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Le mur du Sud : pour aller plus loin, une réflexion venue d’Alger

Un texte écrit par Sophie Kerdjoudj, texte qui prolonge utilement la réflexion menée par Monique Cerisier ben Guiga dans son article le mur du Sud.

Quel beau texte. Vraiment. Il faut lever des boucliers comme ceux-là, souvent, pour lever une armée, un jour. Alger doit accueillir en novembre un séminaire du Cercle des Economistes Français, avec la présence d’Hubert Védrine, sur cette fameuse Union Méditerranéenne.

Les co-organisateurs algériens, que je connais, en profitent pour s’interroger, et se demander jusqu’où ils pourront interroger les participants sur la viabilité (ou l’intérêt tactique) – de cette Union au regard des raisons mêmes que Monique a invoquée dans son texte : quelle Union quand on ferme ses frontières ? Les réponses ? En voilà par avance quelques unes : – Une Union qui doit repousser la gestion des frontières de l’immigration du Sud de l’Europe au Sud du Maghreb : à ces pays des maîtriser les flux migratoires subsahariens pour réduire la salve vers l’Europe. – Une Union pour assurer à l’Europe sa sécurité énergétique (gaz et pétrole notamment)… tandis que l’Europe ferme ses portes à la distribution du gaz algérien ou russe. Il faut savoir à ce titre que 80% de l’énergie électrique en France est d’origine nucléaire, mais que les prix à la distribution restent indexés sur ceux de l’électricité produite par des centrales fonctionnant au gaz (reste de l’Europe) : la Fance s’assure donc ainsi une énorme « rente nucléaire » qu’elle souhaite conserver en contrôlant le prix du gaz…utilisé par ses voisins, allemands notamment… – Une Union pour ajouter, selon une étude du Cercle des Ecomistes Français, 0,3 points de croissance à la France et 1,5 pour le Maghreb. – Une Union pour traiter le risque sécuritaire (terrorisme) : échange de banque de données, etc.

Bref, un triptyque : immigration, énergie, sécurité. Est-ce cela qu’on appelle Union? Est-ce cette Union que prépare la loi Hortefeux? Oui.

Alors, on va trouver que je radote avec Jacques Berque*, mais ce penseur est tellement revigorant…et synthétise si bien ce qu’on a parfois en morceaux dans nos têtes…Avec lui, on peut partir de l’Union méditerranéenne et arriver au socialisme : Lui, comme d’autres, voulait avec le Sud une « union de solidarités« , une Union qui cesse la « liquidation culturelle qui a toujours régné en Europe au détriment de ce qui n’était pas dans l’air du temps« . Il souhaitait que l’Europe abandonnât cette fonctionnalité qui « asservit à elle-même tous les éléments non prédominants« , liquidant ainsi « les modalités de l’être occidental qui ne répondaient pas à cette visée. » Jacques Berque prônait la libération des énergies créatrices, mais ne cantonnait pas ces dernières au marché. « Le socialisme a raison de nous proposer comme but une société sans classe (…) mais doit nous proposer aussi une société pluriculturelle, affinitaire d’une vie plurimodale. » (NDLR : je crois que nous devons explorer, à gauche, ce terme de plurimodalité). Il aspirait à un « socialisme de la différence« . N’a-t-il pas trouvé hier les mots justes pour aujourd’hui, pour demain? Pour ceux qui ne s’y retrouvent pas entre quatre murs?

Personnellement, je pense que nous devons repenser beaucoup de choses pour sortir du ghetto dans lequel « l’ouverture » et son corollaire, la pensée unique, nous enferment. Je trouve que le titre du dernier article de Chomsky dans le Monde Diplo (Août 2007) sur « le lavage de cerveaux en liberté » illustre parfaitement ce à quoi nous sommes parvenus aujourd’hui : nous sommes libres, mais tellement manipulés que nous n’exerçons plus nos libertés. Noam Chmosky appelle tout un chacun au « contrôle démocratique des moyens de production et d’échanges« , dans tous les domaines…Nous devons sortir de ces murs-là aussi.

On a du pain sur la planche. Et quelque chose me dit qu’il serait judicieux de savoir si – et comment – le monde tel que nous l’avons économiquement conçu aujourd’hui pourrait, par exemple, se réformer si nous décidions, par exemple, d’inverser la course aux armements. Quelle économie mondiale demain, sans celle de l’armement ? Car elle en créé de la croissance cette économie…mais au prix de quelles destructions…

  • Une Cause jamais perdue, Albin Michel, 1998

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