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Argentine

Voyage à Buenos-Aires (29 – 31 mai 2008)

Ma visite à Buenos-Aires a été consacrée aux affaires consulaires, scolaires et culturelles. Par ailleurs, la réception donnée par M. l’Ambassadeur Baleine du Laurens m’a permis de rencontrer tout à la fois les jeunes stagiaires et volontaires internationaux et les deux centenaires de la communauté, ainsi que des entrepreneurs récemment établis ainsi que des expatriés des grandes entreprises.

J’ai eu aussi le plaisir d’avoir une entrevue très chaleureuse avec la députée socialiste de Santa Fe, Sylvie Augsberger : l’Argentine reste un pays très marqué par l’influence d’une Eglise catholique particulièrement réactionnaire. La condition des femmes y reste archaïque. Syvie Augsberger se bat sur le terrain et au Parlement sur le droit à la contraception, à l’interruption volontaire de grossesse, aux violences faites aux femmes en familles, à la parité politique. En l’écoutant, j’avais souvent l’impression de revenir de 30, et même de 40 ans en arrière. Le féminisme reste le combat de l’avenir pour les milliards de femmes dans le monde.

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Le consulat

Pour 16000 Français inscrits dont 75% sont binationaux et 80 000 touristes annuels le consulat n’a plus que 5 agents titulaires, une assistante sociale et cinq recrutés locaux alors que j’avais dénombré 17 ou 18 agents il y a 5 ans. Ce n’est pas seulement en Afrique que des consulats sont sinistrés du fait du sous-effectif.

Cette équipe réduite reçoit environ 40 visiteurs par jour et une centaine d’appels téléphoniques, sans compter les mèls, de plus en plus nombreux mais non comptabilisés. La tâche est alourdie par le fait que la majorité des administrés, surtout les jeunes, ne parlent qu’Espagnol, et ont beaucoup de peine à comprendre les subtilités de nos imprimés administratifs. Lors des inscriptions, la lenteur du logiciel Racine fait que 20 minutes par personne sont nécessaires, or deux agents seulement peuvent être affectés à cette tâche à laquelle s’ajoute le service des passeports et des CNI.

L’un des postes les plus lourds, tenu par une seule recrutée locale aux compétences confirmées est l’état-civil-nationalité-notariat. Imagine-t-on en France une ville de 16 000 habitants dont l’état-civil serait tenu par un seul fonctionnaire ? Cette personne finit par ne plus prendre ses congés tant elle sait que le travail va s’accumuler pendant son absence. Cette situation est d’autant plus grave qu’en 2001, au moment de la grande débâcle financière de l’Argentine, plus de 1000 actes d’état-civil ont été transcrits à tort : des personnes d’origine française sont venues s’immatriculer alors qu’elles étaient frappées par la désuétude et n’étaient plus françaises. Cela génère aujourd’hui des vérifications, des demandes de CNF que les administrés doivent constituer sans l’aide du consulat... ce qui augmente le travail car, après 18 mois d’attente, le greffe de Paris 1er commence à demander des pièces complémentaires via le consulat ! Et voilà comment la simplification administrative complique à la fois la vie des citoyens et la tâche des fonctionnaires.

Un autre poste soumis à une tension excessive est celui de la régie du poste, tenu par une seule fonctionnaire pour 11 500 écritures par an. Le risque d’erreur est réel. Il bloquerait tel ou tel service à l’ambassade puisque tout le fonctionnement financier du poste repose sur ce service. Or il y a des paiements incontournables : pensions, allocations du CCPAS, salaires, c'est-à-dire plus de 550 écritures par mois. A cela s’ajoute une lourde activité de contrôle.

Le service social gère un des plus gros budgets du monde, 1 million d’euros au CCPAS, et le même montant pour les bourses scolaires. Avec une assistante sociale détachée et deux agents, il ne serait pas possible de faire face à la réception des Français en difficulté, à la recherche des moyens de leur apporter assistance sans l’appui de deux bénévoles : Marc Jamin, agent retraité du consulat, et Jacqueline Martin.

Le lycée Mermoz

J’ai visité le lycée Mermoz trop tard dans l’après-midi du 30 mai pour le voir en activité et mon emploi du temps ne m’a pas permis de revoir le collège Martinez.

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Le lycée Mermoz scolarise 1425 élèves pour moitié en maternelle et primaire et pour l’autre moitié en collège et lycée. Cet équilibre pourrait être rompu par le fait que le collège Martinez dont les élèves venaient à Mermoz à partir de la Seconde va se doter d’un second cycle pour la préparation du baccalauréat international de Genève. La complémentarité des deux établissements, Mermoz, qui est un établissement en gestion direct, EGD et Martinez, école privée conventionnée, pourrait être mise à mal et suppose de la vigilance, tant des chefs d’établissements que du service culturel.

