projet de loi sur l’action extérieure de l’Etat vient d’être adopté définitivement par le Parlement. Ce vote nous laisse un profond sentiment d’amertume, tant nous avions mis d’espoir dans cette réforme indispensable de notre diplomatie culturelle.

« Cessez d’affaiblir le Quai d’Orsay !» C’est par ces termes que les anciens ministres des affaires étrangères, Alain Juppé et Hubert Védrine s’alarment des conséquences pour la France d’un affaiblissement de notre réseau.

Oui, une réforme est absolument indispensable. Non, cette réforme n’est pas suffisamment ambitieuse.

Et pourtant, le texte finalement adopté est sans commune mesure avec celui présenté par le gouvernement il y a un an. Les travaux parlementaires, certes tronqués par le choix de la procédure accélérée, ont permis de « remplir » autant que faire se peut cette coquille vide.

Mais le compte n’y est pas, malheureusement !

Le point essentiel de la réforme réside dans la création d’un établissement public, l’Institut Français, qui sera chargé de l’action culturelle extérieure. Nous regrettons qu’il prenne, malgré notre amendement, le statut d’EPIC, beaucoup moins adapté que l’EPA et qui consacre la libéralisation de la politique d’Etat et la marchandisation de la culture. Nous nous félicitons cependant que l’objectif de la fusion du réseau avec l’Institut Français soit finalement clairement évoquée et qu’une expérimentation sur trois ans soit d’ores et déjà menée au sein de dix missions diplomatiques. Le droit de regard de l’Institut Français sur la nomination et la carrière des personnels du réseau participe de la même logique et devrait permettre une meilleure harmonie dans la gestion des ressources humaines.

Deux autres opérateurs sont mis en place. EPIC également, CampusFrance, est chargé de l’accueil des étudiants et de la mobilité internationale. Il est placé sous la tutelle conjointe du ministre des Affaires étrangères et du ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (avec donc une entrée progressive du CNOUS (centre national des œuvres universitaires et scolaires) dans le processus, tel que nous l’appelions de nos vœux.

A ses côtés, l’EPIC France Expertise Internationale sera en charge de la mobilité et de l’expertise internationale.

L’amendement que nous avons présenté en CMP a permis, fort heureusement, de rétablir la présentation du rapport annuel de ces trois établissements devant l’Assemblée des Français de l’Etranger.

Notre réseau culturel français est le plus ancien, le plus dense et le plus étendu du monde. Cette réforme, fruit d’un travail du Parlement de plus de dix ans, qui a donné lieu à nombre de rapports, qui a mobilisé tant de bonnes volontés, ne satisfait pourtant pas aux exigences d’une véritable ambition pour un renouveau de l’action extérieure de l’Etat en complète déshérence et pour endiguer le dépouillement incessant des moyens publics qui lui sont consacrés et le désenchantement des personnels qui en résulte.

Dans ces conditions, nous avons pris la décision, comme l’ensemble du groupe socialiste, de nous abstenir sur le vote de ce projet.

Pour plus de détails, vous pouvez lire ci-dessous les interventions en séance de Claudine Lepage, Richard Yung et le compte rendu de la CMP de Monique Cerisier ben Guiga.

Le dossier législatif complet est consultable ici.

Intervention de Claudine Lepage

Mme Claudine Lepage. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici donc parvenus à l’ultime étape parlementaire de ce projet de loi, tant attendu, relatif à l’action extérieure de l’État. J’ai envie de dire que nous revenons de loin… mais que, malheureusement, on ne nous a pas donné la possibilité d’aller encore plus loin !

Lors de la réunion de la commission mixte paritaire, le texte qui nous est présenté cet après-midi a été adopté par la majorité, l’opposition – les groupes socialiste et CRC-SPG – s’étant pour sa part abstenue. Il est sans commune mesure avec celui qui avait été adopté par le conseil des ministres et déposé sur le bureau du Sénat voilà un an. Les travaux effectués en commission et en séance publique par chacune des deux assemblées nous ont en effet permis de donner un peu de chair et de sang à ce texte initialement exsangue.

