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Les milliers de médecins à diplôme étranger pourront continuer à exercer

Le Parlement vient d’adopter définitivement, après le vote de ce mardi par le Sénat, la proposition de loi relative à l’exercice des professions de santé par des titulaires de diplôme étranger.

Il s’agissait  de permettre aux praticiens ( médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes et pharmaciens) recrutés sur diplôme étranger avant le 3 août 2010 de continuer d’exercer jusqu’au 31 décembre 2016, alors que cette faculté s’est éteinte le 31 décembre dernier. Depuis cette date, la situation juridique et statutaire de ces  quelques 4000 praticiens était encore plus précaire et  la continuité de fonctionnement du service public de santé et d’égalité d’accès aux soins sérieusement mise à mal. En effet, ces praticiens sont bel et bien des maillons indispensables au fonctionnement des hôpitaux dans de nombreux territoires.

Si l’adoption, dans l’urgence, de ce texte, après prise en considération tardive du gouvernement, permet  de combler ce vide-juridique inacceptable, elle ne résout en rien le problème de la désertification médicale que connait la France, causée certes par le numérus clausus trop faible, mais aussi par le manque d’attractivité certain des carrières à l’hôpital.

Par ailleurs, il n’est pas acceptable de continuer à considérer ces praticiens  à diplôme étranger comme la variable d’ajustement de notre politique hospitalière: s’ils ont les compétences requises leur permettant d’exercer dans nos hôpitaux, ils doivent bénéficier d’un véritable statut professionnel et salarial équivalent à celui des médecins à diplôme français.

Bien que le texte ne traite pas spécifiquement de ce sujet,  j’ai tenu, à nouveau, à faire part à la secrétaire d’état à la Santé de la situation des futurs médecins français à diplôme étranger qui n’ont toujours pas la possibilité d’être recrutés en qualité de « faisant fonction d’interne ». Il y a urgence  à modifier les dispositions  réglementaires pour pallier cette injustice manifeste.

Lire ci-dessous mon intervention en discussion générale.

Mme Claudine Lepage. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, chers collègues, nous examinons, ce 24 janvier, une proposition de loi visant à encadrer les conditions d’exercice de certains professionnels de santé titulaires d’un diplôme obtenu dans un pays non membre de l’Union européenne, qui a été déposée le 20 décembre 2011 sur le bureau de l’Assemblée nationale et examinée le 18 janvier 2012 par nos collègues députés. Que l’on me permette de saluer l’exceptionnelle efficacité du Parlement… Mais ne faut-il pas plutôt parler de précipitation imposée par l’urgence de la situation ?

Certes, si nous débattons de ce texte aujourd’hui, c’est en raison de la censure par le Conseil constitutionnel, voilà quelques semaines, de l’article de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 qui traitait de la question qui nous occupe.

Le Conseil constitutionnel a en effet estimé qu’il s’agissait d’un cavalier législatif. D’aucuns ont alors fait remarquer qu’il s’était, en l’occurrence, montré particulièrement scrupuleux. Peut-être, mais il n’en demeure pas moins que cet épisode ne serait pas survenu si la majorité présidentielle avait su anticiper : là est bien le problème. Cela nous oblige de nouveau à légiférer dans l’urgence.

Déjà, il avait fallu attendre la fin de l’année 2006 pour que soit mis en place, au travers de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, un examen dérogatoire, parallèlement à la nouvelle procédure d’autorisation d’exercice qui astreint les praticiens titulaires d’un diplôme étranger à passer un concours très sélectif, alors même que leurs compétences sont reconnues et qu’ils occupent déjà un poste.

Il était prévu que cette mesure dérogatoire prendrait fin le 31 décembre 2011. Quelques jours seulement avant cette date, le Gouvernement a donc décidé d’introduire dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale un article la prorogeant. C’est ce que l’on peut appeler faire preuve d’une belle capacité d’anticipation…

En définitive, à la suite de la décision du Conseil constitutionnel, ce sont quelque 4 000 praticiens qui, depuis le 1er janvier dernier, exercent dans l’illégalité.

