Laxisme et angélisme, « signal de faiblesse [pour] les délinquants » : les discours de la droite qualifiant le projet de réforme pénale du gouvernement et la politique mise en œuvre par le Ministère de la Justice se suivent et se ressemblent. Les récentes controverses et notamment celle de la maison d’arrêt de Chartres, où n’ont pu, faute de place, être incarcérés trois délinquants condamnés à plusieurs mois de prison (cette incarcération étant seulement différée), ont alimenté ces discours. Il importe cependant de rappeler en premier lieu que la réforme pénale est encore au stade de projet. Autrement dit, la loi qui s’applique aujourd’hui n’est autre que celle votée par la précédente majorité, notamment la loi Dati de 2009, qui prévoit que toute peine inférieure à deux ans d’emprisonnement doit pouvoir faire l’objet d’un aménagement, et qui a été appliquée dans l’affaire de Chartres.
Cela étant dit, quels changements apportent le projet de loi « de lutte contre la récidive » présenté vendredi dernier 30 août par le gouvernement ? L’une des mesures-phares est l’introduction d’une peine de probation appelée « contrainte pénale ». « Ensemble d’interdictions et d’obligations », il s’agit, comme l’a indiqué Christiane Taubira à La Rochelle, d’une peine « en milieu ouvert, restrictive de liberté », qui pourra être prononcée pour les délits punis de cinq ans d’emprisonnement ou moins, le juge restant libre de prononcer une peine d’emprisonnement. Il ne s’agit donc que d’une mesure supplémentaire qui étend l’arsenal judiciaire sans supprimer aucun dispositif existant, et ne va donc en rien « accroître le sentiment d’impunité des voyous en France » comme l’affirme le Front National.
Aménagement des peines : La durée de la peine en dessous de laquelle était automatiquement examinée la situation du condamné en vue d’un éventuel aménagement a été divisée par deux par rapport à la loi Dati, soit un an pour les primo-délinquants et six mois pour les individus en état de récidive légale. Cela témoigne bien du caractère injustifié des accusations de laxisme venant de l’opposition.
Libération conditionnelle : Alors que c’est aujourd’hui le détenu qui doit préparer sa requête de libération conditionnelle, le projet de loi prévoit un examen automatique aux deux tiers de la peine qui débouchera soit sur un maintien en détention, soit sur une libération sous contrainte permettant un retour progressif à la liberté. Aujourd’hui seuls 10 % des détenus libérés le sont grâce à une conditionnelle, or les libérés conditionnels sont moins susceptibles de récidiver, puisque le détenu est suivi après sa sortie de prison.
Peines planchers : La suppression des peines planchers répond au besoin d’une meilleure individualisation du traitement juridique et redonne au juge de la liberté d’appréciation. Rien n’a jusqu’à présent démontré leur efficacité dans la lutte contre la récidive, laquelle passe plutôt pour le gouvernement par l’accompagnement des délinquants à leur sortie de prison, c’est-à-dire par la fin des « sorties sèches » qui représentent aujourd’hui 80 % des sorties de prison.
Enfin, les effectifs vont être renforcés pour permettre un meilleur suivi des condamnés, et le projet prévoit la construction de 6500 places de prison en 2014, 2015 et 2016.
Le projet de loi doit être examiné par le Conseil d’Etat avant d’être présenté en conseil des ministres fin septembre ou début octobre, puis examinée par le Parlement.