Pourtant, la déception demeure au regard de l’espoir qu’ont fait naître vos discours, monsieur le ministre. Certes, vous avez, si vous me permettez l’expression, « débloqué la machine » enrayée, en réaction au constat inquiétant sur la vitalité de notre diplomatie culturelle, et nous vous reconnaissons volontiers le mérite d’être à l’origine de ce projet de loi. Seulement, nombre des préconisations issues des multiples travaux qui se sont déroulés en divers lieux, en particulier au sein de la Haute Assemblée, n’ont pas été reprises.

Notre collègue Yves Dauge, alors député, tirait la sonnette d’alarme voilà près de dix ans déjà. Depuis, les auteurs de nombreux rapports et avis budgétaires ou rapports d’information – je ne citerai que celui de nos collègues MM. Legendre et de Rohan, adopté à l’unanimité par les commissions de la culture et des affaires étrangères, dont ils sont les présidents respectifs –, n’ont eu de cesse de réclamer un nouveau souffle pour une réforme réellement ambitieuse de notre politique culturelle extérieure, véritable et efficace diplomatie culturelle de la France.

Il en va de même de l’Assemblée des Français de l’étranger, l’AFE, comme peuvent d’ailleurs en témoigner tous mes collègues sénateurs des Français établis hors de France, qui sont aussi membres de droit de cette instance.

Je puis également assurer que de nombreux Français établis hors de France, ayant une parfaite connaissance du réseau culturel à l’étranger, ont pris ce sujet à bras-le-corps et ont formulé de très intéressantes propositions.

Hélas, le texte reste bien en deçà des espérances suscitées !

Dans de telles conditions, nous ne pouvons que déplorer que votre gouvernement, monsieur le ministre, ait une nouvelle fois engagé la procédure accélérée. La seconde lecture dont le Parlement est ainsi privé aurait assurément été extrêmement bénéfique. Il est vrai que M. Darcos, futur président de l’Institut français, a été nommé voilà déjà plus d’un mois, très exactement lors du conseil des ministres du 7 juin, ambassadeur, « chargé de mission pour l’action culturelle extérieure de la France » : maintenant, bien sûr, il faut aller vite !

À l’origine, la principale ambition de ce texte était de créer une grande agence culturelle à laquelle se serait raccordé l’ensemble du réseau culturel français à l’étranger. Vos ambitions, monsieur le ministre, ont vite été revues à la baisse – mais pas celles des parlementaires !

Ainsi, je me félicite que nos collègues de l’Assemblée nationale aient introduit dans le projet de loi des dispositions que notre groupe avait vainement proposées lors de l’examen du texte par le Sénat.

Je pense, par exemple, à l’objectif de la fusion du réseau culturel de la France à l’étranger, composé de quelque 140 établissements, avec l’établissement public Institut français : le texte, cette fois, l’envisage clairement. L’article 6 ter précise en effet qu’au moins dix missions diplomatiques constituant un échantillon représentatif de la diversité des postes vont conduire une expérimentation durant trois ans et que chaque année, durant ce laps de temps, le Gouvernement présentera un rapport d’évaluation des résultats devant le Parlement.

Cette réforme avait pour ambition claire de rendre plus cohérente et donc plus convaincante, plus conquérante, notre action culturelle extérieure. Par conséquent, il importe que l’Institut français, basé à Paris, et chacun des instituts et centres culturels se nourrissent mutuellement de leurs réflexions, choix stratégiques et choix de programmation. Je ne vous apprendrai rien en vous rappelant que, pour « emporter vers notre culture », pour susciter ce désir de France que nous souhaitons tant voir naître, il faut d’abord s’ouvrir aux autres, développer sa capacité d’écoute, accepter de découvrir de nouvelles choses et de se laisser surprendre, et donc donner aux directeurs des centres toute latitude pour programmer également des artistes locaux et promouvoir ainsi la culture du pays d’accueil.

