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Enfin le printemps !

Par Richard Yung, sénateur socialiste des Français de l’étranger

L'hebdo des socialistesNe boudons pas notre plaisir. Avec 7 des 10 premières villes de France, avec 40 villes de plus de 20 000 habitants qui passent de droite à gauche, avec 9 conseils généraux qui font de même, la gauche, et en particulier le PS, a réussi les élections municipales et cantonales. Des villes symboles comme Toulouse, Strasbourg, Périgueux, Blois, …, des villes tenues depuis des temps immémoriaux par le conservatisme comme Metz, 60 départements socialistes, comme 20 régions sur 22, sont un motif de satisfaction et de responsabilité.

Maintenant que les flonflons des soirées électorales se sont tus, quels enseignements peut-on en tirer ?

  • A tout seigneur, tout honneur : le Président sort égratigné de l’exercice, à tel point qu’après avoir annoncé qu’il s’impliquerait et politiserait les municipales, il a été prié par les candidats de l’UMP de rester tranquillement à l’Elysée. Il en a tiré la leçon en ce qui concerne son style (moins de bling bling, de yachts et d’actrices), mais sur le fond que peut-il changer à ses orientations politiques ? Rien. Nous verrons mardi la nomination de quelques secrétaires d’État aux affaires indécises, et surtout un agenda présidentiel surchargé pour éliminer le débat sur les élections. Mais le plan de rigueur, l’accroissement des franchises médicales et l’alourdissement de la fiscalité seront bien au rendez-vous du printemps, en attendant d’autres mesures d’austérité en 2009 et 2010 qui, malgré les élections européennes et régionales, ne sont pas des années à échéance électorale lourde.
    L’UMP en tant que telle devra se reprendre, ce qui veut dire mettre fin à la cacophonie interne dont Neuilly, Reims, Amiens … ont été les exemples, reconnaître que 4 ministres battus ce n’est pas vraiment une victoire et regarder la vérité politique de ce scrutin en face. Faire élire Tiberi dans le Vème arrondissement de Paris, ce n’est pas vraiment la rupture et le progrès.
  • L’émergence d’un véritable pouvoir – au sens large – local, fort, tenu par la gauche et le PS. Le socialisme municipal n’est pas chose nouvelle, puisqu’il faisait déjà débat avant la création de la SFIO et que le PC l’avait érigé en règle de gestion des banlieues parisiennes. Ce qui est nouveau, c’est l’ampleur de ce mouvement. Comme si les Français faisaient largement plus confiance au PS pour gérer les pouvoirs locaux et régionaux. Comme si les citoyens espéraient du niveau local la solidarité et la justice sociale que le pouvoir d’État se refuse de leur donner. C’est une responsabilité lourde pour la gauche, qui doit inventer de nouvelles formes de politiques sociales, de politique des transports, d’environnement, tout en en trouvant le financement puisque celui-ci ne viendra pas d’en haut. On retrouve là exactement les positions de Louis Blanc en 1880 qui, à travers les Ateliers nationaux, avait amené le mouvement socialiste de l’époque à poser la question de la prise du pouvoir d’État central et donc du suffrage universel. Cela veut dire qu’il est impératif de remporter les prochaines élections législatives et présidentielles.
  • La France, si longtemps le pays par excellence de la centralisation, découvre et met en œuvre, par des chemins nouveaux, une décentralisation qui frise par moment le fédéralisme. Ce sera une des formes du socialisme français de lu XXIème siècle, et ce sera une de nos responsabilités de traduire ceci dans notre projet politique et d’en assurer les chemins d’avenir.
  • Le résultat est aussi riche d’enseignements pour nos alliances à venir : la piste d’un Modem privilégié a volé en éclats sous les palinodies d’un Bayrou uniquement occupé de son propre destin présidentiel et sous les alliances à géométrie variable de ses barons locaux, même si une majorité des électeurs du Modem du premier tour se sont reportés sur la gauche. Il reste par contre à formuler une proposition politique qui permette au centre gauche, sous ses différentes formes, de se rapprocher d’un grand parti social-démocrate. Nous devons aussi prendre acte d’une extrême-gauche qui avec 7 ou 8 % pèse sur les résultats de la gauche. Le PC résiste même s’il perd la Seine-Saint-Denis et 3 grandes villes. Nous devons en tenir compte dans notre projet d’alliances.
  • Les conséquences ne sont pas moindres pour le débat interne au PS. Ces résultats vont renforcer le poids des grands élus dans le pouvoir du parti, jusque là essentiellement tenu par les fédérations et par les écuries présidentielles. Le nombre de responsables qui ont sollicité un mandat municipal ou cantonal en est une illustration. Ceci se traduira certainement dans la réforme des statuts à venir par une entrée massive de ces grands élus dans les instances centrales. Tout se passe comme si faute de base syndicale et ouvrière depuis la Charte d’Amiens, le PS compensait enfin, comme les autres partis sociaux démocrates européens, par une base locale, celle des pays et des territoires.

Il reste donc beaucoup de travail aux socialistes pour transformer cette victoire en reconstruction d’une grande formation social-démocrate dotée d’un projet original et répondant aux besoins de justice sociale de la société française.

Mais le printemps, n’est ce pas avant l’été ?

Richard YUNG

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