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Violences conjugales : une loi pour mieux protéger, mieux prévenir, mieux sanctionner

La proposition de loi relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants vient d’être adoptée à l’unanimité par le Sénat.

Nous nous félicitons de ce vote, nouvelle étape dans la lutte contre ce fléau des violences conjugales.

La proposition de loi est issue de la fusion entre la proposition de loi visant à renforcer la protection des victimes et la prévention et la répression des violences faites aux femmes, adoptée également à l’unanimité par l’Assemblée nationale, et la proposition de loi relative aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants de notre collègue du groupe socialiste, Roland Courteau, et dont nous sommes cosignataires.

Ce sont d’ailleurs les sénateurs socialistes qui, dès 2004, se sont saisis de cette question des violences au sein des couples, déjà sous l’impulsion du sénateur Courteau. Ce travail avait abouti à l’adoption de la loi du 4 avril 2006, qui enfin, traitait tous les enjeux de ce phénomène demeuré si longtemps tabou.

Quatre ans après, de nouvelles avancées doivent être inscrites dans notre droit : l’ordonnance de protection permettra de protéger les victimes de leur agresseur, les violences psychologiques seront enfin reconnues comme un délit et une surveillance électronique mobile des auteurs de violences pourra être mise en place.

Par plusieurs amendements, nous avons, notamment, veillé à ce que les Français de l’étranger soient pris en considération.

Ainsi avons-nous obtenu la rectification de l’amendement socialiste tendant à introduire une information sur l’égalité entre les femmes et les hommes, la lutte contre les préjugés sexistes et la lutte contre les violences commises au sein du couple, à tous les stades de la scolarité. Cette information sera donc aussi dispensée dans les établissements français d’enseignement scolaire à l’étranger :

M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage, sur l’article.

Mme Claudine Lepage. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, chers collègues, il nous appartient de prendre toutes les mesures pour endiguer la violence au sein des couples, qui est un véritable fléau touchant tous les milieux sociaux. Pour éradiquer ce mal, le volet « prévention » est primordial. Or la prévention passe avant tout par l’éducation et par l’information. L’article 11 A, qui tend à prévoir qu’une formation scolaire soit dispensée aux plus jeunes sur l’égalité des sexes, la lutte contre les préjugés sexistes et contre les violences commises au sein des couples, est élémentaire. Il va de soi que cette formation doit être dispensée également dans les établissements d’enseignement français à l’étranger, comme vise à le préciser l’amendement n° 24 rectifié déposé par le groupe socialiste, car la violence familiale ne s’arrête pas aux frontières. C’est à l’école, répétons-le, qu’il revient de pallier les lacunes d’une éducation sur ce sujet lorsque la sphère privée familiale est défaillante. Bien plus, c’est l’école qui doit corriger la représentation, parfois complètement faussée par les médias, les films et les chansons, que les enfants se font des relations entre les hommes et les femmes. Plus généralement, n’oublions pas que l’école demeure le lieu privilégié de l’apprentissage de la vie en société. Il faut donc lui donner les moyens financiers et humains d’assumer cette mission. Mais c’est un autre débat. Au-delà du seul aspect éducatif, il est absolument nécessaire de dispenser une information sur ces sujets, car si le chiffre effrayant d’une femme mourant tous les deux jours et demi sous les coups de son conjoint est désormais connu de tous, l’on sait moins qu’en France quatre femmes victimes sur cinq ne portent pas plainte ! La honte, la peur, l’isolement les enferment encore davantage dans cet enfer. La loi doit les aider à briser le silence. Cette situation est exacerbée pour les Français établis hors de France. Ces Français sont, en effet, susceptibles de se trouver encore plus démunis face à la violence de leur conjoint pour diverses raisons, qui tiennent à la mauvaise connaissance de la langue du pays ou encore de ses éventuelles structures d’aide. Et je n’évoque même pas la situation dans certains pays qui méconnaissent les droits des femmes… C’est pourquoi, afin de libérer véritablement la parole des victimes, il importe d’offrir toute l’information nécessaire et de mettre à la disposition du public un numéro d’appel d’urgence, disponible via le site internet du consulat, ou des dépliants. Cette information doit également être disponible à la Maison des Français de l’étranger pour les Français qui s’apprêtent à quitter la France. C’est le sens de l’amendement n° 25 que mes collègues du groupe socialiste et moi-même avons déposé.