Par ailleurs, et toujours afin de parvenir à la meilleure coordination possible entre « la tête et les jambes », nos collègues de l’Assemblée nationale ont encore amélioré l’article 6, déjà utilement complété par les sénateurs, pour ce qui concerne la formation et le recrutement des agents.

Nos universités forment d’excellents cadres de l’action culturelle, désireux de servir les intérêts de la France à l’étranger. Mais pour satisfaire ce désir, encore faut-il offrir les possibilités de carrière auxquelles ces jeunes aspirent légitimement. Or jusqu’à présent, je n’ai pas peur de l’affirmer, il est très difficile de faire carrière dans le réseau culturel à l’étranger, sauf à être diplomate, mais, alors, le réseau culturel est, reconnaissons-le, souvent choisi par défaut, en attendant mieux.

Les deux mots formant l’expression « diplomatie culturelle » sont importants. On ne dirige pas un institut ou un service de coopération et d’action culturelle, ou SCAC, sans une formation adéquate. Il faut donner à tous ceux – et ils sont nombreux – qui souhaitent s’orienter vers cette filière une formation spécifique et leur offrir des perspectives de carrière suffisamment attrayantes, tant à l’intérieur du réseau qu’au sein de la nouvelle agence.

Le droit de regard dont disposera l’Institut français sur la nomination et la carrière des personnels du réseau augmentera, nous l’espérons, les chances de parvenir à une gestion harmonieuse des ressources humaines.

Cela étant dit, le choix du statut de l’Institut français ne favorisera, je le crains, ni les possibilités de passerelles au cours de la carrière entre la nouvelle agence et le réseau ni, plus généralement, la fameuse synergie recherchée. Et je nourris de profondes inquiétudes quant aux difficultés et au coût de leur fusion future, pourtant indispensable.

En effet, l’Institut français sera un EPIC, et non un EPA, au même titre que l’AEFE, l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, le Louvre, le musée d’Orsay, le Centre Pompidou, notamment.

Symboliquement, le choix de ce statut a une portée très forte. Il sous-entend une conception de la culture gérée de manière commerciale, animée par la recherche première du profit et donc de financements privés.

M. Robert Hue. Très bien ! __ Mme Claudine Lepage__. Prenons garde à la privatisation du réseau culturel français et, de ce fait, à l’abandon du positionnement de la France en termes d’exception culturelle !

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Vous n’arrêtez pas de demander des mécénats !

Mme Claudine Lepage. Formons également le souhait que cet EPIC soit un véritable relais entre notre réseau culturel à l’étranger et l’État. Mais n’oublions pas qu’il revient toujours à ce dernier de jouer le rôle de stratège. Or l’absence de ce pilotage stratégique depuis tant d’années a contribué à la situation actuelle.

À cet égard, la mise en place, à la demande des sénateurs, d’un conseil d’orientation stratégique est encourageante, même si, comme le préconisaient MM. de Rohan et Legendre dans leur rapport d’information, la création d’un secrétariat d’État chargé de la francophonie et des relations culturelles extérieures eût été encore plus pertinente.

Mais il est vrai que la récente création de la holding Audiovisuel extérieur de la France, AEF, a révélé combien l’État pouvait, sans scrupule aucun, abdiquer tout rôle de pilotage dans ce domaine.

C’est pourquoi nous nous réjouissons de la compétence attribuée au conseil d’orientation stratégique, à la demande des députés cette fois, en matière d’audiovisuel extérieur. L’audiovisuel est en effet l’un des principaux vecteurs de diffusion de la culture française à l’étranger et doit, à ce titre, évidemment être intégré à la réflexion globale sur l’action culturelle extérieure de la France

La présentation devant l’Assemblée des Français de l’étranger du rapport annuel des trois établissements publics créés par le projet de loi avait été supprimée par l’Assemblée nationale. Je me félicite que l’AFE retrouve toute sa compétence dans ce domaine, grâce à l’adoption d’amendements déposés tant par la majorité que par l’opposition sénatoriales.

