La chambre de commerce et d’industrie de Paris-Ile-de-France (CCIP), qui représente près de 800 000 entreprises, a rendu public mercredi 12 mars un rapport intitulé « Les Français à l’étranger – L’expatriation des Français, quelle réalité ? ». Ce rapport souligne notamment la « nette accélération » de la mobilité des jeunes générations.
Entre 1,5 à 2 millions de Français vivent aujourd’hui à l’étranger, et l’expatriation a augmenté de 3 à 4 % par an sur les dix dernières années, ce qui correspond à 60 000 à 80 000 personnes supplémentaires chaque année. Sur la même période, la population française a cru de seulement 0,6 % par an.
Cette mobilité croissante concerne avant tout les jeunes. Ainsi, 27 % des jeunes diplômés voient leur avenir professionnel à l’étranger, contre 13 % en 2012, tandis que 34 % des jeunes âgés de 18 à 34 ans envisagent de s’expatrier dans les cinq à dix ans.
La première explication mise en avant par la CCIP est que « chômage et morosité poussent les jeunes au départ ». Mais ce serait une erreur de ne retenir du rapport que l’inquiétude des entreprises, et de voir dans cette mobilité accrue une « fuite », un « exil » – qualifications utilisées par de nombreux articles de presse commentant le rapport. D’une part, la chambre de commerce elle-même tempère son constat en précisant que ces facteurs ne constituent que les « explications les plus plausibles ». D’autre part, des explications, il y en a d’autres, et elles viennent contrebalancer cette « inquiétude » des entreprises.
Car si les jeunes s’expatrient, c’est notamment pour acquérir une expérience internationale que les entreprises sont les premières à demander. Elles veulent des candidats qui sont allés « explorer le monde », qui sont ouverts d’esprit, et ont développé leur capacité d’adaptation. Pour sortir du lot à une heure où il est effectivement difficile de s’insérer sur le marché de l’emploi, une expérience internationale est un incontestable plus sur un CV. De fait, nombreux sont les programmes nationaux ou européens stimulant la mobilité des jeunes, comme Erasmus ou le volontariat international en entreprise.
Au-delà de ces considérations pratiques, c’est aussi par soif de découvertes et pour élargir leur horizon, notamment culturel, que les jeunes s’expatrient. Certes, la situation économique peut être un facteur motivant la décision de s’expatrier. Mais s’alarmer en en faisant le motif principal, voire exclusif, est certainement très exagéré. Les expatriés sont plus qualifiés que la moyenne : 53 % d’entre eux ont au moins un bac + 3, alors que la part de la population totale ayant au moins un bac + 2 est de 12,5 %. Ceux qui s’expatrient ne sont donc pas les premiers touchés par le chômage. La plupart trouveraient un emploi en France ; seulement, l’étranger les attire.
L’expatriation n’est pas un abandon. 88 % des expatriés maintiennent un lien privilégié avec la France, et une écrasante majorité (67 %) envisage un séjour inférieur à dix ans. C’est aussi à la France de faciliter leur retour. Je pense en particulier aux jeunes qui reviennent en France après un volontariat international en entreprise et ne peuvent pas prétendre à l’assurance chômage en attendant de trouver un emploi, car ils n’ont pas cotisé pendant leur mission.
De plus, le rapport le souligne dès son introduction, il faut distinguer ce qui relève d’un mouvement de fond lié à la mondialisation, de ce qui est spécifiquement français. On s’aperçoit de fait que l’expatriation, notamment des jeunes diplômés, correspond à une tendance générale, et que le phénomène est bien plus important au Royaume-Uni, en Allemagne et en Italie, ces pays comptant respectivement 4,69 millions, 4,28 millions et 3,62 millions d’expatriés.
Enfin, si des Français quittent la France, nombreux sont les étrangers qui s’y installent. La France est ainsi le troisième pays en termes de nombres d’étudiants étrangers accueillis, après les Etats-Unis et le Royaume-Uni. Des mesures telles que l’autorisation de l’enseignement en langue étrangère sont, à cet égard, essentielles pour garantir l’attractivité de notre pays.
Oui, les jeunes s’expatrient davantage aujourd’hui qu’hier, mais cela n’a rien d’inquiétant, car le phénomène est global, car l’expatriation est le choix de l’étranger et non le rejet de la France, enfin, et surtout, car découvrir une autre civilisation et vivre dans un autre pays permet d’acquérir des qualités essentielles, au niveau professionnel notamment, et constitue une source d’enrichissement et d’ouverture d’esprit certaine. Et pour terminer, n’oublions pas que les Français qui s’expatrient, en participant activement au rayonnement de la France, à la diffusion de sa langue, de sa culture, de ses valeurs, sont nos meilleurs ambassadeurs.
La mobilité à l’international de nos concitoyens est un précieux atout pour notre pays. L’envisager comme une menace participe d’une vision étroite à laquelle nous ne souscrivons assurément pas, comme en témoigne l’organisation le 3 avril prochain, par la ministre déléguée chargée des Français de l’Etranger, Hélène Conway-Mouret, d’une conférence intitulée « Les Français à l’étranger : un atout pour la France ».