Sur le plan pédagogique, le lycée Mermoz est confronté aux difficultés linguistiques des élèves qui ne pratiquent le Français qu’en classe, qu’ils soient argentins ou binationaux. La répartition de l’horaire entre le Français et l’Espagnol fixée par l’accord de 1964 avec le gouvernement argentin (50% en langue française, 50% en langue espagnole) devrait être réaménagé au profit du Français. Ceci dit, sous la direction du proviseur Bernard Pujol, le lycée cherche à amener tous les élèves au bac avec des résultats très satisfaisants : un seul échec a été enregistré en 2007. Il faudrait aussi mieux répartir les enseignants de recrutement local et les détachés Français selon les niveaux. Le nombre d’enseignants de nationalité française est tombé à 5 expatriés et 25 résidents. C’est peu pour maintenir le caractère français de l’école et ce sont les familles qui rémunèrent intégralement les 140 enseignants recrutés locaux !

Les enseignants résidents et recrutés locaux sont confrontés à la hausse du coûte de la vie, et en particulier à celle des loyers qui peuvent doubler d’une année à l’autre ;

Action culturelle et linguistique

Comme le consulat, le Service de Coopération et d’Action Culturelle est dépeuplé. Les départs à la retraite ne sont plus remplacés

Ce service dispose de moitié moins de crédits d’intervention qu’il y a dix ans. Les responsables compensent cette chute par la recherche de cofinancements, ce qui leur permet de maintenir un niveau d’activité acceptable, même s’il n’est pas à la mesure du pays. J’ai pu constater ici le même phénomène de mauvaise affectation des ressources humaines que dans la plupart des SCAC : faute de personnels d’exécution, les responsables peinent à se dégager des tâches administratives pour prendre des contacts, suivre des projets, trouver des financements.. qui supposent de prendre des contacts…

Grâce au réseau des Alliances Françaises qui est l’opérateur des actions de formation en Français et des manifestations culturelles, la France garde une certaine visibilité. Je regrette de n’avoir pas pu trouver le temps de contacts avec l’Alliance lors de ce voyage. Toutefois, il ne faut pas se leurrer. Le Français n’est plus enseigné depuis les années 90 dans les écoles argentines. Dans la province de Buenos-Aires qui scolarise la moitié des élèves argentins, seuls 0,05% des lycéens reçoivent quelques heures de cours de Français. Il ne reste que peu de secteurs où le besoin d’apprendre le Français se fait sentir : accueil des touristes, étudiants ou chercheurs avant un départ en France.

L’attaché audio-visuel ne sera pas remplacé. Il avait mis l’accent sur la diffusion de la chanson française, devenue à la mode à Buenos-Aires comme j’ai pu le constater avec plaisir.

Le SCAC met l’accent sur la diffusion de la pensée française par deux actions. 100 000 € par an sont affectés à l’aide à la traduction et à l’édition d’ouvrages français, soit 600 titres diffusés en espagnol depuis 20 ans avec une participation française de 15 % du budget total.

L’autre moyen d’influence est le Centre franco-argentin des Hautes Etudes dont l’Université de Buenos-Aires assure intégralement le financement. La France ne finance que le salaire du directeur et quelques voyages de chercheurs français, mais le handicap de la distance (coût des billets d’avion) est de plus en plus pesant.

Si réellement les crédits d’intervention culturelle du ministère des Affaires étrangères sont réduits de 33% dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, que restera-t-il de la présence culturelle de la France en Argentine et dans le reste de l’Amérique latine l’année prochaine ?

Les stagiaires et les Volontaires internationaux

Nombreux dans ce poste, présents dans tous les services, stagiaires et volontaires internationaux contribuent notablement à la bonne marche des services et remplacent, de fait, les fonctionnaires en sous-effectif. Or ces stagiaires ne sont ni défrayés de leurs frais de voyage, ni indemnisés comme ils le sont dans les entreprises, en vertu de la loi du 31 mars 2006 que le gouvernement s’est bien gardé de rendre transposable aux services de l’Etat.

Pourtant, ils fournissent un travail productif qui apporte une vraie valeur ajoutée à la qualité des prestations fournies par les services publics. Ils ont de vraies compétences, des connaissances, mais aussi des savoir-faire. Beaucoup d’entre eux sont là pour des stages non seulement obligatoires, mais aussi décisifs pour leur cursus, puisque ces stages peuvent compter pour un semestre complet d’études, et parfois le semestre final. Ces stages ne sauraient être considérés comme de simples stages d’observation, puisqu’ils sont une étape importante de leur insertion professionnelle.