De même, Claudine Lepage a-t-elle défendu un amendement tendant à fournir dans les consulats et la Maison des Français de l’étranger des informations sur les violences au sein des couples et les possibilités d’accueil et de recours dans le pays de résidence ou en France. Une telle disposition s’avérant réglementaire, Claudine Lepage a retiré l’amendement mais a obtenu du gouvernement l’engagement de sa mise en œuvre:

M. le président. La parole est à Mme Claudine Lepage.

Mme Claudine Lepage. Comme je l’ai dit dans mon intervention sur l’article 11 A, les Français résidant à l’étranger sont susceptibles de se trouver encore plus démunis face à la violence de leur conjoint, pour diverses raisons. En effet, ils ne connaissent pas toujours bien leur pays de résidence, ils en maîtrisent parfois mal la langue et ne sont pas toujours informés de l’existence éventuelle de structures d’aide. Il importe donc de leur offrir toute l’information nécessaire dans de telles situations, ainsi qu’un numéro d’appel d’urgence, via le site internet du consulat ou des dépliants. Cette information doit être également disponible à la Maison des Français de l’étranger à destination des Français qui s’apprêtent à quitter la France.

Par ailleurs, Richard Yung s’est intéressé au sort des femmes étrangères bénéficiant d’un titre de séjour français rentrant dans leur pays d’origine qui se font alors dérober leurs papiers par leur conjoint. Il a ainsi présenté un amendement permettant aux autorités consulaires de délivrer un visa de retour dans un tel cas. Cet amendement a été adopté à l’unanimité :

M. le président : La parole est à M. Richard Yung

M. Richard Yung. Le présent amendement est très proche de celui de Mme Garriaud-Maylam : je constate avec plaisir que nous sommes pleinement en accord. Cet amendement a pour source notre expérience commune de sénateurs des Français de l’étranger et notre connaissance de la situation de femmes étrangères résidant en France qui se trouvent en situation de détresse. Il vise à les aider à rentrer en France après un séjour dans leur pays d’origine, même lorsque leur époux leur a volé leur titre de séjour. En 2007, j’ai été contacté par une ressortissante algérienne bénéficiant d’un titre de séjour français qui avait été trompée et abusée par son mari. Après une visite en Algérie, le mari de cette femme est rentré en France, sans elle, mais en prenant ses papiers – son passeport algérien et sa carte de séjour française. Elle ne pouvait donc pas revenir dans notre pays. Elle s’est fait refaire un passeport algérien mais, lorsqu’elle s’est présentée au consulat général de France pour demander une nouvelle carte de séjour, elle a été confrontée à une situation de blocage, le consulat ne sachant pas comment traiter son dossier. Plusieurs jours de négociations ont été nécessaires. Disant cela, je n’émets aucune critique envers le consulat ; ce cas précis n’est pas prévu par la loi. Il est primordial de mettre un terme à ce type de situation afin que les femmes confrontées à de telles difficultés puissent rentrer en France, pays dans lequel elles vivent. Le présent amendement a donc pour objet de permettre aux autorités consulaires françaises de délivrer un visa de retour à ces femmes.Cet amendement, qui est presque identique au précédent, introduit une notion supplémentaire, la « tentative d’abandon » de la part du mari, autrement dit une volonté de répudier ou de divorcer et d’utiliser des moyens de fait contre l’épouse.