Je souhaite maintenant aborder brièvement la situation de l’Alliance française. Le texte prévoit seulement que « l’Institut français collabore (…) avec (…) les institutions de création et de diffusion culturelle françaises et étrangères, ainsi qu’avec des partenaires publics et privés, dont les alliances françaises. » Que dire du silence assourdissant sur les modalités de cette collaboration ?

M. Bernard Kouchner, ministre. Une convention y pourvoira !

Mme Claudine Lepage. Il semblerait, monsieur le ministre, qu’un nouveau logo soit en cours de préparation.

Je ne m’attarderai pas sur la modification apportée par les députés à l’article 1er. Ce dernier, définissant le rôle et l’autorité de l’ambassadeur sur les services extérieurs de l’État, donnera, en pratique, plus d’autonomie à l’AFD.

Je ne m’attarderai pas non plus sur la séparation, bienvenue, de l’Agence française pour la mobilité et l’expertise internationales, chargée de l’accueil des étudiants, en deux agences : France expertise internationale et Campus France. Mon collègue Richard Yung reviendra sur ces points.

Je relèverai simplement que ce nouveau dispositif, en plaçant Campus France sous la tutelle conjointe du ministère des affaires étrangères et de celui de l’enseignement supérieur, permettra l’association progressive du CNOUS. Je me félicite, par ailleurs, que l’aide à la délivrance des visas et à l’hébergement des étudiants étrangers relève désormais de Campus France.

Ainsi, le présent projet de loi, au départ totalement indigent, a-t-il été étoffé au fil des discussions parlementaires, certes tronquées.

Pour autant, satisfait-il aux exigences d’une véritable ambition pour un renouveau de l’action extérieure de l’État ? Non, je le crains, pour une raison qui surpasse peut-être toutes les autres : l’insuffisance des moyens financiers qui lui sont consacrés.

Certes, nous avions beaucoup d’illusions sur cette réforme tant attendue. La phrase d’Alexandre Dumas trouve ici tout son sens : « Une illusion de moins, c’est une vérité en plus ». En effet, la vérité, la réalité implacable, c’est que l’État ne se donne pas les moyens d’une politique culturelle extérieure ambitieuse !

Les seuls chiffres suivants suffisent à le démontrer : les crédits affectés au programme « Rayonnement culturel et scientifique » diminuent encore et toujours : baisse de 10 % en 2008, de 13 % en 2009 et de 11 % en 2010. De surcroît, le ministre du budget annonce une diminution des crédits du ministère des affaires étrangères de 5 % en 2011, de 7,5 % en 2012 et de 10 % en 2013.

Je ne peux pas passer sous silence les propos de MM. Alain Juppé et Hubert Védrine qui tirent aussi la sonnette d’alarme. Leur conclusion est sans appel : « Il faut adapter l’appareil diplomatique (…), mais cesser de l’affaiblir au point de le rendre d’ici à quelques années incapable de remplir ses missions, pourtant essentielles. » Sauront-ils mieux se faire entendre ? C’est ce qu’espèrent les membres du groupe socialiste.

Dans cette attente, et comme ils l’ont fait lors de la commission mixte paritaire, ils s’abstiendront sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)


Intervention de Richard Yung

M. Richard Yung. Monsieur le secrétaire d’État, voilà quelques jours, dans un quotidien du soir, vous avez qualifié la réforme dont nous discutons d’«ambitieuse », ce qui est vrai, je vous en donne acte. Toutefois, il aurait été plus juste de dire que, si tel est le cas, c’est en grande partie grâce au Parlement. Je me réjouis de voir que celui-ci sert à quelque chose ! Nous sommes en effet parfois amenés à nous poser la question.

M. Didier Boulaud. C’est bien vrai !

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Pour autant, vous ne voterez pas la réforme !

M. Richard Yung. C’est un procès d’intention que vous nous faites, monsieur le président de Rohan, car je ne suis pas arrivé à ma conclusion

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Votre collègue l’a dit tout à l’heure !

