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Réforme du collège – Audition de la ministre : « un collège toujours unique mais pas uniforme, car il traitera la diversité des élèves »

La commission de la culture du Sénat, dont je suis membre, a auditionné la ministre de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Najat Vallaud-Belkacem, dans la cadre de la réforme du collège.

La ministre a, comme à l’accoutumée, apporté des réponses extrêmement claires et précises aux différentes questions des parlementaires. Elle a, en ce qui me concerne, répondu à mes interrogations et levé les inquiétudes que je pouvais ressentir.

Mme Vallaud-Belkacem a débuté en rappelant le contexte général de la réforme: « Notre collège va mal parce que le niveau général diminue ; parce que l’écart entre les bons élèves et les plus en retard n’a cessé de se creuser ; parce que ces écarts sont liés à l’origine sociale des élèves – le déterminisme social est particulièrement fort en France, qui est la lanterne rouge de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) dans ce domaine. L’école française conforte les inégalités sociales par son organisation, qui donne davantage à ceux qui ont déjà beaucoup. »

Puis, elle a détaillé les trois leviers d’action sur lesquels il convient de jouer :

une marge de manœuvre plus importante aux équipes enseignantes: « partant du constat que tous les établissements n’ont pas les mêmes besoins, nous allons mettre fin à l’uniformité en donnant une marge de manœuvre aux équipes enseignantes, ici pour renforcer l’enseignement du français, là pour renforcer la motivation en organisant des partenariats avec le monde professionnel. Ce sont les fameux 20 % du temps dont les équipes pédagogiques décideront l’organisation. »

les pratiques pédagogiques: « Il n’y a pas une unique façon d’apprendre. En plus des enseignements traditionnels, qui sont disciplinaires, théoriques et magistraux, nous allons mettre en place les enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI) : plusieurs enseignants travailleront ensemble auprès des élèves en croisant leurs spécialités. Dans un monde complexe où les sources d’information sont multiples, l’enseignement cloisonné et disciplinaire ne suffit plus. Pour prendre du sens, ce travail doit s’organiser autour de projets concrets – ce que les anglo-saxons appellent learning by doing – par exemple en établissant un lien entre des formules mathématiques et le développement durable. « 

l’accompagnement personnalisé et le travail en petits groupes: « Les enseignants se plaignent de ne pouvoir avancer en raison de l’hétérogénéité du niveau des élèves. Nous allons créer 4 000 postes – cela n’est pas suffisamment rappelé – pour les aider à s’adapter à la singularité de chaque élève en prévoyant des temps d’accompagnement personnalisé. Ils vérifieront la bonne acquisition du cours ou proposeront un approfondissement aux élèves les plus avancés […] Actuellement, un collège de 500 élèves a une marge de manœuvre de 10 heures pour organiser du travail en petits groupes. Grâce à la réforme, il en aura 60. « 

L’objectif de la réforme est bien d’instaurer « un collège toujours unique mais pas uniforme, car il traitera la diversité des élèves. »

Au sujet des langues vivantes, et de l’apprentissage d’une deuxième langue dès la classe de 5ème, la ministre a tenu à rétablir la vérité: « Des contre-vérités ont circulé, on a prétendu que c’était au détriment de la première langue vivante (LV1). C’est faux, la LV1 ne perd pas d’heures. À compter de 2016, les élèves apprendront une langue étrangère dès le cours préparatoire (CP), et non plus à partir du cours élémentaire 1re année (CE1).  » Par ailleurs, elle a rappelé qu’il n’était pas question de remettre en cause les classes bilangues mais d’en étendre le dispositif: « Concernant les classes bilangues, peut-être la formulation est-elle en cause. Nous ne souhaitons pas mettre fin au dispositif, mais l’étendre à l’ensemble des élèves. L’école ne peut organiser la différence de chances entre élèves. Les classes bilangues concernent 15 % des élèves de sixième ; elles concerneront l’ensemble des élèves de cinquième. C’est peut-être insuffisant, mais nous aurons parcouru la moitié du chemin. Est-ce un risque que d’enseigner une deuxième langue à tous dès la cinquième ? Arrêtons d’opposer les matières : comme des enquêtes sérieuses l’ont démontré, l’exposition aux langues vivantes améliore la maîtrise du français. »