Le principal problème de ces stages réside dans leur coût, puisque les étudiants doivent pouvoir avancer une somme d’argent importante pour financer leur transport et leurs frais de séjours. Certains stagiaires travaillent et économisent pour pouvoir s’offrir leur stage, en attendant de toucher les éventuelles bourses complémentaires. On ne peut que louer de telles initiatives, mais il n’est pas toujours possible de s’organiser suffisamment à l’avance, et surtout la situation génère trop d’inégalité entre les étudiants.

Il est donc important que le cadre général de leur statut soit révisé, des améliorations concrètes et rapides sont indispensables : pour encourager les étudiants motivés qui ne pourraient pas postuler pour des raisons financières à des stages dans des pays lointains, ou dans des villes où le coût de la vie est dissuasif, il serait souhaitable que les postes soient incités, et concrètement aidés, à prendre des initiatives qui favorisent la venue de ces stagiaires. Selon les conditions particulières à chaque poste et pays, il peut s’agir d’une indemnité pour le déjeuner quand il n’y a pas de service de restauration, d’une indemnité de transport en commun dans les grandes métropoles où le coût de la vie est cher, ou bien d’obtenir des aides des compagnies de transport, voire de pouvoir faire bénéficier les stagiaires de logements éventuellement disponibles.

Programme avec Français du Monde ADFE

Vendredi 30 mai à 20 heures 30 au restaurant-crêperie « Le Finistère »

Réunion avec le bureau de la section afin de faire le point sur la renaissance de l’association Français du Monde ADFE en Argentine et de son développement futur.

P1000510(+  Dans le cadre agréable de cette crêperie, ouverte récemment par des compatriotes bretons, bons cuisiniers et bons chanteurs.

Samedi 31 mai de 12 heures 30 à 14 heures 30 au siège du Parti socialiste argentin.

Réception organisée conjointement par les sections FDM-ADFE et du Parti socialiste français de Buenos Aires avec un buffet. Le parti socialiste nous a offert son hospitalité et nous avons d’abord exprimé notre reconnaissance aux deux camarades argentins qui nous ont accueillis.

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Samedi 31 mai à 15 heures 30 au café « La Paz »

A la suite de la réunion publique, les animateurs de Français du Monde ADFE ont retrouvé les jeunes qui ont relancé le parti socialiste à Buenos Aires l’an dernier : bonne occasion de resserrer les liens et d’étudier les modalités pratiques d’une bonne coordination entre l’activité de l’association de gauche et la section du parti socialiste.

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Merci à Josiane Thierry, présidente, Jérôme Guillot et Marc Jamin qui ont si bien préparé mon séjour et m’on accompagnée dans la plupart de mes activités.

REVUE DE PRESSE :

Article du Journal Cedille sur son site :

Monique Cerisier ben Guiga, Sénatrice représentant les Français établis hors de France (Parti Socialiste) a effectué une visite à Buenos Aires du 28 au 31 mai pour rencontrer la communauté locale. Sous l’initiative de la section argentine de la FDM-ADFE de Buenos Aires, présidée par Josiane Thierry, Mme Cerisier-ben Guiga a partagé un déjeuner buffet samedi dernier au siège du parti socialiste argentin.

Il en a résulté une conversation conviviale où une quarantaine de compatriotes se sont réunis autour d’une grande table afin d’exposer informellement les thèmes d’intérêt communs aux Français d’Argentine. Le panel était des plus variés, englobant diverses professions – avocats, professeurs, coiffeurs, artistes, fonctionnaires, représentants du PS, journalistes - et diverses tranches d’âge, avec une grande majorité de jeunes. Tous les sujets d’actualité ont été abordés, tels la gratuité des classes de terminale, les modalités d’élection des députés des Français établis hors de France, l’enseignement du français, les mariages mixtes, les aides sociales, l’emploi et la formation personnelle, le manque d’effectifs au consulat de Buenos Aires, les bourses et l’enseignement supérieur en métropole…

Français de l’étranger, il faut voter !

La Sénatrice n’a pas manqué de regretter la pauvre participation électorale des Français d’Argentine pour l’élection de leurs représentants et aux présidentielles qui présente "l’image d’une communauté française distante". Une image qui s’aggrave du fait que "les Français de l'étranger sont présentés comme des privilégiés vivant dans l'opulence et l'insouciance (…) une vision hexagonale et étroite de ce qui compose la population française : allusions ringardes aux émigrés (de Coblence, bien sûr) et aux évadés fiscaux, sans parler des milliardaires de Suisse. En nos temps de mondialisation, percevoir les migrants français de cette façon, c’est furieusement béret-camembert-baguette".