M. Richard Yung. Monsieur le président, je vous demande de décompter ces interruptions de mon temps de parole.

L’économie générale du texte qui nous a été soumis en première lecture n’était pas optimale et ne correspondait pas à nos attentes. Nous avions du mal, en particulier, à y retrouver les ambitions du Livre blanc sur la politique étrangère et européenne de la France.

La rédaction du présent projet de loi a été largement améliorée par les deux chambres. Une deuxième lecture aurait d’ailleurs constitué une excellente chose. Pourquoi avons-nous dû, une fois encore, travailler sous la contrainte de la procédure accélérée ? C’est un grand défaut de ce gouvernement que de procéder ainsi.

Monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi tout d’abord de rappeler l’engagement que vous aviez pris dans cet hémicycle de faire mentionner dans le décret que, parmi les personnalités qualifiées des conseils d’administration des établissements publics contribuant à l’action extérieure de la France, figurerait un membre élu de l’Assemblée des Français de l’étranger. Vous le verrez, cette disposition s’avérera utile, car les conseillers de l’AFE connaissent bien les situations locales.

Par ailleurs, je me réjouis que la commission mixte paritaire ait rétabli l’obligation, pour les établissements publics contribuant à l’action extérieure de la France, de présenter un rapport annuel de leurs activités devant l’AFE. Cette disposition avait été supprimée, sans doute par méconnaissance, par les députés, qui ne comptent pas encore parmi eux de représentants des Français de l’étranger.

La fusion de l’association Égide et du groupement d’intérêt public CampusFrance en un EPIC autonome, ainsi que la spécialisation de ces deux organismes, va dans le bon sens. Le dispositif prévu dans le projet de loi initial mélangeait en effet deux activités par trop différentes ; c’était le mariage de la carpe et du lapin ! Nous l’avions d’ailleurs dit lors de la première et unique lecture, et vous l’avez entendu. La situation me semble donc désormais beaucoup plus claire.

Autant le statut d’EPIC de l’Institut français soulève de notre part certaines réserves, autant celui-ci paraît adapté pour ce qui concerne les appels d’offres et l’expertise. Il s’agit en effet, face à la concurrence internationale et européenne, de réussir à glaner quelques millions d’euros à Bruxelles.

L’EPIC Campus France a été placé sous la tutelle conjointe du ministère des affaires étrangères et du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, ce qui est une bonne chose. En permettant l’entrée progressive des activités internationales du Centre national des œuvres universitaires et scolaires, le CNOUS, dans le dispositif, les étudiants étrangers qui auront réussi à obtenir une bourse dans leur pays d’origine pourront désormais disposer d’une « filière intégrée ». On pourra ainsi les aider, alors que, jusqu’à présent, le soutien qu’ils recevaient s’arrêtait à Roissy ! Après avoir débarqué à l’aéroport, les étudiants étrangers devaient se débrouiller pour trouver une chambre, comme nous avons d’ailleurs dû le faire nous-mêmes à notre époque. Il s’agit donc d’un bon dispositif.

Campus France devient donc une sorte de guichet unique, ce qui améliorera grandement les prestations offertes aux étudiants étrangers.

Concernant les activités de l’AFD, l’Agence française de développement, l’ambassadeur joue déjà un rôle important. Il est associé à l’élaboration des programmes-cadres et peut donner son imprimatur diplomatique et politique. En revanche, il n’a pas à s’engager dans les activités proprement bancaires, qui sont régies par le code monétaire et financier.

Selon moi, il eût été préférable de s’inspirer du modèle allemand, en fusionnant l’AFD et France coopération internationale, afin de créer une grande agence publique de coopération de type GTZ, qui aurait été chargée, d’une part, de l’expertise internationale et, d’autre part, des activités de dons et de prêts. L’ensemble des prestations aurait ainsi relevé du même organisme. C’est là que réside d’ailleurs la force du système allemand, lequel, comme vous le savez, constitue pour nous un concurrent redoutable. Au demeurant, nous aurons certainement d’autres occasions de revenir sur ce point.

