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Loi de Finances pour 2014, rapport pour avis sur les crédits de l’audiovisuel extérieur

Projet de loi de finances 2014 © SénatJ’ai présenté en commission de la Culture, de l’Education et de la Communication le rapport pour avis sur les crédits du programme «Audiovisuel extérieur» de la mission «Médias, livre et industries culturelles» du projet de loi de finances pour 2014.

L’année 2013 est une année charnière pour l’audiovisuel extérieur de la France. Aprés plusieurs années de marasme, Marie-Christine Saragosse prenait la présidence de la société AEF en septembre 2012, dans la foulée du rapport de Jean-Paul Cluzel publié à l’été de la même année et qui ouvrait la voie à une sortie de crise.

Un état des lieux des travaux engagés depuis lors révèle d’abord que la fusion des trois entités, RFI, France 24 et MCD est aujourd’hui acquise et acceptée . A cet égard, le travail de la présidente est à souligné: l’ambiance a changé et, grâce à une écoute remarquable, le fossé creusé depuis plusieurs années entre la direction et les salariés se comble. Quand au retour de TV5 Monde dans le giron de France Télévision, il permet une meilleure gouvernance mais doit aussi s’accompagner de la mise en place d’une belle synergie avec France 24, loin de toute concurrence stérile.

Ce nouveau départ est symbolisé par le changement de nom de l’entreprise, qui depuis l’été 2013 se nomme France Média Monde.

Consulter le rapport ici et lire ci-dessous le compte-rendu de la Commission.

Mme Claudine Lepage, rapporteure pour avis sur les crédits du programme « Audiovisuel extérieur ». – Permettez-moi, en premier lieu, d’évoquer les deux envoyés spéciaux de Radio France Internationale (RFI), Ghislaine Dupont et Claude Verlon, assassinés à Kidal au Mali, samedi 2 novembre. Ils sont morts dans l’exercice de leur profession de journaliste, au nom de la liberté d’expression, et je souhaitais aujourd’hui leur rendre hommage.

J’en viens à la présentation de la situation de France Médias Monde (FMM) et de TV5 Monde.

L’année dernière, j’avais fait une lecture assez sombre du bilan de M. Alain de Pouzilhac à la tête de la société de l’audiovisuel extérieur de la France (AEF), et plus globalement de l’histoire de cette entité.

Radio France internationale, radio polyglotte, qui a su construire une identité et conquérir une large audience, notamment en Afrique, semblait être la mal aimée de la famille AEF : les conflits de personnel ont été nombreux et, surtout, la radio a été considérée comme un média dépassé au profit de la télévision, dont les lumières brillaient plus fort aux yeux des dirigeants. N’oublions pas Monte Carlo Doualiya (MCD), qui est la radio arabophone, présente au Maghreb et au Proche-Orient.

France 24, créée au forceps en 2006, a connu une évolution plus heureuse mais a été atteinte d’une crise de croissance au moment de la fusion, qui a clairement accaparé toutes les forces de l’équipe dirigeante, sans qu’aucun projet clair n’émerge. Comme un symbole, l’État et le groupe ne sont jamais parvenus à établir un contrat d’objectifs et de moyens, faute de moyens, parfois, faute d’objectifs, surtout.

TV5 Monde, la chaîne francophone internationale à vocation généraliste, semblait quant à elle vivre sa vie à l’écart du groupe, puisque les partenaires sont toujours restés sceptiques sur ce rattachement capitalistique à une entité qui leur apparaissait concurrentielle.

En dépit de ce constat et des oppositions, la fusion était engagée le 13 février 2012.

Le rapport Cluzel, à l’été 2012, montrait cependant la voie d’une sortie de crise : il s’agissait pour faire simple de conserver l’entreprise fusionnée tout en maintenant la séparation des rédactions de France 24 et RFI.

S’agissant de TV5 Monde, le constat de l’inadaptation de la gouvernance était patent et un retour de France Télévisions dans le capital était clairement préconisé.

Le 7 octobre 2012, Mme Marie-Christine Saragosse, alors à la tête de TV5 Monde, prenait la présidence de la société de l’audiovisuel extérieur. Son arrivée a clairement sonné un nouveau départ.

Dans mon rapport de l’année dernière, je considérais que l’année 2013 était une année de transition qui devait remettre l’AEF sur les bons rails. J’estimais que ce chantier passait par la réalisation de douze travaux, devant être menés de front. Je vous propose cette année de faire un état des lieux du chantier, pour constater les réalisations effectuées et les travaux qu’il reste à terminer.

