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Budget 2011 – amendements sur la décristallisation des pensions de retraite et la déduction de charge (pension alimentaire…)

La discussion budgétaire s’est poursuivie au Sénat ces samedi et dimanche 4 et 5 décembre.

Je suis intervenue à propos des pensions d’invalidité ou de retraites versées aux militaires des territoires anciennement sous souveraineté française.

Elles doivent enfin  être décristallisées, après la déclaration d’inconstitutionnalité émise par le Conseil constitutionnel il y a quelques mois. Seulement, le gouvernement continue à avancer à marche forcée sur le sujet, puisque le projet de loi de Finances pose l’exigence, parfaitement illusoire, d’une demande explicite des intéressés.

Pour mettre véritablement fin à cette discrimination qualifiée, dès 1991, d’illégale par le Conseil d’Etat,  il importe que l’alignement des pensions de retraite soit intégral et aussi automatique.

Un amendement déposé par Richard Yung, Monique Cerisier ben Guiga et moi-même a été déclaré irrecevable. La seule avancée réside dans l’adoption de l’amendement de notre collègue Bertrand Auban qui prévoit un bilan annuel de la mise en œuvre cette décristallisation.

Dans un autre domaine, j’ai défendu l’amendement déposé, à l’initiative de Richard Yung , et dont M. Cerisier ben Guiga, moi-même et l’ensemble de notre groupe étions signataires. Il visait, par une modification du Code général des impôts, à  permettre la déductibilité de charges (telles que pensions alimentaires ou prestations compensatoires) lorsque la personne fiscalement non résidente perçoit exclusivement des revenus de source française, dans le souci d’éviter alors une double imposition au titre de ce débiteur de la charge et de la personne attributaire.

La commission des Finances comme le gouvernement ont émis un avis défavorable à cet amendement. Il a été retiré après que le ministre s’est engagé à ce qu’une instruction fiscale puisse permettre la déduction de ces charges.

Le texte de mes interventions et les commentaires formulés sont consultables ci-dessous.


M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage, sur l’article.

Mme Claudine Lepage. L’article 100 du projet de loi de finances pour l’année 2011 constitue un progrès, ce dont il faut se féliciter. Cependant, il est largement perfectible.

Avec Richard Yung et Monique Cerisier-ben Guiga, mes collègues socialistes représentant les Français établis hors de France, nous avions déposé un amendement visant à améliorer la rédaction de cet article. Mais, comme trop souvent malheureusement, l’interprétation de l’article 40 de la Constitution vient contrecarrer notre bonne volonté.

Les pensions d’invalidité ou de retraite versées aux militaires des territoires anciennement sous souveraineté française ont été, comme vous le savez, gelées à la suite des indépendances. La valeur du point, l’indice et les règles juridiques permettant de calculer le montant d’une pension sont restés figés.

Cette cristallisation a conduit à une différence de traitement injuste entre les Français et les ressortissants des territoires devenus indépendants, mais aussi entre ces derniers, du fait de dates de cristallisation différentes selon les territoires.

En 2002 et en 2007, différentes réformes devant conduire à une égalité de traitement entre tous ont été mises en place, sans succès.

Dans son rapport public annuel de février dernier, la Cour des comptes a pointé du doigt l’existence persistante d’un régime dérogatoire au droit commun. L’alignement et la revalorisation des pensions cristallisées n’ont, en effet, été que partiels pour 18 000 pensionnés d’invalidité et 32 000 pensionnés militaires de retraite. La Cour des comptes a, en conséquence, recommandé l’abrogation définitive de tous les textes de cristallisation et la rédaction d’un texte unique de nature à clarifier les situations juridiques en cours.

De même, dans une décision du 28 mai dernier, le Conseil constitutionnel avait déclaré inconstitutionnelles toutes les dispositions législatives conduisant à la cristallisation, car étant contraires au principe d’égalité. Les Sages ont, cependant, laisser du temps au Parlement pour légiférer, cette déclaration d’inconstitutionnalité prenant effet à compter du 1er janvier 2011.

Le présent article vient donc combler le vide qui existera l’an prochain. Il prévoit, enfin, un alignement de la valeur du point de pension, mais conditionne l’alignement de l’indice à une demande explicite des intéressés : anciens combattants, conjoints survivants et orphelins.

Cette exigence est inacceptable. L’alignement doit être intégral et automatique ; aucun préalable ne devrait être posé.

Tel était l’objet de notre amendement fantôme : un alignement automatique !

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M. le président. L’amendement n° II-485, présenté par M. Yung, Mmes Cerisier-ben Guiga, Lepage et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l’article 57, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – L’article 164 A du code général des impôts est ainsi rédigé :

« Art. 164 A. – Les revenus de source française des personnes qui n’ont pas leur domicile fiscal en France sont déterminés selon les règles applicables aux revenus de même nature perçus par les personnes qui ont leur domicile fiscal en France.

