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Ma participation au colloque sur les enjeux de l’état civil

Lors de mes travaux sur les enfants sans identité au sein de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie (APF), j’ai pu auditionner de nombreux organismes dont Regards de femmes. Cette ONG m’a invitée à participer à un colloque, qui s’est déroulé lundi 14 octobre à Lyon, autour de la thématique : « L’état civil de chaque personne : enjeu de dignité humaine et de sécurité – Le cas des mineur·es migrant·es non-accompagné·es ». Cette soirée fut très riche du fait de la diversité des intervenants. En effet, les parcours et les organismes représentés étant très variés, chaque intervention a permis d’apporter un éclairage nouveau sur la question des enfants sans identité et/ou des mineurs non accompagnés.

La première table ronde a commencé par l’intervention de deux avocates du barreau de Lyon qui ont dressé l’état du droit en matière de droit des étrangers et de protection de l’enfance. Les mineurs qui parviennent à atteindre la France après un parcours souvent très difficile, se heurtent ensuite à la preuve de leur minorité. Disposant parfois d’un document à l’appui de leurs allégations, la validité des actes est bien souvent contestée par l‘administration qui souhaite lutter contre une instrumentalisation, parfois fantasmée, des mesures de protection de l’enfance. Ainsi la procédure de vérification des actes d’état civil, qui est censée être une procédure exceptionnelle, est une demande systématique du Procureur de Lyon.

Afin de lutter contre l’incertitude liée à l’identité des personnes, l’Organisation internationale de la Francophonie mène des actions sous le prisme des élections. L’absence d’état civil fiable explique que les organes de gestion des élections ont du mal à identifier les électeurs en âge de voter. Cette situation conduit souvent à une possible manipulation des registres et donc à la contestation des résultats des élections. Un programme spécial sur l’état civile a donc été mis en place et a entrainé la mise en place de plans stratégiques dans la plupart des pays francophones.

Madame N’Diaye, Conseillère égalité au sein du G5 Sahel, a retracé le parcours migratoire de ces mineurs avant d’arriver en France, rappelant l’atrocité des trafics auxquels ils sont confrontés et particulièrement les filles puisque 80% des femmes qui migrent depuis un des pays du Sahel risquent d’être victimes de la traite des êtres humains. Tout au long du chemin migratoire, les mineurs non accompagnés sont en effet en proie aux trafiquants. Les filles et les femmes sont particulièrement vulnérables et victimes des proxénètes mais les hommes sont également réduits en esclavage. Tous ces réseaux ne sauraient être aussi développés sans un soutien des autorités de certains pays qui n’ont aucun intérêt à ce que cette situation cesse. La Libye, dont la situation est dramatique, ne connait pas le statut de l’asile et n’a pas signé la Convention sur les réfugiés. Elle est donc le théâtre de toutes les atrocités sans qu’aucune donnée fiable ne puisse être établie ; la réalité de l’ampleur des problèmes est donc méconnue.

Appartenant à l’Agence des Nations  unies pour les réfugiés, Monsieur Gondo a pointé le risque d’apatridie pour les mineurs isolés soit parce qu’ils perdent leurs documents prouvant leur lien avec leur pays d’origine soit parce que la législation de leur pays d’origine ne leur permet pas d’acquérir la nationalité. Il en est ainsi dans certains pays où a loi ne permet la transmission de la nationalité que par le père : si celui-ci est absent ou qu’il ne souhaite pas reconnaitre son enfant, ce dernier se retrouve démuni de la nationalité. Afin de lutter contre ce risque, la communauté internationale met en œuvre des programmes de prévention par exemple pour lutter contre les lois discriminatoires.

Lors de la deuxième table ronde, deux représentantes du département du Rhône et de la Métropole de Lyon ont fait un état des lieux de la situation des mineurs non accompagnés dans leurs territoires respectifs. Toutes deux ont décrit une montée en puissance du nombre de mineurs non accompagnés depuis 2016, dans leur grande majorité des garçons (90 à 95%), confirmant que les jeunes filles étaient généralement victimes de trafics qui ne leur permettaient pas à l’administration de les identifier comme mineures non accompagnées.

