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Harcèlement moral dans les postes diplomatiques

lib
Hasard du calendrier ? J’avais déposé voici une quinzaine de jours au Journal Officiel le texte d’une question orale sur le harcèlement moral dans les postes à l’étranger. Libération publie aujourd’hui 21 décembre 2010 une tribune très intéressante sur le sujet intitulée « La diplomatie a besoin de médiation », signée Sandra Saldana, et un article de Loraine Millot intitulé « Malaises en sourdine au Quai d’Orsay ».

En parallèle, voici mon intervention du même jour au Sénat et mon échange de vues avec le ministre Laurent Wauquiez chargé de me répondre au nom de la ministre des Affaires étrangères et européennes, Mme Alliot-Marie, absente ce jour-là.

Séance des Questions orales au Sénat

La parole est à Mme Claudine Lepage : Monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis quelques années, les cas de harcèlement moral sont dénoncés et se multiplient, symptômes d’une époque, d’un malaise individuel ou général, les analyses divergent sur l’interprétation de cette forme inédite de violence. Pour ma part, je remarque que plus de 50% des plaintes pour harcèlement moral sont issues de la fonction publique. Dans une décision rendue le 12 mars dernier, le Conseil d’Etat a reconnu à une fonctionnaire victime de harcèlement moral le bénéfice de la « protection fonctionnelle » instituée par la loi du 13 juillet 1983, confirmant la réponse ministérielle apportée à la question écrite déposée par le Sénateur Gournac en juillet 2008 qui évoque « l’octroi de cette protection entraîne l’obligation par l’administration, dès qu’elle a connaissance des faits de harcèlement, de mettre en œuvre, sans délai, tous les moyens de nature à faire cesser ces agissements. Dans ces conditions, il lui appartient d’engager des poursuites disciplinaires à l’encontre de l’auteur du harcèlement, de l’éloigner de l’agent victime, et de rétablir l’agent dans ses droits ».

Mais qu’en est-il pour le fonctionnaire en poste à l’étranger ? Des informations ou des témoignages que j’ai pu recueillir lors de mes visites aux communautés françaises de l’étranger, montrent que les Français établis à l’étranger ne sont pas exemptés de cas de harcèlement moral. Pourquoi le seraient-ils ? Parfois, les conséquences sont gravissimes, et plusieurs suicides ou des tentatives de suicide ont été constatés à travers le monde. Nous nous devons de prendre conscience du handicap supplémentaire des agents en poste à l’étranger, à savoir leur éloignement géographique de la France, donc de leur administration de rattachement, mais aussi, pour les petits postes d’une dizaine d’agents, isolement social, l’impression de vivre « en vase clos loin de leurs familles, de leurs amis, parfois dans un pays hostile, un pays où règne l’insécurité et qui ajoute au stress.

Les RGPP n’ont pas inventé les conflits entre agents, ils ont toujours existé. Mais quand les suppressions de postes pleuvent ou sont une menace qui guette chacun, la propension au conflit augmente.

Dans ces conditions, quelle aide recevoir en cas de mal être au travail, de souffrance, de harcèlement moral ?

Tous ces cas, monsieur le ministre, me semblent justifier la création d’un bureau de la médiation apte à répondre aux plaintes venues de tous les pays. Ce bureau (dont la « neutralité » ferait qu’il ne rendrait pas compte à la DRH mais à la DGA) pourrait agir pour apaiser les conflits par le dialogue, le conseil, la médiation, mettre en contact les interlocuteurs si nécessaire, orienter vers un psychologue, voir vers un syndicat qui pourra aider à entreprendre une action devant la justice en cas de nécessité. Que penseriez-vous, Monsieur le ministre, de la création d’un tel Bureau de la médiation destiné à la résolution des conflits, quels qu’ils soient, et qui œuvrerait pour la prévention du harcèlement (car souvent le harcèlement débute par une série de conflits qui ne se règlent pas et s’enveniment) et qui permettrait aux protagonistes de retrouver un quotidien serein ?

Réponse du ministre

M. Laurent Wauquiez, ministre chargé des Affaires européennes auprès de la ministre des Affaires étrangères et européennes, me répond en excusant tout d’abord l’absence de Mme Alliot-Marie. Il me remercie d’aborder ce sujet important et affirme l’intérêt de la ministre pour la gestion des Ressources humaines et son attention à ces questions humaines parfois douloureuses. Le ministère des Affaires étrangères y répond par une politique innovante en développant quatre outils : une politique de prévention avec la formation des agents sur la gestion des équipes et du stress etc. puis, en cas de problème avéré, la dépêche d’une mission sur place par l’inspection générale (avec notamment des psychologues), et des sanctions disciplinaires si le comportement inacceptable est avéré. Le ministre évoque pour finir un cadre mis en place pour le dialogue social en accord avec les organisations syndicales.

Ma réponse au ministre

Il m’apparaît, et j’insiste sur ce fait, que dans ces cas humains très difficiles, l’ennemi le plus grand à affronter est le silence. Toutes les victimes sont loin d’avoir un interlocuteur. D’où cette idée de Bureau de la Médiation qui assurerait une neutralité indispensable et répondrait à tous. Parfois, en effet, les cas de harcèlement se multiplient dans un même poste, provoquant une réaction en chaîne, des arrêts de travail les uns après les autres sans que l’administration ne réagisse – ou trop tard. J’ai un dossier qui, plusieurs mois après, n’a toujours pas obtenu réparation du préjudice subi, à savoir l’arrêt immotivé du contrat d’un agent, à un mois de passer en titularisation. Dans un autre pays, le responsable harceleur est rappelé à Paris huit mois après les faits.

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