Enfin, s’agissant de la disposition controversée de l’article 13 permettant à l’État d’obtenir le remboursement des sommes qu’il a avancées pour rapatrier les Français qui se seraient exposés à des risques qu’ils ne pouvaient ignorer, j’estime qu’il y a là un excès d’indignité. Un dispositif analogue existe notamment pour ce qui concerne les secours en mer ou même en montagne.

Si je ne remets pas en cause l’idée elle-même, je m’étonne du caractère peu explicite de cette disposition. Visiblement, cette question suscite une certaine émotion auprès des journalistes, et ce pour des raisons que l’on peut imaginer.

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères. Il y a aussi de la démagogie ! Chacun se veut le grand défenseur des journalistes !

M. Richard Yung. Non, non ! Pourquoi ne pas préciser qu’il s’agit, entre autres, des journalistes et des humanitaires, dont vous avez fait partie, monsieur le ministre ? Cela n’aurait pas modifié l’économie du texte !

J’en viens à la question des moyens. Vous l’avez dit, l’une de nos grandes difficultés vient du fait que nous votons des lois, mais pas des moyens. Malgré tous vos efforts, qui sont grands, monsieur le ministre, nous observons la diminution permanente des moyens de votre ministère, et notamment de l’action culturelle. Cette dernière sert particulièrement de variable d’ajustement lors des discussions budgétaires.

Bien sûr, les crédits augmentent, en 2011, de 4,5 %. Toutefois, nous le savons, ces augmentations ne sont pas directement consacrées à l’outil diplomatique ; elles correspondent à des modifications de structures et servent à alimenter nos contributions aux organismes internationaux. Le budget des affaires étrangères sert de boîte à lettres : les crédits y entrent et en ressortent aussitôt.

À ma connaissance, la baisse moyenne des crédits dans le domaine culturel a été de 10 % de 2005 à 2008, de 13 % en 2009 et de 11 % en 2010. Si mes informations sont justes, le nombre de postes consacrés à l’action culturelle continuera de baisser en 2011, sauf avis contraire de votre part, monsieur le ministre.

Nous qui visitons en permanence les consulats, les ambassades et les services culturels, nous connaissons bien les difficultés qui y sont rencontrées. Bien sûr, nous avons de grandes idées ! La France fait toujours de grandes déclarations universelles, sur la paix dans le monde ou les droits de l’homme. Mais la personne en poste au centre culturel de Bobo-Dioulasso ne dispose pas des 150 euros nécessaires pour monter une exposition de photographies, par exemple, sur les ponts romains dans la France gallo-romaine. Telle est la réalité !

Malgré les réformes de structures, ce sera toujours, in fine, la pauvreté ! Nous n’échapperons pas, un jour ou l’autre, j’en suis persuadé, au débat sur l’universalité du réseau. Je pense à cet égard aux tensions qui règnent actuellement au sein du ministère des affaires étrangères. Plusieurs de mes collègues ont d’ailleurs cité la tribune libre d’Alain Juppé et Hubert Védrine, qui, à ma connaissance, ne sont pas de dangereux agitateurs trotsko-communistes.

Pour faire plaisir au président de Rohan, je vais conclure mon propos en indiquant que nous exprimerons sur ce texte un vote d’abstention positive. (Exclamations ironiques sur les travées de l’UMP.)


Compte-rendu de la Commission mixte paritaire de Monique Cerisier ben Guiga

Le projet de loi sur l’action extérieure de l’Etat vient d’être examiné en commission mixte paritaire et adopté par la majorité des deux chambres, tandis que l’opposition socialiste et communiste s’abstenait. Il devra encore, pour la forme, être présenté en discussion générale dans les deux hémicycles lundi 12 juillet prochain.

J’avais qualifié le texte qui nous avait été soumis en première lecture par le gouvernement de « mécano juridico-administratif » et tous les orateurs majorité comme opposition avaient souligné son absence de contenu.