Rapahel Ruffier, journaliste d’investigation, a présenté son documentaire « Les accueillants » puis deux représentantes associatives ont fait un point sur la demande d’asile pour les mineurs non accompagnés à travers deux prismes différents.

En effet, directrice de l’Amicale du Nid du Rhôme, Madame Gaudillat a apporté un éclairage sur les difficultés rencontrées par les mineurs, victimes de traite, notamment pour obtenir l’asile en France et pour pouvoir bénéficier d’un parcours de sortie de la prostitution. Si l’asile comme le bénéfice d’un parcours de sortie de prostitution ne sont malheureusement pas aisés à obtenir en France, les réseaux de trafics entretiennent et favorisent ces difficultés notamment en déclarant les mineures comme des majeures afin qu’elles échappent au radar de la protection de l’enfance. Par ailleurs, elle a pu dénoncer le paradoxe des démarches pour les filles souhaitant sortir de la prostitution : alors que l’état exigent des victimes qu’elles justifient de leur identité pour bénéficier d’un parcours de sortie de la prostitution mais, dans le cadre d’une demande d’asile il leur est opposé toute démarche auprès des autorités de leur pays d’origine qui sont pourtant les seules à pouvoir leur délivrer des documents d’identité.

Enfin, Madame Tripier du Forum réfugiés a précisé le droit en vigueur pour les mineurs non accompagnés en matière de droit d’asile et d’établissement d’identité. Dans le cadre d’une demande d’asile, la détention de document d’identité n’est pas nécessaire puisque l’OFPRA a la charge de déterminer l’identité des personnes qui demandent sa protection. Ce serait d’ailleurs contraire à la demande d’asile que de requérir des demandeurs d’effectuer des démarches auprès de leurs ambassades ou consulats : un État  n’a pas à savoir qu’un de ses ressortissants demande l’asile à la France. La procédure de demande d’asile pour les mineurs non accompagnés et surtout non documentés va permettre de régulariser leur droit au séjour et de reconnaitre leur parcours et donc leur existence avant l’arrivée en France.

J’ai conclu cette rencontre en décrivant le travail accompli au Sénat en posant des questions écrites au gouvernement, portant sur la protection et l’insertion des mineurs isolés étrangers et sur leur régularisation, en intervenant lors de débats parlementaires et en déposant de nombreux amendements – tous, visant à ce que les mineurs non accompagnés puissent être admis au séjour et qu’ils continuent à bénéficier d’un accompagnement une fois leur majorité atteinte ; De façon plus générale, de veiller à ce qu’il leur soit apporté une réponse globale en matières éducative, culturelle et sociale, de santé et de logement.

Dépassant le cadre national, je suis également cette problématique au sein de l’APF. Pleinement investie sur ce sujet, l’APF qui souhaite faire de l’espace francophone la première zone mondiale avec « zéro enfant sans identité », a adoptée en juillet dernier une loi-cadre qui permet de mettre à disposition des parlements francophones un outil adaptable, pour créer ou améliorer le cadre législatif en vue de reconnaitre juridiquement les enfants sans identité et de développer l’enregistrement obligatoire, gratuit et public des naissances.

Enfin, j’ai insisté sur sur la volonté politique nécessaire à la mise en œuvre de n’importe quelle norme édictée. La loi cadre adoptée par l’APF est un bon exemple : l’outil mis à disposition ne saurait être utile si les politiques de chaque pays ne s’en saisissent pas. Qui plus est, une fois la norme adoptée par les législateurs nationaux, encore faut-il qu’elle soit appliquée. En effet, il ne suffit pas de voter une loi, il faut qu’elle soit appliquée. Aucun changement ne pourra voir le jour sans une volonté politique ferme et la mobilisation de tous.

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