Premier point, tenir le cap défini par Jean-Paul Cluzel. Là, rien à dire, les rédactions ont été maintenues et exercent leurs activités de manière satisfaisante. Mais surtout, la fusion paraît aujourd’hui acquise, et n’est plus contestée sur le fond par les salariés. Reconnaissons à Marie-Christine Saragosse le talent d’avoir réussi à définir un projet commun pour l’ensemble des équipes et la prouesse est déjà exceptionnelle.

Elle avance donc sur la voie du deuxième travail, à savoir restaurer la confiance. Le fossé entre la direction et le personnel s’était très largement creusé à partir de 2008. En un an, on est très loin de la défiance, et on a même le sentiment que les salariés font assez largement front commun avec leur présidente, même quand ils soulignent les difficultés de l’entreprise.

La modernisation de la gouvernance était le troisième objectif. Deux réalisations majeures sont allées dans ce sens. Première étape, la nomination du président par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), grâce à la loi sur l’indépendance de l’audiovisuel public que nous avons récemment votée, devrait permettre de procéder à des nominations plus apaisées à l’avenir. Ensuite la fusion a été définitivement entérinée en cette fin d’année : alors qu’il y a avait encore trois comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et trois comités d’entreprises, il n’y en aura plus qu’un en 2014. Cette semaine ont par ailleurs lieu les premières élections professionnelles uniques. Preuve de l’adhésion à la fusion, les listes syndicales sont systématiquement panachées, avec des personnels de RFI et de France 24. L’appartenance syndicale l’a ainsi emporté sur le média d’origine.

Le quatrième des douze travaux était de réunir les membres de la famille. Je proposais l’année dernière que des salariés, de France 24 comme de RFI, puissent être présents au sein du conseil d’administration. Il apparaît que cela devrait être le cas, sans qu’aucune disposition juridique n’ait besoin de le prévoir.

Il fallait ensuite, à mon sens, organiser un nouveau baptême. Le 27 juin 2013, la société de l’audiovisuel extérieur de la France (AEF) a effectivement été renommée France Médias Monde, les noms et marques RFI, France 24 et Monte Carlo Doualiya (MCD) étant bien évidemment conservés.

Sixième axe : signer un accord d’entreprise. Avec la fusion, les personnels continuent de relever de dispositifs conventionnels disparates. Or, l’idée de créer une structure unique s’accompagne logiquement de celle de disposer d’un statut social commun, ce qui suppose de passer un nouvel accord d’entreprise. De l’avis de tous, les négociations seront longues et difficiles, du fait des écarts très importants de la situation des salariés de RFI et France 24, dont les structures démographiques et les méthodes de travail sont très disparates.

L’ambition est aujourd’hui de signer un accord avant la fin du contrat d’objectifs et de moyens, à savoir à l’échéance de 2015. Le sujet sera principalement celui du coût financier de cet accord.

Septième travail : construire un projet éditorial et un cahier des charges. Françoise Miquel, contrôleur général économique et financier, avait bien noté l’année dernière qu’une fusion et un déménagement ne font pas un projet d’entreprise.

Sur ce terrain, il apparaît que la présidente est parvenue à réunir les salariés autour d’objectifs assez clairs, avec un nouvel élan culturel, l’accent mis sur le monde arabe ou encore le décloisonnement entre les langues. Le slogan de France 24, liberté, égalité, actualité et celui de RFI, Les Voix du monde, donnent le ton.

De même, l’une des ambitions assez clairement portée est de faire connaître RFI et France 24 aux Français. Sur ce plan, Mme Aurélie Filippetti a annoncé que l’État ferait usage de son droit de préemption de fréquences pour fournir une plage d’exposition de France 24 sur la télévision numérique terrestre (TNT). Il s’agira d’un canal local en Ile-de-France, avec le créneau de 22 heures à 15 heures, en partage avec une autre chaîne, dont le choix fera l’objet d’un appel à candidature par le CSA.

À cette fin, le cahier des charges de France Médias Monde sera aussi modifié afin de prévoir la diffusion de France 24 sur notre territoire. Je considère qu’il est un peu dommage que seule la version française de France 24 soit mise en valeur. Il serait intéressant que le canal arabophone soit promu sur la TNT, même seulement une ou deux heures par jour, pour les populations arabophones habitant en Ile-de-France. La chaîne existe en effet sur le satellite, à côté d’autres chaînes d’information internationale, comme CNN ou Al Jazeera, mais sa notoriété n’est pour l’instant pas aussi forte. Le coût d’une telle option serait extrêmement marginal, les services de l’État évoquant des coûts de diffusion de 300 000 euros pour l’exposition actuellement prévue sur le GR1.

De même la diffusion de RFI et MCD en programmes mixtes a fait l’objet d’une expérimentation encourageante à Marseille, pendant la période Marseille-Provence 2013. Cette expérimentation est assurément à poursuivre.