Or, quand on sait que, dans certaines régions, comme le Nord-Pas-de-Calais, ces médecins ayant obtenu leur diplôme dans un pays extérieur à l’Union européenne, qu’ils soient français ou étrangers, représentent près de 50 % des effectifs hospitaliers, on mesure aisément les conséquences alarmantes d’une telle négligence.

La désertification médicale est telle que les praticiens à diplôme étranger jouent un rôle absolument essentiel pour assurer la continuité du service public de santé en France.

D’après le Centre national de gestion des praticiens hospitaliers et des personnels de direction de la fonction publique hospitalière, le nombre de ces professionnels de santé ayant obtenu leur diplôme dans un pays non membre de l’Union européenne s’établissait, en 2011, entre 6 700 et 7 100 ; s’y ajoutent 3 300 praticiens en formation. Sur les 214 000 médecins en activité au 1er janvier 2007, 17 000 étaient des PADHUE.

Pourtant, aussi indispensables soient-ils, ces praticiens subissent une grande précarité : leur statut contractuel est renouvelable d’année en année, sans prise en compte de leurs nombreuses années d’exercice ; leur salaire est bien inférieur à celui de leurs collègues à diplôme français, alors même qu’ils exercent le même métier et assument de fait les mêmes responsabilités ; ils exercent dans des conditions souvent extrêmement difficiles, dans des zones désertées par leurs collègues titulaires d’un diplôme français ; ils sont contraints d’accumuler les gardes, à la fois pour répondre aux besoins et pour améliorer leur salaire ; enfin, ils n’ont aucune perspective de carrière et n’obtiendront jamais l’autorisation de s’installer.

La proposition de loi que nous examinons ce soir est incontestablement nécessaire, mais elle ne résoudra nullement le problème de la quasi-exploitation de ces praticiens et ne répondra pas à leur légitime besoin de reconnaissance, voire de dignité.

À cet égard, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité avait très clairement dénoncé, dans sa décision du 27 février 2006, une discrimination à l’encontre de ces praticiens à diplôme étranger, trouvant sa source dans « l’exploitation qui est faite de leur absence de statut, alors même que leurs responsabilités concrètes sont identiques ».

Par ailleurs, le vote par nos collègues députés du report du 31 décembre 2014 au 31 décembre 2016 du terme de la période transitoire est bienvenu. Cela permettra en effet aux praticiens recrutés par les établissements de santé avant le 3 août 2010 de se présenter dans les meilleures conditions aux épreuves de vérification des connaissances, mais qu’en sera-t-il des étudiants et des médecins à diplôme étranger ayant commencé à exercer après 2010 ? À n’en pas douter, en 2016, le Parlement sera de nouveau saisi dans l’urgence d’un texte analogue à celui qui nous est soumis ce soir…

Il importe de prévoir une solution pérenne et de mettre fin à une hypocrisie qui ne nous honore pas : si ces médecins ont les compétences requises, comme en témoignent la place qui leur est accordée dans nos hôpitaux et le fait qu’ils y donnent satisfaction, nous devons, madame la secrétaire d’État, cesser de voter des textes à courte vue et offrir à ces médecins un statut qui leur rende leur dignité.

En tout état de cause, notre groupe votera cette proposition de loi, en dépit de ses imperfections. Bien qu’elle ne fasse que régler provisoirement le problème des PADHUE et n’appréhende pas la question de leur statut dans sa globalité, il convient de ne pas rendre encore plus précaire la situation juridique et statutaire de ces praticiens, dont la France a tant besoin.

Avant de conclure, je souhaite évoquer rapidement la situation spécifique des futurs médecins français à diplôme étranger qui n’ont pas la possibilité de bénéficier d’un recrutement en qualité d’étudiant « faisant fonction d’interne ». J’ai déjà abordé à plusieurs reprises ce problème, qui touche un grand nombre de nos concitoyens, placés ainsi dans une situation parfaitement injuste. Pour mettre fin à l’inégalité dont ils pâtissent, il suffirait, madame la secrétaire d’État, d’amender l’article 1er de l’arrêté du 8 juillet 2008, afin de permettre aux ressortissants communautaires résidant dans un pays extracommunautaire d’accéder aux cycles de formation médicale spécialisée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

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