Le Sénat, puis l’Assemblée nationale ont donné à ce texte des muscles et des nerfs. Mais nous savons, connaissant le projet triennal de budget, que l’énergie manquera cruellement pour mettre en œuvre les structures créées. En effet, le ministère des Affaires étrangères, y compris l’action culturelle extérieure perdrait 5% de ses crédits en 2011, puis 7,5% en 2012 et 10% en 2013, et les suppressions d’effectifs de fonctionnaires ( 3 sur 4 départs à la retraite) concerneront surtout les fonctionnaires détachés des autres ministères, c’est-à-dire ceux venus de l’Education nationale (143) qui animent actuellement le réseau culturel.

En quoi le Parlement a-t-il modifié le projet de loi initial ? Sur quels points le gouvernement a-t-il tenu bon ?

1) La création des EPIC

Un point positif : on a séparé l’EPIC chargé de l’accueil des étudiants étrangers qui gardera le nom de Campus France de l’établissement qui aura en charge la mobilité et l’expertise internationale qui portera le nom de France Expertise internationale qui reprend l’ancien France coopération internationale.

Pour les personnels : des garanties de délai pour leur passage à un statut de droit privé ont été apportées ainsi que la possibilité, pour les personnels de l’Institut français, de revenir dans la fonction publique

Les collectivités territoriales sont associées au Conseil de surveillance de ces établissements.

Nous avons pu rétablir la présentation du rapport annuel de ces établissements devant l’Assemblée des Français de l’étranger.

2) L’établissement public Campus France

Point positif : il sera placé sous la tutelle conjointe du ministre des Affaires étrangères et du ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche ce qui permettra l’entrée progressive du CNOUS (centre national des œuvres universitaires et scolaires) dans le dispositif. Ainsi, un doublon coûteux en matière d’accueil des étudiants étrangers et de gestion de leurs bourses universitaires devrait être progressivement supprimé.

2ème point positif : l’aide à la délivrance des visas et à l’hébergement de ces étudiants étrangers relèvera de Campus France.

3ème point positif : un rapport sera remis avant le 1er juin 2011 au Parlement pour préparer l’intégration définitive du CNOUS dans Campus France

3) L’institut Français

Point négatif : ce ne sera pas un EPA (établissement public administratif) comme l’AEFE mais un EPIC (établissement public industriel et commercial). C’est une des raisons du vote contre en 1ère lecture et de l’abstention en CMP des socialistes.

Point positif : l’institut français aura un droit de regard sur la nomination des personnels du réseau (recrutement affectation, formation et gestion des carrières) et il concourra et à l’animation et à la gestion du réseau culturel, ce qui représente un pas en avant vers la mise en cohérence de l’Institut Français et du réseau culturel à l’étranger.

Le conseil d’orientation stratégique aura aussi un droit de regard sur l’audiovisuel extérieur

Autre point positif, l’objectif de la fusion du réseau avec l’Institut Français est inscrit dans le texte. Dix missions diplomatiques devront conduire une expérimentation de rattachement pendant trois ans. Chaque année, un rapport d’évaluation prospective des résultats de ces expérimentations sera soumis au Parlement. Si l’expérimentation n’est pas concluante, le rétablissement des personnels dans leur statut initial sera de droit.

4) En ce qui concerne les dispositions relatives aux opérations de secours à l’étranger, il n’a pas été possible d’obtenir que des catégories tels que les journalistes ou les chercheurs soient exonérés du remboursement des dépenses de secours. C’est aussi une des raisons de notre abstention sur le texte.

Le travail parlementaire sur ce projet de loi a porté plus de fruit que dans de trop nombreux textes législatifs où le gouvernement fait voter au canon ses propositions.

Ici, le travail préalable de la commission des Affaires étrangères et des affaires culturelles du Sénat au 1er semestre 2009, au cours du quel nos propositions avaient été intégrées, a été assez largement repris dans la version finale du texte.

Ce texte ne répond certes pas à toutes nos attentes mais son contenu est infiniment supérieur à ce que souhaitait le gouvernement.

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