Huitième objectif : reconstruire les rédactions. Il apparaît que ce travail a été réalisé et que RFI et France 24 parviennent à remplir leurs grilles. Certaines d’entre elles semblent largement reposer sur des pigistes, ce qui posera probablement des questions d’intégration à moyen terme. Par ailleurs, le COM prévoit qu’une étude de faisabilité soit conduite sur la mise en place d’une rédaction hispanophone à France 24. Mais les éventuelles discussions ne seraient engagées qu’à partir de 2015. L’important aujourd’hui est surtout de consolider l’existant, même si je considère que l’objectif est très pertinent.

Neuvième objectif : la définition d’une trajectoire financière pertinente et un nouveau COM. Le nouveau COM est arrivé cette semaine sur le bureau du Sénat et nous seront donc rapidement amenés à donner un avis dessus. C’est le premier depuis la création de France 24 et nous pouvons donc être extrêmement satisfaits. Il définit une trajectoire financière précise.

Pour 2014, il est proposé d’allouer à la société France Médias Monde, une dotation totale de ressources publiques de 240,3 millions d’euros, en hausse de 1,6 million d’euros par rapport à la loi de finances initiale (LFI) 2013.

Cette dotation est répartie de la manière suivante dans le présent projet de loi de finances : 75,4 millions d’euros au titre de la mission « Médias, livre et industries culturelles » et 164,9 millions d’euros issus du produit de la contribution à l’audiovisuel public.

France Médias Monde est ainsi le seul organisme de l’audiovisuel public qui dispose d’une hausse de sa dotation publique. Je ne peux que m’en réjouir. 1,8 million d’euros supplémentaires seront prévus dans le PLF 2015, selon le COM. Les nouveaux développements nécessiteraient à l’avenir probablement une réflexion sur la modernisation de la contribution à l’audiovisuel public.

Ensuite, je notais que France Médias Monde devait prendre le train du numérique. Notons d’emblée que le groupe n’a pas suivi l’idée du rapport Cluzel de mettre en place une rédaction multimédia spécifique afin de structurer cette offre. Chaque média reste aujourd’hui responsable de son développement en ligne.

Je n’ai pas de jugement à porter sur ce choix qui ne pourra être évalué qu’à l’usage. Les salariés et la direction ont pleinement conscience de cet enjeu numérique. Il s’agira certainement d’un défi complexe du fait du travail de formation qu’il nécessite. Je note cependant que les sites de France 24 et MCD ont été refondés et le site Internet de RFI devrait l’être au début de l’année 2014.

Il fallait ensuite, selon moi, que France Médias Monde apprécie son nouveau domicile et que les problèmes liés au déménagement de RFI soient réglés. Force est de la constater : certaines difficultés demeurent, mais je n’ai pas entendu, cette année, de remise en cause profonde de ce choix.

Enfin, le dernier des douze travaux était de créer des liens avec ses partenaires. Là, je crois que nous sommes sur la bonne direction : le COM donne en effet des exemples précis en la matière, que ce soit avec France Télévisions, Radio France, l’Agence France-Presse (AFP), TV5 Monde ou encore avec l’Institut national de l’audiovisuel (INA). Le temps permettra là encore de juger de la réussite des projets, mais les interlocuteurs que j’ai auditionnés m’ont semblé très optimistes. Un dialogue constructif est même engagé avec TV5 Monde sur des collaborations en matière de distribution.

Voilà un panorama des défis de France Médias Monde, je crois que nous pouvons dorénavant oser l’optimisme sur la sortie de crise.

Permettez-moi avant de conclure d’évoquer la situation de TV5 Monde. La cession de 36,4 % du capital de la société TV5 Monde par la société AEF à France Télévisions, portant sa participation au capital à 49 %, est effective depuis le 23 mai 2013. En conséquence de cette évolution capitalistique, le président de France Télévisions s’est substitué à celui de l’AEF dans le rôle de président du conseil d’administration de TV5 Monde.

Pour 2014, il est proposé d’allouer à TV5 Monde une dotation de ressources publiques de 76,2 millions d’euros, en progression de 1,2 million d’euros par rapport à 2013. Elle devrait lui permettre d’exercer ses missions de manière satisfaisante et nous pourrions utilement auditionner, en commission, le directeur général de TV5 Monde, Yves Bigot, qui en parle avec passion.

À l’issue de l’examen de ces crédits, je vous propose de donner un avis favorable à leur adoption.

M. Louis Duvernois. – Je souscris aux grandes lignes qui viennent d’être présentées par la rapporteure. La confiance a été restaurée. Néanmoins, je voudrais revenir sur trois points.

