Il y a quelques mois, j’ai répondu à un questionnaire « d’enquête sociologique » destiné aux recherches d’étudiantes en master 2 « Droit et Pouvoirs Publics, spécialité : Droits de l’Homme ».
Les nombreuses données collectées auprès des sénatrices françaises ( 49 avaient répondu sur 77 femmes élues à l’époque) ont permis la parution d’un article sur « Les femmes au Sénat » dans le numéro 2 de la Revue des Droits de l’Homme, publiée par le Centre de recherches et d’études sur les droits fondamentaux (CREDOF) de l’Université Paris X.
Cet article évoque un phénomène qui touche tous les domaines de la sphère politique française, mais qui est particulièrement flagrant au Sénat: la sous-présence des femmes. En effet, la France est l’un des pays au monde dont le taux de représentation des femmes dans la chambre haute demeure trop faible.
Après avoir retracé l’histoire des femmes au Sénat, l’article évoque la récente évolution du cadre juridique au seuil des années 2000, avec d’abord la réforme constitutionnelle de juin 1999 qui introduit dans l’article 1er de la Constitution, la disposition selon laquelle, »la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ». La loi de juillet 2000 favorise encore cette parité, en réformant le scrutin proportionnel des élections sénatoriales par l’introduction d’une obligation stricte de parité entre les hommes et les femmes au Sénat. Mais bien vite, la loi du 30 juillet 2003 vient, en pratique, amoindrir cette exigence, en limitant le scrutin proportionnel, traditionnellement plus favorable aux candidates que le scrutin uninominal.
Malgré tout, une augmentation constante du nombre de femmes siégeant dans la haute Assemblée est notable entre 2001 ( 10,6%) et 2008 (22%). Mais un coup d’arrêt est donné lors des élections de septembre 2011, avec un taux d’élues femmes qui stagne à 22,12%. Notons que, dans le même temps, l’Assemblée nationale a fait beaucoup mieux que le Sénat en terme d’égalité de représentation des citoyens au Parlement, en élisant 26,9% de députées le 17 juin 2012… La victoire de la gauche n’est assurément pas étrangère à cette progression.
En effet, les partis de droite présentent habituellement beaucoup moins de femmes aux élections, préférant payer les amendes dues en l’absence de respect des règles sur le taux de présentation des femmes (4 M€ payés par l’UMP pour les législatives 2012). Précisions cependant que le parti socialiste a aussi des progrès à accomplir puisqu’il a été redevable d’1 M€ à l’occasion de ces mêmes élections!
Le Président de la République, François Hollande, s’est engagé, durant sa campagne, à supprimer les subventions des partis politiques qui ne respectent pas cette parité. A cet égard, son engagement sur une loi instaurant le non-cumul des mandats est également de bon aloi. Notons que le non-cumul dans le temps favoriserait aussi une meilleure représentation des femmes. Par ailleurs, la disposition du projet de loi relatif à l’élection des conseillers départementaux, examiné dès janvier prochain au Sénat, qui instaure un scrutin majoritaire binominal paritaire pour les conseillers départementaux, doit aussi être saluée.
En l’état actuel de la législation il reste que, dès lors que l’obligation de parité ne s’applique qu’aux femmes candidates et non aux femmes élues, « les tentatives (masculines) pour contourner les obligations paritaires ne manquent pas: fausses listes dissidentes, tendance de sénateurs à constituer chacun leur propre liste, moyen destiné à n’avoir qu’un seul élu [homme] pour les reconduire dans leur mandat. » Et les esquives sont encore plus simples à mettre en œuvre pour les scrutins uninominaux, avec la présentation de candidates dans les circonscriptions considérées comme « ingagnables » ou la tendance bien commode qui consiste à penser que « le féminin de candidate, c’est suppléante »!
Comme le souligne la seconde partie de l’article, après avoir procédé à une étude du profil sociologique des sénatrices, « le parcours du combattant »auquel sont confrontées les femmes aux ambitions sénatoriales ne s’arrête pas à l’entrée du Palais du Luxembourg. Les fonctions les plus prestigieuses demeurent,effectivement, occupées très majoritairement par des hommes.
Malgré la « Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne » d’Olympe de Gouges en 1791, le chemin est encore long pour parvenir à une juste représentation des femmes en politique. Pourtant, l’égal accès de plus de 50% de la population aux responsabilités politiques est essentiel en ce qu’il constitue aussi un fidèle reflet de l’égalité entre les femmes et les hommes, à laquelle nous aspirons, pour l’ensemble de la société.
Et il me semble que l’un des outils pour y parvenir réside bien dans le système de la parité imposée. C’est un mal (temporairement) nécessaire, pour enclencher « un cercle vertueux ».
Il s’agit, notamment, aux jeunes femmes désireuses de s’engager de pouvoir, elles aussi, s’identifier à des figures politiques féminines et également de faire mentir, bientôt, les propos de l’une de mes collègues interrogées dans le cadre de cette étude qui soulignent que » le fait pour un homme de placer une femme tête de liste ou de défendre la parité fait toujours de lui un saint homme, comme s’il était extraordinaire, incroyablement bon et courageux de promouvoir pareille folie » !