1

Budget 2012: mon intervention sur les crédits de l’enseignement scolaire

Dans le cadre de la discussion des crédits de la mission « Enseignement scolaire », je suis intervenue pour évoquer l’enseignement des langues vivantes et pour interpeller le ministre de l’Education nationale sur les difficultés existant à la cité scolaire Honoré de Balzac à Paris, qui accueille de nombreuses sections internationales.

Mme la présidente. La parole est à Mme Claudine Lepage.

Mme Claudine Lepage. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les Français sont nuls en langue étrangère ; voilà en tout cas ce qu’on nous ressasse depuis des années. Mais, contrairement à M. Jean-Claude Lenoir, je ne crois pas que ce soit une fatalité !

Les résultats des Français aux évaluations internationales sont toutefois médiocres. L’exemple du TOEFL – Test of english as a foreign language – n’est pas très glorieux : le score moyen obtenu par les étudiants en 2008 place la France loin derrière l’Allemagne et les Pays-Bas. Inutile, donc, de se voiler la face ; nous sommes confrontés à un véritable problème, mais aussi à un formidable défi !

La bonne maîtrise d’une langue vivante est aujourd’hui un prérequis pour tous. Mais, au-delà de la compétence fondamentale à acquérir – je peux en témoigner, puisque j’ai baigné durant trente ans dans une culture et une langue différentes –, l’ouverture à l’altérité, l’enrichissement engendré par l’appréhension d’une culture différente, d’un autre système de pensée, sont autant d’atouts qu’offre l’apprentissage des langues étrangères.

Certes, aujourd’hui, notre gouvernement est plus enclin à nous proposer un projet de repli sur soi et de peur des étrangers… Et, pourtant, on encourage nos enfants à mieux maîtriser leurs langues.

Nous n’en sommes pas à un paradoxe près et, monsieur le ministre, nous ne pouvons que nous féliciter de votre initiative d’avoir mis en place le comité stratégique des langues, qui doit rendre son rapport à la fin de l’année. Nous espérons que la commission de la culture, de l’éducation et de la communication en aura rapidement connaissance.

La volonté affichée est remarquable : déjà, à l’automne 2009, le Président de la République, annonçant un plan d’urgence pour les langues vivantes étrangères, manifestait son ambition de former des bacheliers bilingues, voire trilingues.

Les pistes évoquées sont tout aussi ambitieuses : sans surcoût, ni embauche supplémentaire, vous proposez un apprentissage dès l’âge de trois ans et une « exploration des diverses modalités d’apprentissage »… Beau programme que l’on ne peut que saluer !

Mais il semble bien que nous ne vivions pas dans le même monde. Le monde de l’éducation, que je connais, a vu ses assistants de langues vivantes supprimés,…

Mme Danielle Michel. Eh oui !

Mme Claudine Lepage. … les formations continues des enseignants rabotées et le nombre d’élèves par classe croître encore en raison des 14 200 suppressions de postes. Dans ces conditions, vous comprendrez que la communauté éducative comme les parents manifestent une certaine réserve.

Même si, depuis la réforme de la formation des enseignants, un certificat de compétences en langues est exigé, nous savons tous parfaitement que, en attendant, la majorité des enseignants en poste n’a pas le niveau requis et devra, en l’absence d’assistants de langues vivantes, assurer ces cours de langues sans formation dans la langue ni dans l’enseignement de cette langue. Or, même avec le recours aux technologies de l’information et de la communication pour l’enseignement, TICE, que vous préconisez, on ne peut pas enseigner une langue que l’on ne maîtrise pas !

Je ne peux que regretter cette politique d’affichage pour laquelle, notamment, « l’enseignement précoce dès l’école maternelle avec les TICE » serait la panacée.

Encore faudrait-il d’ailleurs être certain de la pérennisation de l’école maternelle. Après la discussion confisquée ici même, voilà quelques semaines, de la proposition de loi de Mme Françoise Cartron, il est permis de nourrir certaines inquiétudes. Mais c’est un autre débat…

Justement, nul ne peut nier l’intérêt de cet apprentissage de l’anglais dès trois ans. Mais ne nous berçons pas d’illusions : le vrai bénéfice réside dans l’exposition précoce, mais surtout suffisante aux langues étrangères. Or tous les enfants n’ont pas la chance de baigner dans un univers familial bilingue ou de langue différente du français. Dans ces conditions, deux fois trois quarts d’heure de pseudo-enseignement par semaine n’ont aucun sens si l’on vise un véritable apprentissage.

Bien sûr, mon intention n’est pas de décourager initiatives et bonnes volontés, mais je tiens à dénoncer ce miroir aux alouettes qui ne suscitera que déception chez les enfants, les enseignants et les parents.

Il est parfaitement illusoire et malhonnête de laisser penser, comme vous le dites, monsieur le ministre, que l’on pourra « réinventer » l’enseignement des langues vivantes sans y consacrer un minimum de moyens. À cet égard, les échanges d’enseignants seraient déjà profitables. Nous disposons de l’outil permettant d’y parvenir, le programme Jules Verne, qui ne demande qu’à être développé.

En tout état de cause, il semblerait plus réaliste d’envisager d’abord, pour les plus petits, un éveil aux différentes langues, avec un objectif d’éducation à la diversité, comme le préconise le linguiste Claude Hagège.

J’aimerais aborder maintenant la question des sections internationales.