L’accord d’entreprise est difficile à obtenir. La multiplicité des acteurs et leur adhésion à cette fusion pose problème. C’est le poids d’un héritage. L’exercice est compliqué et prendra du temps. Or, c’est un enjeu majeur pour FMM (France Médias Monde) qui a réussi à changer son image et son mode de gouvernance. Il dépasse largement un problème de nature syndicale. C’est un problème global de gouvernance. Je n’ai pas personnellement de solutions mais je pense que notre commission doit être très attentive à cette situation.

Sur la question du positionnement de France 24 et TV5 Monde sur la TNT, nous avions auditionné Mmes Marie-Christine Saragosse et Aurélie Filippetti. FMM était favorable à ce positionnement mais celui de TV5 monde était lié au coût de l’opération, à savoir entre 7 et 8 millions d’euros. Vous avez évoqué l’arrivée de France 24 en Ile-de-France, cette opération ne peut-elle être élargie à tout le territoire national ?

Enfin, je me pose la question de la distribution de France 24 et de TV5 Monde. Une tentative a été faite pour que ces deux opérateurs puissent travailler ensemble, notamment en Asie. Or, selon mes informations, il n’y a pas eu de suites mais l’idée est toujours d’actualité. Quel est l’état exact de la situation en la matière ?

Mme Maryvonne Blondin. – L’année dernière, vous pointiez la souffrance au travail du personnel. Depuis l’arrivée de la nouvelle directrice, quelle est l’ambiance actuelle ?

M. David Assouline. – Le management de Mme Marie-Christine Saragosse est assez exceptionnel, notamment dans sa façon d’associer les personnels au projet d’entreprise. Ce regroupement dynamique est à souligner. Je respecte beaucoup ces journalistes et techniciens qui réalisent des prouesses techniques dans des zones particulièrement sensibles et dangereuses. Je tiens à faire remarquer les qualités professionnelles, le courage et l’expérience du personnel de RFI, que l’on n’a pas assez salués par le passé.

M. Jacques Legendre. – Je m’associe à ce qui a été dit à propos des journalistes de RFI. Une information rapide et de qualité dans ces zones est essentielle. J’aimerais également que la diffusion de France 24 s’étende à tout le territoire, d’avoir accès aux images qui nous représentent à l’extérieur. C’est vrai aussi pour RFI que l’on capte actuellement en région parisienne. Mme Aurélie Filippetti m’avait semblé timide dans ses propos devant la commission.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. – Je vous précise qu’un message de solidarité avait été envoyé au nom de la commission à FMM lors de l’assassinat des deux journalistes de RFI au Mali ainsi qu’à Libération il y a quelques jours lorsqu’un photographe a grièvement été blessé par balles dans les locaux du journal. Par ailleurs, je vous informe qu’un déplacement est prévu à FMM le jeudi 12 décembre au matin et que la commission examinera le COM de FMM le mercredi 18 décembre.

Mme Claudine Lepage. – À propos de la distribution, historiquement TV5 Monde était distribué gratuitement par satellite ou parfois, est rémunéré pour être distribué. Par contre, France 24, qui est arrivé plus tard sur le marché, a pris l’habitude de payer pour être distribuée. Il faut par conséquent créer les conditions d’une négociation, pour éviter une concurrence poussant les prix vers le haut.

Concernant l’harmonisation sociale, j’ai conscience qu’il sera difficile de trouver un accord d’entreprise. À ce stade, il faut faire confiance à Mme Marie-Christine Saragosse pour construire des projets communs, les négociations salariales et sur les conditions de travail suivront naturellement.

Sur la question de la souffrance au travail, il existait des problèmes évidents : des plans sociaux successifs, un déménagement, un travail à flux tendus… et donc la difficulté de retrouver la confiance et de se projeter dans l’avenir. Une partie d’entre eux ont aujourd’hui trouvé une réponse.

Je partage les remarques de M. Jacques Legendre sur la diffusion de France 24 sur tout le territoire, mais ce n’est pas prévu pour le moment. Concernant RFI, l’expérimentation a été également menée à Marseille et la ministre s’est engagée à des négociations pour la prolonger.

Sur la sécurité des journalistes, des stages de formation organisés par l’armée seront proposés aux journalistes qui se préparent à partir à l’étranger dans des zones difficiles. Un rapatriement des journalistes en zones sensibles a aussi été organisé.

Enfin, le positionnement de TV5 Monde sur la TNT n’est pas un sujet évoqué pour l’instant ; l’audition de M. Bigot pourrait nous apporter des éclairages sur cet aspect.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente. – Mes chers collègues, je vous propose d’adopter un avis sur l’ensemble des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».

La commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » du projet de loi de finances pour 2014.

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