Elle a également tenu à clarifié les choses au sujet des classes bilangues dans les zones frontalières: « Soyons clairs, il a toujours existé deux sortes de classes bilangues : celles destinées aux enfants qui ont étudié l’anglais comme LV1 à l’école primaire et qui choisissent l’allemand en sixième, et les classes bilangues dites « de continuité » pour les élèves ayant commencé l’apprentissage d’une langue autre que l’anglais en primaire et qui en débutent l’apprentissage en sixième. Ces dernières sont majoritaires dans les zones transfrontalières, où nous les maintiendrons, en leur offrant même une garantie, puisque ce bilanguisme sera désormais garanti dans tous les établissements : c’est inscrit dans les textes. En revanche, les élèves qui ont commencé par l’anglais ne commenceront à apprendre une autre langue qu’en cinquième, comme la réforme le prévoit. « 

Concernant l’enseignement des langues anciennes, Mme Vallaud-Belkacem a également énoncé clairement les choses, notamment au regard de la polémique et de la récupération politique qui a surgi: « Il y a un temps pour la polémique et un temps pour la confiance. Les langues anciennes sont une richesse, un apport dans les domaines de l’histoire, de la citoyenneté, du français, mais aussi du développement de l’imaginaire ; c’est pourquoi, plutôt que de les réserver à une minorité, nous devons les ouvrir à un plus large public grâce aux EPI qui aborderont toutes ces dimensions. Je fais le pari que ces matières attireront ainsi davantage d’élèves. S’ils sont 18 % à étudier le latin au collège, ils ne sont plus que 5 % au lycée. Les langues et cultures de l’Antiquité pourront être étudiées en cinquième, quatrième et troisième de façon continue dans le cadre des EPI, avec en plus la possibilité d’enseignements de complément. Au total, elles bénéficieront du même nombre d’heures, mais pour un plus grand nombre d’élèves. Quant aux professeurs, ils enseigneront ces matières dans le cadre des EPI, comme tous leurs collègues et l’augmentation du nombre d’élèves leur permettra de continuer à assurer des cours de latin et de grec. »

La ministre a également répondu aux interrogations quant à la réforme des programmes, rappelant au passage que ces programmes correspondront au socle commun de connaissances, de compétences et de culture, dont la première version avait été établie en 2005, alors que François Fillon était ministre de l’éducation nationale. Elle a également insisté sur la nécessité, non seulement de corriger les lacunes du collège, mais aussi le moderniser: « En 2023, quand les collégiens de 2016 entreront dans la vie active, de quoi auront-ils besoin ? De connaître plusieurs langues vivantes, de mieux maîtriser l’oral, de savoir travailler en équipe, de développer la créativité, de savoir utiliser les outils numériques. »
Pour ce qui est de la concomitance vient du retard accumulé par le Conseil supérieur des programmes, instance indépendante dont le précédent président, M. Alain Boissinot, a démissionné en juin dernier. Elle a reconnu d’indéniables maladresses de formulation au sujet des programmes d’histoire, notamment dans l’usage du terme « facultatif »: « le CSP a jugé bon de distinguer entre sujets obligatoires et facultatifs pour laisser une marge de manœuvre aux enseignants dans leur traitement des programmes. Il n’est pas pour autant question de rendre l’étude des Lumières facultative, ni de passer aucune période de l’histoire sous silence. Aucun thème n’est facultatif, mais l’enseignant garde la liberté d’approfondir certains aspects plus que d’autres – l’approche sociale des idées des Lumières ou bien leur influence à l’étranger, par exemple. L’un des objectifs de notre réforme, après les attentats de janvier dernier, est de développer chez les élèves les valeurs de la liberté et de la liberté d’expression. »

Je vous invite à lire l’ensemble de l’audition ici.

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