Enfin, Richard Yung a déposé un amendement visant à supprimer le délit de racolage passif, une infraction injuste, inefficace et dangereuse pour les personnes prostituées. Malgré le soutien surprenant de quelques sénateurs de droite, cet amendement n’a pas été adopté :

M. le président. La parole est à M. Richard Yung

M. Richard Yung. Le présent amendement a pour objet d’abroger le délit de racolage passif institué par l’article 50 de la loi du 18 mars 2003. Depuis lors, le fait de racoler, activement ou passivement, est punissable de deux mois de prison et de 3 750 euros d’amende. La création de cette infraction devait permettre de lutter contre les troubles à l’ordre public, notamment les nuisances dont les riverains se plaignaient, et d’éradiquer les réseaux étrangers de proxénétisme. Nous partageons avec la majorité l’objectif de lutter contre ces réseaux mafieux de proxénétisme et de traite des personnes prostituées. Pour autant, nous sommes opposés au délit de racolage passif, injuste, inefficace et dangereux. Il est injuste parce qu’il n’est pas défini, étant constitué par une simple négation, une absence d’action, qui, par ailleurs, ne cause préjudice à personne. De plus, il soumet les personnes prostituées à un régime spécial. Or la Convention pour la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui de 1949, ratifiée par la France, exige l’abrogation de toute disposition ou pratique conduisant à les inscrire dans les registres spéciaux ou à les soumettre à des conditions exceptionnelles de surveillance. Une simple application du droit commun est possible. La stigmatisation des prostituées par le biais de la création d’articles spécifiques nous semble infondée. Il suffit de mettre en œuvre les dispositions existantes relatives aux atteintes à la moralité ou à la tranquillité publique – tapage nocturne, exhibition sexuelle ou trouble au bon voisinage. Par ailleurs, le délit de racolage passif est inefficace. Il n’a en rien contribué à lutter contre le trafic d’êtres humains ou le proxénétisme. Depuis son entrée en vigueur, aucun procès pour traite des êtres humains n’a eu lieu. Ce délit est enfin dangereux parce qu’il conduit les personnes prostituées à se rendre dans des zones de plus en plus lointaines, des zones de non-droit. Des femmes dont les camionnettes sont saisies et non restituées sont obligées de travailler dehors, dans des conditions beaucoup plus dangereuses. Elles sont ainsi fragilisées, en particulier lors la négociation, si j’ose dire, du préservatif. La France est un pays abolitionniste dans lequel la prostitution n’est pas interdite. Or l’introduction du délit de racolage passif dans notre droit l’a fait glisser progressivement vers un régime prohibitionniste. La confusion entre la répression du racolage et celle de la prostitution s’est ainsi installée. Le comportement des policiers s’est, par ailleurs, radicalisé – gardes à vue abusives, fouilles humiliantes ou contraventions injustifiées. Vous le savez, il faut faire du chiffre… Pour illustrer mon propos, je souhaite vous citer, mes chers collègues, le cas d’une femme prénommée Evelyne, qui a été interpelée vingt-six fois en deux mois et demi. Sa comparution immédiate a eu lieu le 30 décembre 2004 ; elle a été condamnée à trois mois de prison, mais cette condamnation a été cassée pour vice de forme. Au mois de février dernier, lors de l’examen de la proposition de loi renforçant la protection des victimes et la prévention et la répression des violences faites aux femmes, une députée du groupe UMP Mme Chantal Brunel avait déposé un amendement similaire à celui que je vous présente. Nos motivations divergent quelque peu, mais, sur le fond, nos positions convergent. Mme Brunel avait retiré son amendement en séance publique, Mme Morano lui ayant promis la mise en place d’un groupe de travail. Plus de trois mois ont passé. Quid de ce groupe de travail ? S’est-il réuni ? Quelles sont ses conclusions ? N’ayant à l’heure actuelle obtenu aucune information supplémentaire, nous souhaitons la suppression du délit de racolage passif.

Vous pouvez accéder au dossier législatif et consulter la totalité des débats en cliquant ici.

Claudine Lepage & Richard Yung

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