« À l’exception des personnes disposant exclusivement de revenus de source française, les personnes qui n’ont pas leur domicile fiscal en France ne peuvent déduire aucune charge de leur revenu global en application des dispositions du présent code. »

II. – La perte de recettes résultant pour l’État du I ci dessus est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Claudine Lepage.

Mme Claudine Lepage. En l’état actuel du droit, l’article 164 A du code général des impôts pose le principe selon lequel les personnes ayant leur domicile fiscal hors de France ne peuvent déduire aucune charge de leur revenu global imposable.

Ce principe fondamental du droit fiscal est notamment motivé par le fait que l’impôt dont les personnes fiscalement non résidentes sont redevables en France est établi uniquement sur leurs revenus de source française – ou sur leurs revenus dont l’imposition est attribuée à la France par une convention fiscale –, alors que les charges sont un emploi de l’ensemble de leurs revenus, incluant donc les revenus de source étrangère.

En d’autres termes, ce principe vise à éviter qu’en cas de disproportion significative entre le revenu de source française et le revenu de source étrangère – notamment dans le cas où ce dernier serait très nettement supérieur au premier – la déductibilité ne permette d’échapper purement et simplement à toute imposition. Il semble également que l’autorisation d’une telle déductibilité pourrait parfois aboutir à une double déduction de la même charge, à la fois en France et dans le pays ou le contribuable a sa résidence fiscale.

En pratique cependant, force est de constater que l’application de ce principe général pose un problème lorsque la personne fiscalement non résidente ne perçoit aucun revenu de source étrangère. Dans ce cas, certaines charges normalement non déductibles peuvent en effet faire l’objet d’une double imposition, à la fois au titre des revenus de la personne non domiciliée en France et au titre de ceux de la personne attributaire.

Partant de ce constat, le présent amendement tend à aménager les dispositions de l’article 164 A du code général des impôts afin de permettre la déductibilité des charges, par exemple, des pensions alimentaires ou des prestations compensatoires, lorsque la personne fiscalement non résidente perçoit exclusivement des revenus de source française.

La disposition que je vous propose d’adopter est issue d’une proposition du Médiateur de la République. Elle n’a pas pour objectif d’accorder un droit supplémentaire aux évadés fiscaux, mais vise, tout simplement, à éviter les doubles impositions.

L’application de cette mesure permettrait, par exemple, à des retraités de la fonction publique établis hors de France et divorcés de déduire de leur revenu global, conformément à l’article 156 du code général des impôts, la pension alimentaire qu’ils versent à leur ex-conjoint.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Cet amendement vise à instaurer une exception au principe bien établi selon lequel on n’applique pas de déduction au titre des charges sur les revenus de source française des personnes ayant leur domicile fiscal à l’étranger. Ainsi, celles de ces personnes qui ne perçoivent que des revenus de source française pourraient appliquer une telle déduction si cet amendement était adopté.

Je comprends bien que des questions peuvent se poser pour des personnes qui, tout en résidant à l’étranger, travaillent en France et n’ont que des revenus de source française, mais je crains, ma chère collègue, que l’adoption de votre amendement, même si vous ne visez certainement pas cet objectif, ne favorise des schémas d’optimisation fiscale.

C’est la raison pour laquelle une mesure de ce type me semble devoir être abordée avec précaution. La commission, n’ayant pas pu expertiser sous tous ses aspects ce dispositif qui, manifestement, ne s’adresse qu’à des personnes de condition modeste (Sourires.), a donc émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. François Baroin, ministre. Je rappelle les principes applicables en la matière.

D’une part, les personnes domiciliées en France, qui déclarent l’essentiel de leurs revenus en France, sont soumises à une obligation fiscale illimitée. La contrepartie de cette obligation fiscale est la faculté de faire état de certaines charges non déduites des revenus habituels.

D’autre part, les personnes non domiciliées en France sont imposées en France uniquement sur la base des revenus qu’elles perçoivent de source française : on parle alors d’obligation fiscale limitée.

Si je comprends bien, votre amendement, madame la sénatrice, vise les cas très spécifiques de personnes non domiciliées en France, qui perçoivent exclusivement des revenus de source française. Il paraît justifié de traiter ces personnes de la même façon que des résidents fiscaux français ; tel est d’ailleurs le sens de la jurisprudence communautaire et de l’article 197 A du code général des impôts, qui prévoit qu’une personne non résidente ne peut subir, sur ses revenus de source française, une imposition à un taux supérieur à celui qui aurait résulté de l’imposition en France de l’ensemble de ses revenus mondiaux.

Je m’engage donc à ce qu’une instruction fiscale commente cette disposition afin de créer une matrice d’analyse pour tous et de permettre la déduction des charges précitées aux personnes que vous visez. Sous le bénéfice de ces explications, je souhaite que vous retiriez votre amendement, madame la sénatrice.

M. le président. Madame Lepage, l’amendement n° II-485 est-il maintenu ?

Mme Claudine Lepage. J’ai bien entendu les explications de M. le ministre, qui s’est engagé à prendre en compte ma demande. Je retire donc mon amendement.

M. le président. L’amendement n° II-485 est retiré.

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