Madame Cerisier-ben Guiga n’a pas manqué de souligner la facilité d’adaptation des Français en terre étrangère, une intégration qui entraîne une très grande proportion de binationaux (75% des Français enregistrés au Consulat général de Buenos Aires sont binationaux)

L’Assemblée des Français de l’étranger (Argentine, Chili, Paraguay et Uruguay) était représentée par Bertrand de la Bouillerie qui fut amicalement salué par Mme ben Guiga : "Un pied à gauche, un pied à droite, vous êtes toujours bien planté".

Lors de la réunion, Marc Jamin a été confirmé comme candidat du l’ADFE aux prochaines élections de représentants à l’AFE qui se tiendront en 2009.

Suzanne Thiais – lacedille.com.ar – lundi 2 juin 2008

EXPAT - Une sénatrice à la rencontre des Français d'Argentine     

mercredi 04 juin 2008

Monique Cerisier Ben Guiga est l'une des 12 sénateurs représentant les Français établis hors de France depuis bientôt deux mandats. Elle était la semaine dernière à Buenos Aires et Le Petit Journal.com a profité d'une rencontre organisée par l'ADFE pour la rencontrer. Pauvreté et éducation étaient au coeur de la discussion

Le Petit Journal.com : Pourquoi vous êtes-vous intéressée à la communauté française de Buenos Aires ?

Monique Cerisier Ben Guiga : Je m'étais déjà penchée sur la communauté française de Buenos Aires lors de la rédaction de mon rapport sur la pauvreté de la communauté française à l’étranger, en 1999. J'avais alors étudié cinq situations : l'Italie, la Côte d'Ivoire, New-York, Madagascar et l'Argentine. Au total, le gouvernement aide 40.000 Français sur les deux millions recensés à l’étranger.

C'est dérisoire si l'on compare ces chiffres à un département français... En général, les Français de l'étranger forment une communauté très dynamique. Néanmoins des situations de pauvreté existent, notamment en Argentine.

Est-il exact que la communauté française d'Argentine est l'une des communautés les plus utilisatrices d'aide sociale ?

Tout à fait. La communauté française d'Argentine est une communauté établie de longue date. Lorsque j'ai enquêté en 1999, la crise déjà forte avait provoqué une dégradation des conditions de vie de ces Français. Les crises successives ont éprouvé une communauté française qui disposait, à son arrivée, de biens et de propriétés éparpillés au fil des décades. Près de 15.000 Français sont inscrits au consulat ; les trois-quarts de ces Français sont aussi Argentins. Les Français s'intègrent très vite ici.

Quels sont les autres soucis que peuvent rencontrer les Français d'Argentine ?

Ils peuvent se heurter à des problèmes administratifs, par exemple pour maintenir leur nationalité française. Les consulats recrutent parfois du personnel ne parlant pas l'espagnol. Cela engendre des difficultés supplémentaires auprès des nationaux ayant perdu leur maîtrise de la langue française. Au niveau scolaire, peu d'élèves peuvent intégrer l'école française. On peut se contenter de cet état de fait ou se demander comment le faire évoluer.

Sur le sujet de l'éducation, le président du comité des parents d'élèves du lycée Mermoz dénonçait les conséquences négatives de la mesure instaurant la gratuité des études pour les terminales, premières et secondes. Partagez-vous ce constat ?

Pour moi le lycée français doit avoir deux fonctions tout aussi importantes. Assurer la continuité de l'enseignement français aux Français et accueillir et éduquer les élèves étrangers. En moyenne dans le monde, nous avons calculé que ces mesures de gratuité entraîneront 10% d'augmentation des droits de scolarité pour tous les autres. Finalement la gratuité est une mesure négative : il faut s'interroger sur comment rendre les établissements financièrement accessibles.

Toujours sur l'éducation, le jeune président de l'association Terre de Talents, pointait le manque d'articulation entre les lycées français de l'étranger et le système universitaire, en regrettant ne pas retrouver plus d'élèves diplômés d'un baccalauréat français sur les bancs des facultés. Quelle est votre opinion sur ce sujet ?

Le système universitaire est le parent pauvre de l'éducation française. Un jeune loin de son pays d’origine peut se retrouver dans une cité universitaire dégradée, où il est entassé dans un amphi, sans encadrement ni tutorat. Il est plus judicieux de réaliser une partie de ses études universitaires localement pour ensuite intégrer un Master ou un Doctorat en France.

Propos recueillis par Caroline BÉHAGUE. (www.lepetitjournal.com - Buenos Aires) mercredi 4 juin 2008


Publié le 18 juin 2008