L’ouverture sur des cultures différentes est bien leur objectif, puisqu’elles scolarisent des élèves déjà empreints d’une double, voire d’une triple culture, parce qu’ils sont d’origine étrangère, qu’ils ont vécu à l’étranger ou sont issus de familles expatriées. Les cours y sont assurés par des enseignants français recrutés sur profil et étrangers intervenant alors dans leur langue pour des enseignements spécifiques.

Ainsi, contrairement aux sections européennes, ces sections internationales présentent, certes, un enseignement renforcé en langue, mais surtout une pédagogie culturellement différenciée. C’est là que réside tout leur intérêt.

La France compte plusieurs lycées au statut d’établissement international, celui de Saint-Germain-en-Laye, par exemple. La capitale dispose non pas d’un tel établissement, mais d’un lycée comportant six sections internationales près de la porte de Clichy. La cité scolaire Honoré de Balzac bénéficie d’une riche mixité sociale : sur les 2 000 élèves, 50 % sont inscrits en sections internationales et 50 %, inscrits en section générale, sont des enfants du secteur.

Les bienfaits de cette grande hétérogénéité sociale, alliée à l’ambiance multiculturelle, sont reconnus par tous. Cependant, de fortes tensions concrétisées par des mouvements de grève des professeurs et des élèves existent depuis plusieurs mois.

Une grande inquiétude est aussi manifeste chez les parents, qui s’interrogent sur les moyens : malgré sa localisation, l’établissement ne bénéficie pas du programme ECLAIR. Ils s’interrogent aussi sur les problèmes de personnels : manque de postes, non-remplacement de personnel, professeurs des sections internationales non recrutés sur un profil particulier propre à un enseignement pluriculturel, alors que les textes le commandent.

Au regard de l’absence de statut de lycée international de l’établissement, la pérennité même de ces sections est en question, puisque, si elles étaient « diluées » dans la section générale française, elles perdraient de facto toute spécificité pédagogique et ne seraient plus que des sections à enseignement linguistique renforcé.

Pour pallier ces tensions certaines et ces éventuels dysfonctionnements – le passage de quatre proviseurs en cinq ans et l’absence de projet d’établissement posent question –, plusieurs associations de parents d’élèves, auxquelles je m’associe, sollicitent la tenue d’assises sur l’avenir de la cité scolaire Honoré de Balzac, notamment dans sa dimension internationale. Pensez-vous, monsieur le ministre, répondre à cette demande ?

Même si, par ailleurs, la capitale ne dispose d’aucune école élémentaire internationale – hors un projet pilote, depuis vingt-cinq ans, d’école franco-allemande dans l’est parisien –, le lycée Balzac répond à un véritable besoin, comme en témoigne la croissance continue des demandes de scolarisation en sections internationales.

Beaucoup d’élèves effectuent des trajets de plusieurs heures, car, malgré l’ouverture récente de quelques sections dans d’autres lycées parisiens, Balzac offre la plus grande diversité. Et le nouveau lycée international, dont l’ouverture est annoncée à l’est de l’Île-de-France, ne pourra rivaliser, notamment aux yeux des expatriés et des entreprises multinationales, avec un établissement situé dans Paris intra-muros. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.)

COMMUNIQUE DU GROUPE SOCIALISTE

 Les sénatrices et sénateurs socialistes rejettent les crédits relatifs à la mission « Enseignement Scolaire »

 

 

 

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012, Luc CHATEL a défendu un budget de l’Enseignement scolaire en hausse de presque 1% par rapport à 2011. Françoise CARTRON, rapporteure pour avis, a dénoncé une augmentation en trompe l’œil. Celle-ci ne couvrant pas l’inflation, il s’agit en réalité d’une baisse.

Au cours des discussions, le Ministre de l’éducation nationale n’a cessé d’associer le métier d’enseignant à un aggravateur de dettes, justifiant de cette manière les 14 000 nouvelles suppressions de postes prévues à la rentrée 2012. A l’inverse, pour la majorité sénatoriale il s’agit d’un investissement au service de l’éducation de nos enfants et de l’avenir de notre pays.

En cette période de recrudescence du chômage, le gouvernement, à l’origine du plus gros plan de licenciement de l’Etat dans l’Education nationale, aura supprimé 80 000 postes en 5 ans… préférant payer 1,3 milliard € d’heures supplémentaires.

Cette année encore, la définition budgétaire s’est faite sans aucune concertation avec les élus locaux et les acteurs éducatifs. Or, il aurait fallu aborder des problématiques essentielles, notamment la question du financement de la formation des enseignants puisque que celle-ci a été réduite à néant par la réforme de la « mastérisation ».

Nous en sommes à la deuxième promotion de jeunes enseignants sacrifiés sur l’autel d’une politique de pure optimisation financière. Il y a urgence.

Françoise CARTRON, à l’instar de ses collègues socialistes, a souhaité rappeler que le prétendu réalisme budgétaire du gouvernement avait une limite qui s’appelait la Loi. En effet, le Conseil d’Etat vient de rendre une décision qui invite Luc CHATEL à revoir ce brouillon de réforme, justement à cause du manque total de concertation.

Malgré ce rappel à l’ordre, le Ministre s’est une nouvelle fois contenté de botter en touche. Une mauvaise habitude que le Sénat n’accepte plus.

Françoise CARTRON,
vice-présidente de la commission Affaires culturelles et Education

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*